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par M.K. Bhadrakumar.
La réunion à Moscou de dix États régionaux et des représentants des Taliban, qui s’est tenue mercredi, a produit un résultat qui dépasse de loin les attentes. L’importance de l’opinion consensuelle est quadruple, comme en témoigne la déclaration commune publiée à l’issue de l’événement :
- La reconnaissance régionale que le gouvernement des Taliban est une « réalité » incontournable ;
- C’est par un engagement constructif que les États régionaux doivent s’efforcer d’influencer les Taliban ;
- Une initiative collective visant à convoquer une conférence internationale des donateurs sous les auspices des Nations unies ;
- Un soutien régional solide à la souveraineté, à l’indépendance et à l’intégrité territoriale de l’Afghanistan.
Ensuite, il y a l’omniprésence de l’angle géopolitique. Pour dire les choses simplement, l’administration Biden a perdu le fil. Fox News a révélé que « les Taliban ont obtenu le soutien des principaux adversaires des États-Unis ». Deuxièmement, l’initiative régionale énergique sape les tentatives normatives occidentales de faire pression sur le gouvernement des Taliban.
Troisièmement, Moscou a pris de la hauteur en tant que principal mentor, guide et gardien des intérêts collectifs des voisins de l’Afghanistan. La délégation des Taliban s’en félicite vivement. Quatrièmement, non seulement la porte est fermée à toute forme de présence militaire américaine en Asie centrale, mais les États de la région s’opposent à ce qu’une puissance étrangère viole la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Afghanistan.
Enfin, dans le contexte de la conférence de Moscou, le forum nouvellement créé des ministres des Affaires étrangères des voisins immédiats de l’Afghanistan – Pakistan, Iran, Turkménistan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Chine – s’impose comme la locomotive pour aller de l’avant.
La prochaine réunion du forum est prévue le 27 octobre à Téhéran. Il s’agira d’un événement en personne et, dans un format élargi, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov y participera également !
Avant la conférence de Moscou, Lavrov avait rencontré la délégation des Taliban. Selon le ministre des Affaires étrangères par intérim des Taliban, Amir Khan Muttaqi, « nous avons de bonnes relations avec la Russie. Nous avons discuté de diverses questions, notamment des liens économiques, du commerce entre les deux pays et de la politique du nouveau gouvernement afghan au sens large, visant à utiliser la situation géographique de l’Afghanistan pour stimuler le commerce entre les pays de la région et, à terme, l’intégration économique ».
Les remarques liminaires de Lavrov à la conférence témoignent du haut niveau de confort que la Russie ressent aujourd’hui vis-à-vis du gouvernement des Taliban. Selon lui, « une nouvelle administration (afghane) est désormais en place. Cette réalité fait peser une grande responsabilité sur les Taliban. Nous notons les efforts qu’ils déploient pour stabiliser la situation militaro-politique et assurer le bon fonctionnement du système de gouvernance publique… le nouvel équilibre des forces en Afghanistan qui s’est installé après le 15 août n’a pas d’alternative dans un avenir prévisible ».
Dans cette perspective, Lavrov a indiqué : « Nous prévoyons d’engager nos capacités, notamment les capacités offertes par les Nations unies, l’OCS, l’OTSC et d’autres entités multilatérales… Il est important de noter que l’OCS et l’OTSC disposent d’un mécanisme spécial créé il y a de nombreuses années, qui est consacré à l’interaction avec l’Afghanistan et à l’identification des moyens de promouvoir la stabilisation dans ce pays… Nous sommes satisfaits du niveau de coopération pratique avec les autorités afghanes… Nous sommes reconnaissants aux autorités afghanes pour l’aide qu’elles ont apportée à nos journalistes… Nous continuerons à établir des relations commerciales avec Kaboul en vue de résoudre les problèmes bilatéraux urgents ».
Il est clair que l’accent est passé du plaidoyer en faveur d’un « gouvernement inclusif » et de la question de la « reconnaissance » officielle à la nécessité impérative d’éviter une catastrophe humanitaire. Il est extrêmement significatif que l’influente politicienne qui exprime l’opinion du Kremlin, Valentina Matviyenko (présidente du Conseil de la Fédération russe), ait déclaré hier que :
« Les Taliban ont pris le pouvoir, ils contrôlent tout le pays et il est nécessaire de dialoguer avec eux, de les rencontrer… La question de la reconnaissance ou de la non-reconnaissance n’est pas aujourd’hui l’acte prioritaire. Je pense que si, à la suite de ce dialogue, les Taliban acceptent les conditions que j’ai mentionnées, qu’ils ne se contentent pas de les approuver par écrit mais qu’ils les mettent en œuvre dans les faits, je pense qu’il y aura, bien sûr, leur reconnaissance puisqu’ils sont aujourd’hui le véritable pouvoir là-bas ».
En effet, alors que les États-Unis ont fait de la question de la reconnaissance une carte de négociation pour faire pression sur les Taliban, la conférence de Moscou a habilement sapé le plan américain. L’administration Biden aura de plus en plus de mal à lever les sanctions à un moment donné.
La conférence de Moscou a appelé les États-Unis à « assumer » les coûts du financement des besoins humanitaires en Afghanistan. Le président Poutine a frappé fort en déclarant hier que « la responsabilité première de ce qui se passe là-bas (en Afghanistan) incombe aux pays qui s’y sont battus pendant 20 ans. Et la première chose qu’ils devraient faire, à mon avis, est de débloquer les avoirs afghans et de donner à l’Afghanistan la possibilité de résoudre les tâches sociales et économiques de première priorité ».
En dernière analyse, la conférence de Moscou a bloqué la voie à tout interventionnisme unilatéral des États-Unis en Afghanistan – soit par des opérations militaires « hors région » sous prétexte de combattre des groupes terroristes, soit en sapant l’unité et la cohésion du gouvernement taliban par des opérations secrètes avec l’aide de groupes comme l’EI (comme cela s’était produit en Syrie) et en créant ainsi l’alibi d’une intervention directe à l’avenir.
Paradoxalement, les États régionaux sont devenus des parties prenantes de la stabilité du gouvernement taliban. La Chine, bien sûr, a encouragé cette approche. Il est concevable que, malgré les défis de taille, Moscou perçoive également le bien-fondé de l’argument selon lequel l’économie afghane peut finalement devenir un moteur de croissance.
Dans un commentaire récent du Global Times, on peut lire : « L’Afghanistan a un fort potentiel de développement et mérite d’être investi… le pays est riche en ressources minérales… si l’Afghanistan peut s’appuyer sur l’exploitation des minéraux pour surmonter les difficultés budgétaires, cela sera propice à la stabilité régionale et servira les intérêts de la Chine. Les investissements des entreprises chinoises dépendront en grande partie de la capacité des Taliban à garantir efficacement la sécurité de la production et de la construction nationales, à maintenir l’ordre social, à assurer la sécurité et à lutter contre le terrorisme afin de regagner la confiance des investisseurs ».
En fin de compte, les Taliban peuvent à juste titre se réjouir du fait que la conférence de Moscou a pratiquement fait de la soi-disant « légitimité » de leur gouvernement une question sans importance.
L’alchimie de l’engagement constructif est telle qu’elle équivaudra progressivement à une reconnaissance de facto, surtout si l’ONU devait convoquer une conférence des donateurs. En résumé, la conférence de Moscou a fait en sorte que la position obstinée et vengeresse des États-Unis à l’égard des Taliban devienne insoutenable au fil du temps.
illustration : Le vice-premier ministre du gouvernement taliban, Abdul Salam Hanafi (C), et le ministre des Affaires étrangères par intérim, Amir Khan Muttaqi (R), arrivent à Moscou pour participer à des négociations internationales sur l’Afghanistan, le 20 octobre 2021.
source : https://www.indianpunchline.com
traduit par Réseau International
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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