Il y a un an, j’ai donné naissance pour la première fois. Le moins qu’on puisse dire, c’est que je ne me doutais pas du tout de ce qui m’attendait. Je n’avais aucune idée des difficultés devant moi. J’étais juste contente d’acheter des livres pour enfants en italien…
Un peu naïvement, je me disais : la majorité des gens font des bébés et s’en sortent. Pourquoi serait-ce différent pour moi ? Pleine d’orgueil, je pensais même : « En plus, moi, je suis quand même vertueuse. Je n’ai pas besoin d’alcool, de télévision, de divertissements et j’aime la sagesse. Je suis meilleure que la majorité des gens. Donc je devrais m’en sortir assez bien. »
Avec du recul, je me rends compte que je ressemblais un peu (beaucoup !) au pharisien de la parabole de Jésus : « Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes – ils sont voleurs, injustes, adultères –… » (Lc 18, 11)
Les gens me prévenaient : « Un bébé, ça va ralentir ton doctorat. C’est de l’ouvrage ! » Je leur répondais naïvement : « J’écrirai ma thèse quand il va dormir. J’ai lu qu’un bébé dort 18 heures par jour durant les premiers mois. Ça va me laisser du temps en maaaaasse. »
Devinez combien de chapitres de thèse j’ai écrits durant mon congé. Un gros ZÉRO. Nothing. Nada. Niente.
Je n’avais pas compris que mon bébé ne dormirait évidemment pas 18 heures en ligne et qu’il allait me réveiller nonstop. Pas compris non plus que j’allais allaiter huit heures par jour durant les premiers mois.
Ce sera plus facile quand…
Au début, je me consolais en pensant : « Ça deviendra plus facile quand l’allaitement sera plus espacé, vers trois mois. »
Mais la vérité, c’est que j’ai trouvé les troisième et quatrième mois tout aussi épuisants. Incapable de bouger, mais voulant tout faire : voilà l’état dans lequel se trouvait mon fils. Sans parler des pleurs dès qu’il me perdait de vue. « Maman fait juste réchauffer ton plat au micro-ondes, pas de panique ! »
« Quand il pourra s’assoir tout seul et jouer avec ses jouets, ce sera plus facile », que je me disais.
Et il a commencé à s’assoir. Et à faire ses dents. Et à ne plus faire ses nuits.
« Quand les dents auront poussé et qu’il marchera à quatre pattes, ce sera plus facile. »
Et il s’est mis à marcher à quatre pattes. Et à tout arracher autour de lui. « Non, pas le fil électrique ! Non, pas mes livres ! Non, pas les armoires ! Non, tu ne vas pas dans la salle de bain ! »
Puis il s’est mis à dire « maman ». C’était mignon au début. Jusqu’à ce qu’il entre dans la phase que son médecin appelle sympathiquement « l’angoisse de la séparation » et qu’il hurle « maman » constamment.
- C’est normal qu’il veuille toujours être dans vos bras. Il vit de l’angoisse de séparation.
- Il ne veut pas juste être dans mes bras… Il me tire les cheveux, me grimpe dessus. Il veut se fondre en moi, retourner dans mon sein, comme Nicodème !
- Qui ?
- Laissez faire…
« Quand il va entrer à la garderie, ce sera plus facile. Puis, je pourrai finir ma thèse. »
Et il a commencé la garderie. Et a attrapé la gastro dès la première semaine. Lui, et évidemment mon mari et moi.
« Ce sera mieux après la gastro. »
Mais la semaine d’après, il est retombé malade. Une otite. Une GROSSE otite.
Je me rends chez le médecin avec lui. Il hurle à l’aller ; hurle au rendez-vous ; hurle au retour.
Ce jour-là, à force de l’entendre crier et pleurer, j’ai compris que l’enfer, ce n’est pas juste le fait de souffrir soi-même. L’enfer, c’est aussi entendre constamment les « gémissements et grincements de dents » des autres. Il y a de quoi devenir fou.
En tout cas, moi, ça m’a rendue folle. Au point où, ce jour-là, je l’avoue, j’ai un peu pété ma coche.
« VAS-TU ARRÊTER DE CRIER !? JE NE FAIS RIEN QUE ÇA M’OCCUPER DE TOI ! Je n’avais pas envie d’aller chez le médecin. Mais j’y vais POUR TOI. Alors sois patient et tais-toi ! PAR PITIÉ, TAIS-TOI ! »
En regardant mon fils dans le miroir, j’ai bien vu qu’il ne comprenait absolument rien à mes lamentations. Je me suis sentie ridicule. Et fatiguée. Complètement submergée à vrai dire.
Personne n’est une bonne mère
Quelques semaines plus tard, je rencontre une autre mère à la messe, dans le petit local pour les familles. Une mère de huit enfants, avec le corps vieilli et fatigué.
Je l’avoue : je l’ai jugée un peu au début. Car elle m’a dit : « Je suis une femme intelligente, mais je n’ai pas besoin de longues explications pour vivre la foi. Je n’ai pas besoin d’être intelligente devant Jésus. J’ai juste envie de l’aimer. Je veux l’essentiel. »
« Contente pour toi. Mais moi j’aime ça être intelligente et lire Thomas d’Aquin expliquer la transsubstantiation en latin » que j’ai pensé à l’intérieur de moi, non sans vanité.
La messe commence. Durant la consécration, l’autre mère avec moi rassemble ses deux plus jeunes enfants auprès d’elle.
« Venez. C’est le moment le plus important de la messe. Répétez avec moi : je t’aime Jésus, je t’aime Jésus, je t’aime Jésus… »
En regardant le prêtre élever l’hostie, à travers les fenêtres de la petite salle pour les familles, j’ai ressenti un grand repos. Repos que je n’avais pas expérimenté depuis longtemps. Depuis la naissance de mon fils.
J’ai entendu ce verset résonner dans ma tête « Personne n’est bon, sinon Dieu seul. » (Lc 18, 19)
L’évidence m’est tombée dessus. Je ne suis pas une bonne mère. Personne n’est bon parent. Sinon Dieu seul.
Durant cette messe, j’ai compris à quel point j’ai besoin de m’en remettre à quelqu’un de plus grand que moi. J’ai expérimenté à quel point j’ai besoin d’une nourriture spéciale pour être vraiment la mère mon fils. À quel point j’ai besoin du pain céleste…
Au fond, cette mère ne lit peut-être pas saint Thomas en latin, mais, elle, c’est vrai, elle a compris l’essentiel…
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Source : Lire l'article complet par Le Verbe
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