Le 18 octobre aura lieu la 15e Journée européenne contre la traite des êtres humains. Pour le chercheur Nicolas Bauer, certains excès de la pornographie pourraient l’assimiler à une forme de traite, laquelle est interdite par le droit international.
Nicolas Bauer est chercheur associé au European Centre for Law and Justice (ECLJ) et doctorant en droit à l’université de Strasbourg.
La production pornographique est souvent critiquée lorsqu’elle est accessible aux enfants ou génère des addictions. Il est en revanche plus rare que l’on s’intéresse de près à la condition de ceux que l’on appelle maintenant les « travailleurs du sexe ». En avril 2021, le leader français du « porno » Dorcel (Fils d’un tailleur hongrois, Marc Dorcel est né le 27 mars 1934 à Paris – NDLR E&R) a cherché à promouvoir une « Charte déontologique de la production X », visant à fixer un cadre protégeant ces personnes. Il s’agissait alors de faire oublier la mise en examen de producteurs et collaborateurs de Dorcel pour viol, proxénétisme aggravé et traite d’êtres humains aggravée, trois mois après une enquête similaire visant le site « Jacquie et Michel ».
Prostitution et pornographie ont plusieurs points communs. Dans les deux cas, les corps sont loués, en échange d’argent, pour le plaisir d’autrui.
Au-delà de ces plaintes d’actrices, des associations féministes comme le Mouvement du Nid dénoncent l’existence d’un problème systémique de traite d’êtres humains dans l’« industrie du sexe ». Pour lutter contre la traite, un cadre juridique complet s’est développé ces deux dernières décennies, au niveau international, puis européen. Néanmoins, son potentiel contre les excès de la pornographie est largement sous-exploité, car il se heurte à un tabou. Il n’est pas exagéré d’affirmer que la pornographie est la grande oubliée de la réflexion juridique et politique sur la traite des êtres humains.
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Il existe une profusion de rapports des instances des Nations unies et du Conseil de l’Europe sur la traite des êtres humains, en particulier la prostitution, mais aucun ne s’intéresse de près à la pornographie. Pourtant, prostitution et pornographie ont plusieurs points communs. Dans les deux cas, les corps sont loués, en échange d’argent, pour le plaisir d’autrui. Pornographie vient du grec πόρνη [pórnê], qui veut dire « prostituée » ; il n’est d’ailleurs pas rare que les actrices pornographiques se prostituent ou aient été prostituées par le passé. Certaines activités, comme celle des « camgirls », correspondent à la fois à de la prostitution et à de la pornographie. Le sociologue Sonny Perseil va jusqu’à qualifier la pornographie en général de « prostitution filmée ».
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