Le projet de loi 96 introduit un nouveau principe : l’exemplarité de l’administration dans son utilisation du français. Il vise à restreindre les communications et services aux citoyens en anglais ou d’autres langues. Mais, malgré que ce principe vise à rétablir l’usage exclusif du français, une clause résiduaire en diluera l’application à Montréal.
En effet, l’article 6 prescrit que, dans les cas où la Charte de la langue française accorde à un organisme de l’administration la possibilité d’utiliser une autre langue que le français, celui-ci devra désormais utiliser exclusivement le français, à condition « qu’il l’estime possible ». S’ajoute un cran d’arrêt restreignant l’exemplarité, car l’organisme ne doit pas déjà faire « un usage systématique » de cette autre langue.
Montréal communique de manière généralisée en anglais et d’autres langues. Le projet de loi 96 n’enjoindra pas la Ville à modifier ses pratiques linguistiques, il les régularisera en minant le statut de la langue officielle du Québec. Le législateur sape l’autorité qu’il confère au français dans l’administration sitôt le principe énoncé.
Pourtant, l’administration Plante a présenté un plan d’action pour le français. Sauf que la notion d’exemplarité qu’il contient vise la Ville en tant qu’employeur et la langue de travail entre employés. La définition qu’elle prodigue à l’exemplarité ne correspond pas à celle du législateur québécois, qui vise la Ville en tant qu’administration dans ses relations avec les citoyens.
Holness pour le bilinguisme
Rival de Valérie Plante, l’aspirant maire Balarama Holness revendique le bilinguisme officiel pour Montréal. Il veut confirmer le statut implicite, mais bien réel, de la Ville. Opposé au consensus réclamant l’application de la loi 101 aux entreprises et organismes fédéraux au Québec, il milite pour que les entreprises de toute juridiction opèrent en français et en anglais à Montréal.
Jusqu’ici la langue officielle de l’administration corroborait une intention favorable au français, même si la pratique ne la concrétisait pas. En se ralliant au bilinguisme officiel canadien, le chef de Mouvement Montréal abolit cette intention et isole Montréal du Québec pour l’ériger en enclave de l’avant-garde multiculturaliste canadienne.
Pour Holness, un Québécois ne devient respectable qu’en plaçant le français dans un rapport de force utilitaire avec l’anglais où la gentillesse de bien vouloir parler sa langue s’avère son unique moyen pour convaincre ses interlocuteurs de la parler avec lui.
Les institutions déjà bilingues
Anglais, espagnol, créole, chinois, arabe, mohawk, grec, hébreux, portugais et tagalog : la Charte montréalaise des droits et responsabilités a été traduite. L’article 13 confirme que « Montréal est une ville de langue française où les services municipaux à l’intention des citoyens sont, eu égard à la loi, également accessibles en anglais ».
L’ombudsman de Montréal ajoute sur son site que, même si la Ville doit rédiger tous ses textes en français, il existe une exception à cette règle lui permettant de répondre en anglais à celui qui s’adresse à elle dans cette langue. Bien que l’ombudsman précise qu’il n’y a aucune obligation de répondre dans une autre langue que le français, il pond une perle : « Dans les faits, la Ville de Montréal va souvent, par courtoisie, traduire certains de ses documents à l’intention des citoyens. »
Cela confirme que l’anglais oblitère le français à la Ville. Le désir de plaire motive sa courtoisie, réalisée par un accommodement linguistique, comme si s’imposer le français à Montréal était immoral. Au nom de l’inclusion, l’administration devrait communiquer dans la langue de ses commettants, peu importe laquelle.
Enfin, l’avis sur le racisme systémique du Conseil interculturel de Montréal renverse l’esprit de la loi 101. Or, en proposant que, pour éviter la discrimination et l’exclusion, la Ville s’assure que de la documentation et des services soient disponibles dans les « 4 ou 5 » langues les plus parlées sur l’île, il normalise les mécanismes de distinction qu’il prétend combattre. Le multilinguisme qu’il réclame de l’administration déclasserait le français comme langue d’intégration à la société québécoise.
Mais « Montréal est une ville de langue française », selon sa charte?
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