La candidature encore hypothétique aux élections présidentielles françaises de 2022 d’Éric Zemmour, cet essayiste et commentateur politique, chamboule l’échiquier politique de l’autre côté de l’Atlantique à 6 mois du premier tour de ces élections. Omniprésent dans les médias, en ascension fulgurante dans les intentions de vote des Français en plus d’être sans doute le commentateur le plus clivant de France, Zemmour est toutefois encore relativement peu connu au Québec.
Si le discours politique français peut parfois sembler éloigné des réalités québécoises, les débats qu’engendrent les thèmes principaux de la campagne de Zemmour pourraient rappeler aux Québécois que les grands enjeux d’une société, d’une nation, ceux qui forment les grands courants de fonds qui façonnent notre histoire, ne peuvent être ignorés indéfiniment au profit du confort matériel, du « pouvoir d’achat », des préoccupations secondaires de la vie ordinaire et d’une approche technocratique de la politique sans en subir les conséquences.
Par sa candidature, Zemmour force le discours public à se positionner sur le mouvement de ces plaques tectoniques qui transforment nos sociétés à une vitesse fulgurante, dont deux en particulier, soit l’effritement de la souveraineté nationale et les bouleversements démographiques en cours.
30 ans après l’adhésion au Traité de Maastricht lors du référendum français de 1992, ce traité fondateur de l’Union européenne, Zemmour déplore la perte de souveraineté française au sein de cette union et la soumission enthousiaste de ses élites nationales à une vision provincialiste de ce pays, comme si la France devait se sacrifier sur l’autel du fédéralisme européen.
Si Zemmour constate les conséquences des résultats du référendum de 1992 sur le Traité de Maastricht, les Québécois devraient également faire état des répercussions de la défaite référendaire de 1995, soit l’asservissement d’une partie significative de son élite politico-médiatique au fédéralisme canadien, l’immobilisme politique qui perdure, l’aseptisation et le rétrécissement du discours public permis, le déclin linguistique du français ainsi que le déclassement du Québec au sein d’un Canada qui se bâtit une nouvelle identité aux antipodes de celle des Québécois.
Tout comme Zemmour juge la continuité historique de la France comme étant menacée par son absorption dans l’Union européenne, on peut envisager le pire pour l’identité québécoise d’ici 25 ou 50 ans, si nous persistons à tenter de concevoir notre avenir collectif dans la camisole de force qu’est devenu notre fédéralisme canadien survolté au wokisme anglo-saxon.
Deuxièmement, il y a ce qui est la plus grande question politique de ce début de siècle en Occident : la démographie et l’immigration de masse.
Du côté français, on fustige Zemmour pour faire de la théorie du « Grand remplacement » son cheval de bataille électoral. Cette théorie, dite « complotiste » et « raciste » par certains, soit l’idée que le peuple français est en phase de devenir minoritaire démographiquement en France face aux vagues migratoires cumulatives venant du Sud de la méditerranée, est au Canada un objectif national loué qu’on nomme le Century Initiative.
Il est à noter que cette initiative, l’idée que nous devrions plus que doubler la population canadienne par l’ajout d’approximativement 60 millions d’immigrants d’ici la fin du siècle, trouve ses appuis au sein du parti libéral et du parti conservateur ainsi que l’élite financière et corporative du pays, notamment. Autant dire que le Century Initiative fait consensus au Canada.
La loi du nombre s’impose à une analyse politique à long terme et on peut se demander ce qu’il restera du poids politique du Québec au sein du Canada et comment sa culture et son identité pourront subsister autrement que comme résidus historiques dans une mosaïque canadienne postnationale de 100 millions de personnes.
Une candidature française comme celle d’Éric Zemmour, même si elle émane d’un système politique très différent du nôtre, aborde tout de même les sujets de fonds qui définiront le Québec de demain, mais que nos propres politiciens et notre élite intellectuelle évitent à tout prix par peur du politiquement correct ou par court-termisme électoral.
Les interventions de Zemmour relayées en masse par les médias sociaux forceront peut-être les Québécois et notre débat collectif, toujours influencés par le débat français, à se demander si sa classe politique actuelle est apte à effectuer l’analyse qui s’impose, réaliser et assumer que le Québec se trouve à un point d’inflexion de son histoire et qu’inverser l’apathie collective qui règne est une question de survivance. Le temps presse.
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec