Par Moon of Alabama – Le 9 octobre 2021
Six semaines seulement après avoir quitté l’Afghanistan, les États-Unis veulent y retourner :
Une délégation américaine rencontrera des hauts représentants des talibans à Doha samedi et dimanche, pour une première rencontre en face à face à un niveau élevé depuis que Washington a retiré ses troupes d'Afghanistan et que le groupe extrémiste a pris le contrôle du pays, ont déclaré à Reuters deux hauts responsables de l'administration. Cette délégation américaine de haut niveau, qui comprendra des responsables du département d'État, de l'USAID et des services de renseignement américains, fera pression sur les talibans pour qu'ils garantissent que les citoyens américains et d'autres personnes puissent quitter l'Afghanistan en toute sécurité et pour qu'ils libèrent le citoyen américain Mark Frerichs, qui a été kidnappé, ont déclaré les responsables.
La participation des responsables des services de renseignement américains indique qu’il s’agit d’un effort visant à obtenir un accord sur une présence significative à long terme de la CIA dans le pays. Une telle présence viserait la Chine et, dans une moindre mesure, la Russie. Les talibans avaient précédemment rejeté une telle demande (ou du moins avaient posé des conditions élevées que les États-Unis n’ont pas acceptées).
Pour établir une présence normale de la CIA en Afghanistan, les États-Unis pourraient bien sûr simplement rouvrir leur ambassade, comme les talibans le leur avaient demandé. Mais c’est une chose que l’administration Biden ne veut pas faire car cela donnerait aux Talibans une légitimité internationale :
"Cette réunion n'a pas pour but d'accorder une reconnaissance ou de conférer une légitimité. Nous restons clairs sur le fait que toute légitimité doit être gagnée par les actions des talibans eux-mêmes. Ils doivent établir un bilan durable", a déclaré le fonctionnaire.
Les talibans veulent que les États-Unis libèrent les réserves gelées de la banque centrale afghane. Ils ont besoin d’argent pour nourrir leur pays. Il semble également y avoir des points en suspens en ce qui concerne l’accord précédent, qui comportait des annexes secrètes :
Le porte-parole des talibans, Suhail Shaheen, qui est basé à Doha, a déclaré samedi à Associated Press que les pourparlers porteront également sur l’accord de paix que les talibans ont signé avec Washington en 2020. Cet accord avait ouvert la voie au retrait définitif des États-Unis.
"Oui il y a une réunion (...) sur les relations bilatérales et la mise en œuvre de l'accord de Doha", a déclaré Shaheen. "Elle couvre différents sujets". ... L'accord américano-taliban de 2020, qui a été négocié par l'administration Trump, exigeait que les talibans rompent leurs liens avec les groupes terroristes et garantissent que l'Afghanistan n'abritera plus de terroristes susceptibles d'attaquer les États-Unis et leurs alliés. Il semble certain que les deux parties discuteront au cours des entretiens du week-end de la manière de faire face à la menace croissante [d'État islamique]. Les talibans ont déclaré qu'ils ne voulaient pas de l'aide américaine en matière de lutte contre le terrorisme et ont mis en garde Washington contre toute frappe dite "au-dessus de l'horizon" sur le territoire afghan, c’est-à-dire une frappe depuis l'extérieur des frontières du pays.
Les talibans savent qui a fondé et entretenu État Islamique en Afghanistan. Ils soupçonnent les États-Unis de toujours le contrôler et donc que les récentes attaques de État Islamique en Afghanistan ne soient qu’une autre forme de pression de la part des États-Unis.
L’attentat suicide d’hier dans une mosquée chiite de Kunduz a été exécuté par un membre ouïghour de État Islamique . Trump avait retiré le Mouvement islamique du Turkestan oriental (ETIM) ouïghour de la liste des organisations terroristes américaines et Biden ne l’a pas réintégré. Cela renforce l’impression que les États-Unis sont derrière les attaques de État Islamique et que sa véritable cible est la Chine :
Les États-Unis, quant à eux, chercheront à obtenir des dirigeants talibans qu'ils s'engagent à autoriser les Américains et d'autres ressortissants étrangers à quitter l'Afghanistan, ainsi que les Afghans qui ont travaillé pour l'armée ou le gouvernement américains et d'autres alliés afghans, a déclaré un responsable américain.
Les talibans ne retiennent personne. Ce sont les États-Unis qui sont responsables des difficultés de déplacement :
Les responsables américains ont cité la difficulté de vérifier les manifestes de vol sans aucun responsable américain sur le terrain en Afghanistan pour les aider, ainsi que d'autres retards.
Pour préparer la réunion de Doha, une délégation américaine a eu des entretiens de haut niveau avec le Pakistan :
La réunion entre le secrétaire d'État adjoint de Washington et les dirigeants pakistanais s'est déroulée alors qu'une série de problèmes restent non résolus. Il s'agit notamment de sujets telles que le niveau d'engagement futur avec les talibans en Afghanistan, et l'évacuation en cours des ressortissants étrangers et des Afghans qui veulent fuir les nouveaux dirigeants talibans du pays. Une autre question à l'ordre du jour est de savoir qui fournira les fonds nécessaires pour éviter un effondrement économique total et une crise humanitaire imminente en Afghanistan. Depuis la prise de pouvoir par les Talibans, des milliards de dollars d'aide ont été gelés. Près de 80 % du budget de l'ancien gouvernement afghan était financé par des donateurs internationaux. Même s'il évite toute reconnaissance formelle unilatérale, le Pakistan a fait pression pour un engagement plus important avec le cabinet entièrement masculin et entièrement taliban que les insurgés ont mis en place après avoir pris le pouvoir en Afghanistan à la mi-août, dans les dernières semaines du retrait des États-Unis et de l'OTAN du pays. Le Pakistan a également exhorté Washington à débloquer des milliards de dollars en faveur des talibans afin qu'ils puissent payer les salaires des nombreux ministères afghans et éviter un effondrement économique. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a averti qu'un tel effondrement pourrait déclencher une migration massive.
À l’issue des discussions, le Pakistan a manifesté son soutien à la demande américaine d’un « gouvernement inclusif » en Afghanistan :
Peu d'informations ont émergé de ces réunions. Une déclaration du ministère pakistanais des affaires étrangères a indiqué qu'"une structure politique inclusive et à large base reflétant la diversité ethnique de la société afghane était essentielle à la stabilité et au progrès de l'Afghanistan." C'était un message clair aux talibans : Un gouvernement afghan acceptable est un gouvernement qui inclut des représentants de toutes les minorités afghanes. La déclaration contenait également un message à l'intention du monde entier : "La situation actuelle exige un engagement positif de la communauté internationale, la fourniture urgente d'une aide humanitaire, le déblocage des ressources financières afghanes et des mesures visant à contribuer à la mise en place d'une économie durable afin de soulager les souffrances du peuple afghan."
Je ne vois pas les États-Unis obtenir ce qu’ils veulent des talibans. Ils savent qu’une présence importante de la CIA dans leur pays mettrait également en danger leur pouvoir.
Si les États-Unis continuent de retenir l’argent de l’Afghanistan, les talibans auront d’autant plus besoin de se tourner vers la Chine. Certes, la Chine sera stricte et aura ses propres exigences, mais au moins elle ne travaille pas avec les terroristes et respecte ses accords.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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Source : Lire l'article complet par Le Saker Francophone
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