Le ministère de la Vérité, pour qui a lu George Orwell (en vente sur Kontre Kulture), n’est pas pour rassurer. Cet « organe du pouvoir qui réécrit l’histoire aussi souvent que nécessaire » impose le discours officiel et relègue le mal-pensant dans les bas-fonds de l’humanité. C’est la cancel culture qui annule toute pensée contraire par l’indifférence, le maintien sous silence ou, si nécessaire, l’acharnement, le harcèlement ou toute autre forme de violence – nécessairement légitime et morale car venant du camp du Bien.
« Franc-Tireur, l’hebdomadaire du combat pour la Raison », ainsi donc est le titre de ce nouvel organe de propagande. Le vertige de notre époque est qu’elle nous permet de vivre désormais dans un roman. Un roman dystopique, malheureusement. Si l’on reste spectateur par dessus l’épaule de notre situation personnelle et du contexte plus général, on peut presque ressentir une certaine griserie, un étourdissement de l’esprit, tant notre époque est vertigineuse. Mais ce cauchemar ne connaît pas de réveil.
Et dans ce monde où la pensée se réduit, les oppositions s’annulent, l’hygiénisme intellectuel interdit les pensées malpropres, des monstres froids tentaculaires transnationaux en sont devenus les organisateurs et même la police. Les GAFAM censurent, les médias relayent, les idéologues applaudissent. La populace vit sa vie de zombie, court se faire vacciner pour vivre comme avant, ingère la tiède et insapide pitance informationnelle quotidienne. Et non pas pour convertir les résistants mais seulement pour conforter des convaincus, naît ce genre de magazine.
Jusque-là tout va mal.
Mais, par une de ces ironies que produisent involontairement les prétentieux personnages, voilà que notre bande de bras cassés de l’intelligence se sont mis en scène (de manière aussi pitoyable qu’artificielle) dans une vidéo de promotion que l’on croirait sortie d’un épisode de Groland.
Ainsi, Christophe Barbier dénonce « les extrêmes, complotistes, obscurantistes, les fausses nouvelles, ceux qui mettent en danger la raison, le bon sens, l’intérêt général car la raison, c’est un combat, Franc-tireur c’est cette opération « sauvons la raison » ».
Raphaël Enthoven, le philosophe aussi chiant que verbeux, nous affirme doctement que « toutes les opinions ne se valent pas » et qu’il est « hostile aux extrêmes et aux pensées radicales », ce qui pour un philosophe se pose là !
Plus précis encore, Éric Decouty affirme que « le journalisme est un combat pour la raison, combat contre les fake news, toutes les radicalités, tous les populismes, tous les extrémismes, qu’ils soient de gauche comme de droite, il faut combattre les ennemis de la démocratie ».
Caroline Fourest, qui vient de trouver ici un énième poste rémunérateur lui permettant de nous servir ad nauseam ses lubies inverties et féministes nous dit que « la raison ça compte, on peut calmement discuter, argumenter, résister aux simplistes et aux manipulateurs ». Au moins, c’est en experte qu’elle nous parle.
Encore plus radical et militant, Brice Couturier, l’ancien maoïste et désormais fervent macroniste, s’affirme « adversaire déclaré des populismes », craignant « la polarisation excessive qui a amené au pouvoir Trump ou Bolsonaro et je voudrais éviter ça à tout prix à mon pays ».
Abnousse Shalmani souhaite « faire le tri entre ce qui relève des idées et ce qui relève de la propagande ». Autant dire qu’elle ne va pas chômer dans son torchon.
Et, le clou de la vidéo, c’est à Jean-Claude Mailly qu’on le doit. Il décrit le journal Franc-Tireur comme un journal destiné à « dire des choses que d’autres ne disent pas, des choses qui rentrent dans le domaine de la raison, c’est un espace de démocratie dont notre pays a besoin ». Pas moins !
La conclusion, dans la même veine, de Christophe Carrière, ne manque pas de sel non plus : « une liberté d’expression totale, engagé mais pas partisan ».
Bref, ce journal est un gag, et sa vidéo promotionnelle est parfaitement dans le ton.
Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation