Par The Saker – Le 03 octobre 2021 – Source The Saker’s Blog
Comme dans mon précédent billet, je vais commencer par vous soumettre deux articles.
Premièrement, un article typique de propagande pour dénigrer la Chine.
Deuxièmement, un démystificateur très solide de la propagande anti-chinoise ci-dessus.
À propos, je recommande vivement à tous mes lecteurs de lire Moon of Alabama [ Que le Saker Francophone traduit régulièrement, NdT]. ‘b’ est un analyste très solide et son site web est superbe. Ce qui est encore mieux, c’est qu’il écrit souvent sur des sujets que je ne couvre pas, ou qu’il les couvre différemment, alors assurez-vous de le consulter quotidiennement 🙂
Parlons maintenant de la Chine.
Il ne fait aucun doute pour moi que les anglophones ont la Chine dans leur ligne de mire depuis un certain temps et qu’elle est maintenant devenue le méchant croquemitaine numéro 1, détrônant la Russie de cette position. D’ailleurs, cette paranoïa hystérique et cette haine de la Chine sont également partagées par les deux factions indissociables du Parti impérial unique qui dirige les États-Unis : la haine de la Chine est un consensus politique, du moins dans la classe dirigeante américaine (d’où la stupide expression « virus du PCC » et autres infantilismes analphabètes de ce genre).
Voici mes interprétations strictement personnelles et subjectives de ce qui s’est passé et de la raison pour laquelle la Chine est désormais le grand méchant loup officiel numéro un.
Je commencerai par comparer la Chine aux deux autres méchants ennemis officiels anglo-sionistes, numéro 2 et 3.
La Russie. La politique des États-Unis, de l’OTAN et de l’UE à l’égard de la Russie a complètement échoué. Tant sur le plan politique (le « tueur du KGB » Poutine est toujours au pouvoir et n’a même pas de concurrent semi-sérieux – les sentiments pro-occidentaux en Russie sont désormais de l’ordre de 1 à 2 % maximum), qu’économique (la Russie s’est remise des sanctions et de la crise provoquée par la Covid-19 et est en plein essor, du moins par rapport à l’Occident) et militaire (les États-Unis et l’OTAN sont désormais les proverbiaux tigres de papier). Enfin, toute la « stratégie ukrainienne » s’est également effondrée et s’est transformée en un cauchemar ingérable pour l’UE (qui le mérite amplement). En d’autres termes, l’Europe est désormais un « endroit pourri » pour les États-Unis qui ne peuvent pas vraiment faire grand-chose pour changer cette réalité.
L’Iran. La politique des États-Unis, de l’OTAN et de l’UE à l’égard de l’Iran est également un échec total. Oui, l’Iran traverse des moments très difficiles, les sanctions et la Covid-19 lui ont fait, et lui font encore, du tort, mais militairement, l’Iran a réussi à vaincre l’alliance anglo-sioniste de deux manières : d’abord, en dissuadant les anglo-sionistes d’une attaque directe (jusqu’à présent) et en montrant ses véritables capacités avec ses superbes frappes de missiles sur les bases américaines : une attaque CENTCOM+Israel sur l’Iran serait suicidaire, et les anglo-sionistes le savent (même s’ils le nient). Ajoutez à cela la victoire russo-iranienne en Syrie et l’incapacité définitive des Israéliens à contraindre le Hezbollah et des Saoudiens à contraindre les Houthis, et vous verrez que le Moyen-Orient est encore un autre « endroit pourri » pour les États-Unis qui ne peuvent pas vraiment faire grand-chose pour changer cette réalité (s’ils attaquent l’Iran, ce sera la fin d’Israël et du CENTCOM). Je ne mentionnerai même pas l’événement de Kaboul qui a montré au monde entier le vrai visage et les capacités des forces armées américaines.
Ce qui ne laisse logiquement que la Chine comme « vilain méchant » officiel numéro un. Voici quelques raisons pour cela :
- La Chine est la plus grande et la plus forte puissance économique de la planète et les Chinois sont des génies du commerce et des échanges.
- La Chine est dirigée par un pouvoir que les États-Unis ne peuvent pas contrôler, briser, corrompre ou soumettre d’une autre manière (je parle du pouvoir dans son ensemble, pas des individus ; les traîtres existent partout).
- La Chine et la Russie ont une alliance très réussie que les Anglos ont essayé de briser en diffusant une propagande anti-chinoise en Russie et anti-russe en Chine. Le résultat ? Les deux pays sont PLUS que de « simples » alliés, ce sont des symbiotes qui sont si « parfaitement différents » et qui « s’emboîtent » comme des pièces de Lego !
- La Chine a fait des progrès incroyables dans le domaine militaire : dans les années 80 et 90, la Chine avait une énorme armée, mais qui avait des décennies de retard sur les États-Unis et l’URSS/Russie. Cette situation est en train de changer très, très vite, et ce depuis 20 ans.
- Alors que les États-Unis disposent d’une presse à billets, la Chine dispose de technologies et de capacités de production réelles et l’issue ne fait aucun doute : ce n’est qu’une question de temps avant que les États-Unis, quasi désindustrialisés, ne puissent plus être sauvés par la simple impression de milliards de dollars.
- Les États-Unis ne peuvent pas contrôler l’Internet chinois, ce qui les prive de leur principale arme (toutes ces conneries sur les droits de l’homme, le (non-) massacre de Tienanmen, Hong Kong, Taïwan, le Tibet etc. etc. etc. comme si l’Occident n’était pas le pire violeur des droits de l’homme sur la planète, et de loin !)
Je suis sûr qu’il y a beaucoup d’autres raisons, mais ce qui précède n’est qu’un échantillon. Il est crucial de garder à l’esprit la différence entre les raisons et les prétextes. Personne dans la classe dirigeante occidentale ne se soucie des droits de l’homme ou de tout autre problème chinois (fictif ou bien réel). Et je ne nie pas qu’il existe de réels problèmes en Chine, comme dans tout autre pays d’ailleurs. Je dis que la rhétorique occidentale sur la Chine est une connerie hypocrite.
De plus, la Chine a de réelles faiblesses. Je n’en citerai que quelques-unes dont j’ai connaissance :
- L’armée chinoise a fait d’immenses progrès, mais ils sont surtout d’ordre technologique. Les officiers russes qui se sont entraînés avec leurs homologues chinois rapportent régulièrement que la « culture » des forces terrestres chinoises est encore très inférieure à celle des forces russes, par exemple. Mais je vous parie qu’un soldat chinois défendant son propre pays surpassera n’importe quel soldat anglo-impérialiste luttant pour la « démocratie » (Ha !) à des milliers de kilomètres de chez lui. Encore une fois, comme aux États-Unis, la culture chinoise n’est pas vraiment une culture militaire et la force des Chinois se trouvent ailleurs (commerce, émigration, affaires, etc.). De plus, il est probable que les problèmes signalés par les conseillers militaires russes au sujet des forces terrestres chinoises ne s’appliquent pas aux domaines de « haute technologie » tels que l’aérospatiale, l’acoustique, etc. Enfin, même si, historiquement, les Chinois ne sont pas une nation de guerriers nés, il est probable que cette faiblesse soit beaucoup plus évidente dans les forces militaires « d’usage général » et qu’elle s’applique beaucoup moins aux forces spéciales et de haute technologie de la RPC (armée de l’air, marine, forces spéciales, ELINT, etc.)
- Les Chinois ont encore du mal dans certains domaines clés de la technologie militaire, comme les moteurs d’avion, mais ils rattrapent leur retard très rapidement. Du point de vue des Anglo-Saxons, cela signifie que c’est une situation de « maintenant ou jamais », de peur que la Chine n’accomplisse ce que la Russie a fait entre 2000 et 2001, ce qui pourrait arriver.
- La Chine, comme la Russie, est un État multiethnique et multireligieux, c’est pourquoi les anglophones essaient toujours d’utiliser cette diversité soulever les peuples chinois les uns contre les autres (ils ont échoué en Russie, mais en Tchétchénie ils ont été très proches de réussir, nous ne devrions jamais ignorer cette réelle capacité anglophone !)
- La Chine est dirigée par le parti communiste chinois, ce qui fait inévitablement surgir des images de Nike-Goulags, d’agents secrets sournois et de toutes les autres choses avec lesquelles les anglophones aiment se faire peur. Que le mot « communisme » en 2021 ait une signification totalement différente de celle du 20e siècle est une notion trop complexe pour que beaucoup l’envisagent.
- Comme beaucoup de mes lecteurs le savent, je ne considère pas que la Russie fasse culturellement partie de l’Europe, mais elle est géographiquement européenne, du moins à l’ouest de l’Oural, et les Russes sont (pour la plupart) « blancs », ce que les racistes occidentaux semblent beaucoup apprécier aujourd’hui (pas autant à l’époque de l’Europe nazie, évidemment). Donc le mauvais vieux racisme européen, lui-même prétexte à l’impérialisme, est encore pire avec ces « Fu-manchu jaunes ». La sinophobie remonte à longtemps aux États-Unis, bien avant la russophobie, d’ailleurs.
- La Chine est au moins partiellement entourée de colonies anglophones dirigées par des élites compradores (Taïwan, Japon, etc.) et de pays qui craignent l’influence et la puissance régionales bien réelles de la Chine (Philippines, Inde, etc.).
- Les Etats-Unis disposent de quelques « bases insubmersibles » vraiment idéales dans la région (Japon, Hawaï, Australie, etc.) qui sont difficiles à neutraliser (mais cela change aussi, et rapidement).
Encore une fois, il s’agit d’une liste partielle, et je suis sûr que nos commentateurs peuvent développer ce point, ou souligner que certaines de mes hypothèses sont tout simplement fausses.
Mais ne réfléchissons pas trop non plus.
Les élites dirigeantes occidentales paniquent et se consolident en une « anglosphère » plus petite mais potentiellement plus forte, dont les meilleures (ou les « moins mauvaises ») positions se trouvent dans le Pacifique (comme je l’ai toujours soutenu, les grandes alliances multinationales sont excellentes pour justifier l’impérialisme, mais militairement, elles sont inévitablement nulles). De leur point de vue, cette politique consistant à « mettre les wagons en cercle » (expression issue directement de l’époque des génocides et de l’impérialisme) est logique et constitue réellement la seule option viable.
Je vais mentionner quelques bonnes nouvelles, puis laisser nos commentateurs prendre le relais. Voici quelques bonnes nouvelles :
La Russie ne permettra jamais à l’Anglosphère de vaincre militairement la Chine. Tout simplement parce qu’elle ne peut pas se le permettre. Je vais faire une prédiction : Dans un avenir proche, les sous marins nucléaires chinois seront dotés de bien meilleurs capteurs et d’une meilleure intégration, ils « développeront » de meilleures technologies, seront plus rapides avec des équipages plus petits et une automatisation supérieure. Quant aux avions chinois, ils sont déjà très impressionnants, et la Chine n’a pas le même besoin que la Russie de bombardiers stratégiques avancés à longue portée (où elle est toujours la plus en retard) : elle peut utiliser des missiles à la place.
Le rythme des progrès de la Chine est vraiment stupéfiant et, contrairement à la Russie, la base industrielle chinoise est énorme et, une fois qu’ils ont « trouvé » une technologie « correcte », ils peuvent la produire en grandes quantités. Ainsi, même si le meilleur sous-marin chinois est toujours inférieur ou, au mieux, plus ou moins égal à la classe originale Los Angeles, ils peuvent les produire (ainsi que d’autres navires ou avions) en bien plus grande quantité que l’anglosphère.
Le programme spatial chinois, à mes yeux de non-ingénieur, semble beaucoup plus prometteur que les conneries de relations publiques de Bezos ou Musk, qui ont réussi à convaincre le contribuable américain mal informé. C’est très important, voire crucial, pour la guerre moderne.
Les dirigeants chinois s’expriment (ENFIN !) ! Dans le passé, tout était entre les mains de Poutine et de la Russie, les Chinois gardaient profil bas, mais maintenant ils sont assez confiants pour appeler « un chat, un chat » et ils ripostent avec succès à la propagande anglophone, ouvertement et sans détour.
Au dire de tous, les Chinois sont de fiers patriotes qui ne vendront à personne leur souveraineté nouvellement et péniblement acquise (tant mieux pour eux, que tous les pays puissent suivre ce modèle !) Ils connaissent également l’histoire, y compris la façon dont les Anglos leur ont fait la guerre pour vendre de l’opium (pas de conneries sur les droits de l’homme à l’époque, juste la guerre brutale des gangs). Ils peuvent aussi regarder le Japon moderne et voir ce qu’une véritable domination anglophone peut faire à une culture ancienne et noble.
Ma conclusion personnelle est la suivante : les grandes puissances se préparent toutes à une guerre majeure en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique. Si Dieu le veut, et grâce au leadership avisé de Poutine et de Xi, cela n’arrivera jamais.
Mais oui, la Chine est, à mon avis, définitivement dans le collimateur des anglophones.
Andrei
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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