D’abord, que proposent les libéraux? Dans sa plateforme électorale dévoilée le 1er septembre, le parti de Justin Trudeau annonce son intention d’augmenter l’impôt des banques et des assureurs dont les profits dépassent 1 milliard de dollars par an. Leur taux d’imposition passerait ainsi de 15 à 18 %, une surtaxe visant exclusivement le secteur financier.
Les libéraux proposent aussi de mettre en place un dividende de la relance
, une taxe COVID-19 provisoire, en quelque sorte, que ces entreprises paieraient en reconnaissance du fait que leur relance a été plus rapide et plus vigoureuse que dans bien d’autres secteurs
, est-il écrit dans le document du Parti libéral du Canada.
La plateforme prévoit aussi de limiter la capacité des organisations sous réglementation fédérale, y compris les institutions financières comme les banques et les compagnies d’assurance, d’utiliser des structures à paliers comme une forme de planification fiscale des sociétés. Cela permet de détourner des profits du Canada vers des territoires à faible taux d’imposition afin de réduire le paiement d’impôts au Canada
.
Les libéraux veulent également mettre en place une règle fiscale pour un impôt minimal de 15 % aux mieux nantis, une taxe sur les voitures, bateaux et avions de luxe, en plus d’intensifier la lutte contre la planification fiscale agressive et l’évitement fiscal.
Les capitalistes, au banc des pénalités
Le plan de match est costaud et la réaction du milieu financier ne s’est pas fait attendre.
John Aiken, analyste du secteur bancaire à Toronto et chef de la recherche pour la firme Barclays au Canada, affirme, dans une entrevue à BNN Bloomberg, que cette hausse de la taxation représente un frein à la rentabilité des banques
. Et il ajoute, à propos du plan des libéraux : On trouve étonnant qu’ils visent le secteur financier en particulier et non pas d’autres secteurs qui ont vraiment très bien fait durant la pandémie
.
L’analyste ne comprend pas pourquoi le gouvernement ne cible pas d’autres activités économiques qui ont connu une bonne croissance depuis 18 mois et qui pourraient aussi participer à l’effort de guerre pour financer les programmes du gouvernement ou réduire le poids des déficits budgétaires.
D’autres réagissent avec un peu plus de vitriol dans leurs propos. Si vous croyez qu’un gros gouvernement est une bonne chose, alors vous dansez dans les rues présentement
, a dit à Bloomberg l’économiste David Rosenberg, président de la firme d’investissements Rosenberg Research and Associates, à Toronto. Si vous tendez davantage vers le capitalisme et le libre marché, vous avez été mis au banc des pénalités
, a-t-il ajouté. Pour lui, les élections ont porté sur une seule vraie question : Combien d’argent pouvons-nous dépenser?
Toujours à Bloomberg, Corinne Pohlman, vice-présidente de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) à Ottawa, a déclaré ceci : Il y a un sentiment grandissant de malaise avec le niveau de dépenses que nous voyons venir, parce que plusieurs de nos membres comprennent que quelqu’un devra finir par payer.
Je ne suis pas certain qu’il y ait un plan pour gérer la dette actuellement
, a déclaré Perrin Beatty, président de la Chambre de commerce du Canada, qui représente 200 000 entreprises au pays. Je ne crois pas que vous puissiez dépenser autant avec de l’argent que vous n’avez pas.
« Il pourrait y avoir une décote »
L’économiste en chef de la Banque Nationale, Stéfane Marion, a dressé, pour sa part, un portrait relativement sombre de la situation financière du gouvernement du Canada, évoquant même la possibilité d’une baisse de la note de crédit du pays.
Il pourrait y avoir décote
si les revenus budgétaires ne sont pas au rendez-vous, a-t-il dit à Zone économie mardi soir. Selon lui, on devra augmenter la taxation
pour compenser les dépenses prévues par le nouveau gouvernement. On parle de certaines entreprises et de certains secteurs présentement, mais je pense que ce sera plus généralisé.
Et on croise les doigts également au gouvernement fédéral pour que les taux d’intérêt ne montent pas trop
, a-t-il ajouté. L’inflation, c’est la carte cachée de l’équation, parce qu’on la comprend encore mal dans un contexte où la chaîne d’approvisionnement mondiale démontre ses ratés actuellement. […] La Chine, pour décarboniser, va augmenter ses coûts. On a aussi les pénuries de main-d’œuvre. Il y a fort à parier que l’un des risques, c’est que l’inflation soit plus persistante et que la structure des taux d’intérêt soit plus élevée que l’on pense
.
On a fait des promesses avec un nombrilisme canadien sans tenir compte des changements structurels importants qui se passent dans le monde
, a dit Stéfane Marion.
L’économiste en chef de la Banque Nationale s’inquiète également de l’impact des politiques énergétiques du prochain gouvernement. Je pense sincèrement que le secteur énergétique canadien fait partie de la solution pour la décarbonisation pendant cette période de transition vers la carboneutralité, surtout qu’on a des leaders mondiaux pour la capture du carbone. La transition ne peut pas se faire à très, très court terme. J’espère qu’il y aura un certain pragmatisme à ce niveau.
En définitive, le nouveau gouvernement a présenté un plan comportant des dépenses importantes qui doivent être compensées par des hausses d’impôt et de taxation. Le secteur financier, particulièrement ciblé par le gouvernement, semble se préparer au pire.
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec