par Prof Chems Eddine Chitour.
« Si c’était à refaire, je recommencerais. Je prendrais les mêmes décisions essentielles. Quand tant de gens se massent aux frontières (…), il faut les traiter avec humanité (…) Nous pouvons y arriver (Wir shaffen das) » ~ Angela Merkel
Ce mois de septembre est particulièrement important. En effet, à la face du monde, une grande dame quitte le pouvoir de l’une des grandes démocraties avec l’affection de son peuple et plus largement de toutes les femmes et les hommes qui voient en elle une référence, une sorte d’icône de ce que devrait être la gestion d’une nation. Naturellement, il y aura toujours des personnes chagrines dont on ne sait pas bien si c’est l’envie de voir cette réussite sur tout les plans et notamment humains avec la crise de 2015 où on voit un dirigeant occidental, contre le consensus occidental, tendre la main à 1 million de détresses humaines, contrairement aux pays voisins, travaillés par une extrême droite chauvine et un complexe de frustration et d’infériorité vis-à-vis de ce pays qui a décidé de se battre après chaque épreuve et être meilleur qu’avant.
Ainsi, l’Allemagne de Merkel est repartie de zéro après la Seconde Guerre mondiale. Elle a réussi sa réunification tant combattue par ses « voisins » proches et lointains. Tout le monde se souvient de la phrase de François Mauriac, un écrivain français : « J’aime tellement l’Allemagne que je voudrais qu’il y en ait deux ! » Elle a réussi à être la première nation européenne développée dont la parole est déterminante au sein de l’Union européenne. L’Allemagne étant le moteur de l’Europe, quand elle dit « nein ! » c’est nein !
Qui est Angela Merkel ?
Angela Dorothea Merkel, née Kasner, le 17 juillet 1954, à Hambourg, est d’abord une brillante chercheuse. Elle est devenue une femme d’État allemande, chancelière fédérale depuis 2005. Angela suit sa scolarité à l’École polytechnique de Templin à partir de 1961. Ses enseignants la décrivent comme une élève réservée et bien intégrée. Elle obtient d’excellents résultats scolaires, notamment en mathématiques et en langues étrangères (elle parle aujourd’hui couramment l’anglais et le russe). Angela Merkel obtient en 1973 son baccalauréat (Abitur) avec la note maximale de 1 (note qui, dans le système allemand, signifie sehr gut, soit très bien). Elle choisit de suivre des études de physique à l’université Karl-Marx de Leipzig qu’elle poursuivra jusqu’en 1978 ».
« En juin 1978, elle passe avec succès son examen de fin d’études universitaires (Diplomarbeit) en physique noté « très bien » par le jury. Elle est admise à l’Institut central de chimie-physique de l’Académie des Sciences où elle prépare sa thèse de doctorat en chimie quantique, qu’elle soutient en 1986. Elle obtient la mention « très bien » (magna cum laude). Sa carrière politique est rapide. Elle est élue au Bundestag depuis 1991. Elle est ministre fédérale des Femmes et de la Jeunesse au sein du cabinet Kohl IV, de 1991 à 1994, avant de se voir confier le Ministère fédéral de l’Environnement, de la Protection de la Nature et de la Sécurité nucléaire du cabinet Kohl V, jusqu’en 1998. Elle devient, en 2000, la première femme présidente de la CDU. Elle est investie chancelière fédérale et devient ainsi la première femme à accéder à cette fonction »[1].
Droite dans ses bottes, elle ne transige pas avec la corruption. Ainsi, « durant l’affaire du financement du parti dans laquelle Helmut Kohl est compromis, Angela Merkel se détourne de celui-ci. Elle exige du parti qu’il entame un nouveau départ sans Helmut Kohl. Elle est reconduite dans ses fonctions à la tête d’un gouvernement CDU/CSU-FDP en 2009, puis d’un nouveau gouvernement de coalition CDU/CSU-SPD en 2013 et 2018. Elle bénéficie de résultats économiques jugés satisfaisants. En 2006, Angela Merkel devient le neuvième récipiendaire du Vision pour l’Europe Award. Le 17 novembre 2010, Barack Obama, le président des États-Unis, lui a décerné la « Presidential Medal of Freedom », la plus haute décoration civile américaine, qui est attribuée « à des individus ayant contribué à la sécurité ou aux intérêts nationaux des États-Unis »[1].
Le magazine américain Forbes la place en tête de sa liste des femmes les plus puissantes du monde à quatorze reprises, femme la plus puissante du monde de 2006 à 2020, sauf en 2010. Selon Forbes, elle est aussi la deuxième personne la plus puissante du monde en 2012, derrière Barack Obama. Elle est depuis longtemps perçue comme étant la personnalité politique la plus puissante de l’Union Européenne[1].
Un bilan « globalement positif »
Comment expliquer cette longévité ? D’abord, la santé économique du pays. Pays de 82 millions d’habitants avec un taux de croissance de 750 000 par an, son Produit intérieur brut en 2018 était de 3 386 mrd euros. Les exportations en 2017 sont de 1 448 Mrd euros et les importations de 1167,03 Mrd USD 2017. C’est de loin la première puissance européenne qui dicte la norme de l’effort. Il faut en convenir, le peuple allemand est un peuple qui travaille, qui est discipliné et qui règle ses problèmes socio-économiques par le dialogue patronat-syndicat. Angela Merkel s’est faite plus discrète qu’à l’accoutumée pendant la crise de coronavirus qu’elle a tout de même bien gérée faisant preuve de pédagogie.
Le pragmatisme de Mme Merkel a payé. Elle ne fait pas dans la fuite en avant, mais dans la recherche de l’optimisation en essayant de minimiser les contraintes. Ainsi, ce fut d’abord la crise de l’euro après sa victoire triomphale aux élections du 22 septembre 2009. Plusieurs journaux allemands considèrent le succès de la chancelière (le meilleur score de son parti depuis 23 ans) comme le fruit de sa gestion de la crise de l’euro. Mme Merkel a pu mettre à profit ses qualités : son calme, sa maîtrise, sa vitesse de réaction et sa capacité à vendre des décisions comme étant « sans alternative ».
La chancelière allemande va quitter la vie politique en septembre, après 16 ans au pouvoir. Son bilan ? En observant la campagne électorale en Allemagne, on pourrait croire que le bilan d’Angela Merkel est inattaquable : peu de critiques, pas de remise en cause de son héritage. Son successeur potentiel s’inscrit dans la continuité de la chancelière et sa grande rivale écologiste ne prône pas non plus la rupture, tant Angela Merkel reste incroyablement populaire. Sur 16 ans au pouvoir, elle s’est illustrée par une méthode faite de compromis, une grande stabilité de l’Allemagne au rang de première puissance économique de l’Union européenne, et c’est ce qui plaît toujours autant à une grande majorité d’Allemands. Sauf à l’extrême droite qu’elle est arrivée à marginaliser lors de l’accueil, en 2015, de plus d’un million de migrants. Pour rappel, la moyenne des réfugiés accueillis est de 580 000 par an avec le pic syrien de plus de 1 million de réfugiés.
Égoïsme national, dites-vous ?
On pourrait comprendre que les Allemands ne soient pas contents de la politique de Mme Merkel, mais que des politiciens étrangers se permettent de juger, toute honte bue, les différents mandats de Merkel, il y a de quoi s’interroger si ce n’est pas la jalousie et l’impuissance qui seraient les moteurs de ce ressentiment. Ainsi, au nom du mantra : « le couple franco-allemand » pour qui le destin est commun en France, on n’arrête pas de parler du couple franco-allemand. Quel est l’apport de la France dans cet attelage ? Une Allemagne qui exporte à tour de bras et une France qui creuse régulièrement son déficit profitant de taux d’emprunt bas pour les grands, mais pas pour les petits, à l’image de la Grèce ou du Portugal. Cet état de fait n’est pas du goût de la gauche française qui n’a pas de mots assez durs pour fustiger la rigueur de Mme Merkel, à telle enseigne que la réélection 4 fois de suite de Mme Merkel est, par exemple, mal vécue par Jean-Luc Melenchon, leader de la France insoumise. S’immisçant dans la politique intérieure du pays, il lui reproche de réussir !
Il écrit : « La politique libérale la plus dure est encouragée. Elle va donc s’amplifier. Ses conséquences sociales aussi. Les salariés allemands doivent admettre que la retraite à 70 ans, c’est raisonnable, qu’un euro pour une heure de job, c’est peut-être trop, et ainsi de suite. Dans toute l’Europe de l’Est où se fabriquent les pièces que les Allemands assemblent en bout de parcours, chacun se le tient pour dit : travaille et tais-toi. On n’a donc pas fini d’entendre les perroquets médiatiques nous répéter la chanson du « modèle allemand ». De leur côté, les Grecs peuvent se préparer à vendre la mer qui les entoure et les Portugais l’air qu’ils respirent. Quant aux Français, depuis deux mandats présidentiels, ils ont déjà une poupée en plastique sur leur hayon, qui hoche du bonnet à chaque secousse : madame n’a qu’à ordonner, elle sera obéie (…) ».
Pourquoi les autres pays, dont la France, ne font pas comme l’Allemagne ? Monsieur Melenchon s’immisce dans les élections allemandes et appelle à un sursaut des travailleurs allemands à qui il demande de s’occuper de l’Europe ! Il va jusqu’à prévoir « un désastre dans la civilisation européenne » :
« Mme Merkel et ses groupies du troisième âge ne sont un modèle pour personne. « Le modèle allemand » de Madame Merkel, par définition, n’est pas généralisable puisqu’il repose sur le dumping social et l’exportation de produits qui éliminent la production des autres. Le « modèle allemand » consiste ainsi à pressurer tous les peuples d’Europe, en sorte que la finance collecte les gros dividendes pour payer les retraites par capitalisation des vieux Allemands de la classe moyenne supérieure. Le vote de ce dimanche n’est donc pas un vote bon pour l’Europe. D’abord, parce qu’il encourage une politique nationale qui nuit profondément aux peuples qui la constituent, au seul profit d’un seul d’entre eux. Ensuite parce qu’il encourage l’arrogance nationale de gouvernants persuadés qu’ils sont un modèle pour les autres et détiennent une vérité que les autres doivent admettre ou bien être fessés. Où est passée l’opposition ? (…) C’est aussi une mauvaise nouvelle pour la France, dorénavant dominée par un voisin arrogant dont l’égoïsme national est devenu la rente électorale de ses dirigeants »[2].
On reproche à Madame Merkel l’art du compromis, la synthèse et de toujours trouver le juste milieu. La méthode Merkel, c’est un pragmatisme à toute épreuve. Ce n’est pas donné à tout le monde d’être structuré, il puise certainement dans son « fond scientifique ». Durant son premier mandat, Angela Merkel jouit d’une cote de popularité de plus de 60% d’opinions positives, un score sans précédent dans l’histoire allemande. La France est la première destination à l’étranger qu’effectue rituellement Angela Merkel en tant que chancelière. Elle s’y rend la première fois le 23 novembre 2005. Dans son discours, Jacques Chirac insiste sur l’importance de l’axe franco-allemand au sein de l’Union européenne.
Le courage pour une politique climatique
La question environnementale est devenue centrale dans le débat public allemand ces dernières années, au gré des nombreuses manifestations de jeunes portées par le mouvement « Fridays for future ». Berlin compte réduire de 65% ses émissions d’ici 2030 par rapport à 1990, contre 55% auparavant, puis 88% d’ici 2040, avec la volonté d’atteindre la neutralité carbone « en 2045 », cinq ans plus tôt que prévu, a annoncé le ministre des Finances et vice-chancelier Olaf Scholz. Ces objectifs sont « réellement ambitieux et réalisables », a assuré son homologue de l’Environnement, Svenja Schulze, lors d’une conférence de presse.
Un projet de loi va être déposé « la semaine prochaine » en Conseil des Ministres, ont indiqué ces deux responsables du SPD (sociaux-démocrates) qui gouvernent avec les conservateurs d’Angela Merkel. (…) C’est une nouvelle perspective juridique qui pourrait avoir de « nombreuses conséquences » et qui stipule « que nous devons faire encore plus » pour les jeunes générations, a souligné la chancelière Angela Merkel, lors d’un échange avec des étudiants néerlandais par vidéo (…) « Les jeunes gens nous rappellent que nous sommes trop lents », a concédé Angela Merkel. Les écologistes ont d’ailleurs le vent en poupe dans les sondages en vue des élections législatives du 26 septembre, plusieurs enquêtes récentes les donnant en tête de ce scrutin qui doit désigner un successeur à Angela Merkel. Les écologistes sont dopés par la récente désignation de leur candidate, Annalena Baerbock, une ex-juriste de 40 ans, plus populaire que le candidat des conservateurs à la chancellerie, Armin Laschet.
La dimension humaniste : soulager la détresse occasionnée par d’autres
La chancelière allemande s’est dite convaincue, lors de ses vœux, qu’accueillir et intégrer les réfugiés arrivés en Allemagne en 2015 était une chance pour son pays. Lors de la présentation de ses vœux pour 2016, Angela Merkel a exhorté ses concitoyens à rester « unis ‘face à ceux’ pleins de haine » qui « se réclament, eux, seuls de l’identité allemande et veulent exclure les autres ».
Angela Merkel tient bon face aux critiques sur sa politique d’ouverture aux réfugiés. Bien que couronnée personnalité de l’année par de nombreux médias internationaux, elle est critiquée alors que l’afflux de demandeurs d’asile a atteint plus d’un million de personnes en 2015. « J’en suis convaincue, si elle est correctement appréhendée, la grande tâche actuelle qui consiste à accueillir et à intégrer tant de gens est une chance pour demain », a assuré la chancelière allemande dans ses vœux du Nouvel An, qui doivent être retransmis à la télévision dans la soirée, ce jeudi, et ont été diffusés à l’avance aux médias ».
Angela Merkel a reconnu que cela coûterait de l’argent et demanderait des efforts d’intégration. Et elle s’est inquiétée de la montée du discours et des violences anti-immigrés en Allemagne en exhortant ses concitoyens à rester « unis » en 2016. Mais fondamentalement, elle a jugé que l’Allemagne était, 25 ans après la réunification, suffisamment « forte » pour relever le défi[4].
« Si c’était à refaire, je recommencerais. Je prendrais les mêmes décisions essentielles. Quand tant de gens se massent aux frontières (…), il faut les traiter avec humanité ». Cinq ans presque jour pour jour après avoir lancé, dans la même salle, son fameux « Wir schaffen das » (« Nous y arriverons »), formule par laquelle elle entendait marquer sa confiance dans la capacité de l’Allemagne à faire face au défi migratoire, Mme Merkel estime aujourd’hui qu’elle avait raison d’être alors optimiste. « Nous avons fait énormément de choses. (…) Quand on voit que des jeunes gens arrivés à l’époque ont aujourd’hui leur bac et entreprennent des études, c’est un signe de réussite incontestable », s’est-elle félicitée. Selon une récente étude du très sérieux Institut de Recherche économique DIW, qui a interrogé environ 8 000 réfugiés arrivés en Allemagne entre 2013 et 2016, 43% ont trouvé un travail ou suivent une formation. Quant au nombre de ceux exerçant une activité leur donnant droit à une couverture sociale, il est passé de 84 500 à 362 600 de septembre 2015 à décembre 2019.
L’entrée au XXIe siècle de l’Allemagne
Beaucoup d’analystes se demandent ce qui va arriver ensuite pour l’Allemagne, l’Union européenne et l’ordre international au sens large. Sigmar Gabriel, ancien ministre des Affaires étrangères, affirme que la campagne électorale a mis en évidence l’absence d’un schéma directeur indiquant où l’Allemagne et l’Europe devraient aller au cours de la prochaine décennie, au-delà de la nécessité de lutter contre le changement climatique. De même, l’ancienne ministre espagnole des Affaires étrangères, Ana Palacio, pense que le départ de Merkel peut forcer les dirigeants de l’UE à commencer à faire des choix difficiles concernant les transgresseurs et les autocrates tant à l’intérieur qu’au-delà des frontières de l’Union. Quant à l’héritage de Merkel, Constanze Stelzenmüller de la Brookings Institution souligne la détermination constante de la chancelière à maintenir l’Europe, les relations transatlantiques et l’Occident ensemble, et craint que ses successeurs ne parviennent pas à apprécier l’importance et l’efficacité de cette approche.
Thierry de Montbrial, directeur d’un centre de recherche analyse les 16 ans de direction de l’Allemagne et parle du contexte qui a changé. Parlant de l’après-Merkel, il donne des pistes pour le futur : « Pour adapter sa politique étrangère aux enjeux du XXIe siècle, l’Allemagne devra surmonter certains tabous hérités de son histoire. Les seize années du règne d’Angela Merkel ont été marquées par une transformation du monde à laquelle la chancelière s’est adaptée au jour le jour, mettant en œuvre son exceptionnel talent pour recoller les morceaux après chacune des crises qui ont déferlé depuis son accession au pouvoir. Ce fut le cas de la crise financière des années 2010 consécutive à la débâcle des subprimes avec le sauvetage de la zone euro »[6].
« Telle était la situation internationale à la fin de 2005. Après Helmut Kohl, qui a laissé sa marque sur la réunification allemande, et Gerhard Schröder, qui a dû gérer ses coûts, Angela Merkel a hérité d’une forte volonté allemande de devenir la première puissance d’une Union européenne. Quand Angela Merkel est devenue chancelière en 2005, le monde pouvait encore être qualifié d’unipolaire, du moins à première vue. Les conséquences géopolitiques de l’essor de la Chine semblent abstraites. En fait, l’Occident considérait la Chine principalement comme un immense réservoir de main-d’œuvre bon marché et un débouché presque inépuisable pour ses produits. C’est pourquoi la Chine a été admise à l’OMC. (…) Ce fut également le cas de la crise migratoire après la débâcle du « printemps arabe » (qui a également contribué à alimenter la montée en puissance de l’extrême droite Alternative für Deutschland, ou AfD). Ce fut à nouveau le cas avec le Brexit et même la pandémie Covid-19 ».
« La chancelière Merkel a fait la sourde oreille aux provocations du président américain Donald Trump. A-t-elle compris que l’élection de Trump en 2016 n’était pas une bosse sur la route, mais le signe le plus évident de changements profonds dans la société américaine et d’un glissement du monde vers l’Asie, en particulier la Chine ? La crise financière de 2007-2008 et la rivalité entre la Chine et les États-Unis sont ce qui a vraiment fait entrer le monde dans le XXIe siècle. Qu’on le veuille ou non, écrit Thierry de Montbrial, la doctrine atlantiste de l’époque de la Guerre froide est dépassée. L’équilibre géopolitique du pouvoir au sens classique du terme compte toujours, mais la géo-économie a considérablement accru sa complexité. La lutte contre le réchauffement climatique bouscule les politiques énergétiques et soulève de nombreux défis technologiques. Les grandes puissances recourent de plus en plus aux sanctions. La tendance claire à la démondialisation est moins une réduction drastique de l’interdépendance qu’une lutte impitoyable pour le contrôle des zones critiques avec des matières premières et des produits stratégiques (comme les semi-conducteurs) et, plus généralement, des chaînes d’approvisionnement »[6].
Pessimiste pour l’avenir de l’Allemagne, Thierry Montbrial pense que les vaches grasses de l’Allemagne sont derrière elles. L’Allemagne ne pourra plus profiter du parapluie américain qui lui permet de ne pas investir dans la défense. Il écrit : « L’Allemagne a renforcé sa puissance en tirant pleinement parti du protectorat américain. Le commerce international dépolitisé a profité à son économie en général et à son industrie automobile en particulier. Ces jours sont révolus. Cela signifie que le futur chancelier ne pourra pas éluder la question de la redéfinition du modèle économique de l’Allemagne et de l’avenir de sa sécurité en tant qu’ensemble indissociable. (…) L’Allemagne devra faire de vrais choix. Ce seront des choix à la fois sécuritaires, économiques et technologiques. En théorie, l’Allemagne pourrait rêver de devenir une grande Suisse ou de briser le Sonderweg tabou en empruntant une voie particulière, ce qui la pousserait à élargir ses relations avec la Russie et la Chine, déjà bien avancées sur le plan strictement économique. Le gazoduc Nord Stream 2 en est le symbole en ce qui concerne la Russie et la dépendance à l’égard de ses exportations, notamment automobiles, en ce qui concerne la Chine. Mais jusqu’où l’Allemagne peut-elle aller seule dans cette direction ? À l’inverse, jusqu’où peut-elle accepter d’augmenter encore sa dépendance aux États-Unis ? (…) Mais dans cette mer d’incertitudes, une vérité se détache : bien qu’Angela Merkel ait occupé ses fonctions entre 2005 et 2021, elle restera la dernière chancelière allemande du XXe siècle »[6].
L’Allemagne fait ses adieux à Angela Merkel
Les Allemands l’ont élue pour les diriger et elle a dirigé 80 millions d’Allemands pendant 16 ans avec compétence, dévouement et sincérité. Merkel a quitté le poste de direction du parti et l’a cédé à ceux qui lui succédaient, et l’Allemagne et son peuple sont dans les meilleures conditions. En 2018, elle a quitté la direction de son parti, la CDU. La BBC rapporte qu’elle avait alors bien reçu une « standing ovation de plus de six minutes » par les membres de son parti présents lors de ce congrès à Hambourg. Depuis son arrivée à la chancellerie en 2005, la garde-robe d’Angela Merkel fait l’objet de commentaires de la presse allemande et internationale, qui note qu’elle porte parfois les mêmes habits.
Elle a quitté son poste après avoir quitté l’Allemagne au sommet. En 2009, elle avait déjà été interrogée par le magazine Emma sur la répartition des tâches domestiques et avait expliqué avoir une aide ménagère, « mais qui ne fait pas tout ». « J’arrange les vêtements, et c’est mon mari qui fait fonctionner la machine à laver, et c’est généralement la nuit, car l’électricité est disponible et il n’y a pas de pression, heureusement, le mur séparant notre appartement des voisins est épais ». Mme Merkel vit dans un appartement normal comme tout autre citoyen. « Elle a vécu dans cet appartement avant d’être élue chancelière d’Allemagne. Elle ne l’a pas quitté. Merkel, la désormais ancienne chancelière allemande, la plus grande économie d’Europe !! »
L’Allemagne et l’Algérie : appel pour un partenariat d’exception
Pour avoir une idée du savoir-faire allemand, de sa résilience, se reconstruire à partir de zéro, c’est un fait que le peuple allemand a comme vertu cardinale : le travail bien fait. Un exemple ? Les caméras embarquées dans les vols dans l’espace il y a quarante ans étaient des cameras Zeiss de l’Allemagne démocratique du côté soviétique et des caméras Zeiss de l’Ouest du côté de l’Allemagne fédérale. L’Allemagne est un exemple à suivre sur le plan de la rigueur, de la science. Quand Mme Merkel a décidé de sortir du nucléaire au plus tard en 2022 après Fukushima, elle a réussi à convaincre les citoyen (nes) qu’il fallait faire des efforts pour aller vers les économies d’énergie, mais aussi pour aller vers les énergies renouvelables. Ce n’est pas simple d’avoir la 3ème place après la Chine et les États-Unis. Elle a décidé de miser sur le Nord Stream 2, qui est opérationnel et va la ravitailler en gaz naturel.
Dans cette nouvelle architecture du fur énergétique, l’Allemagne a marqué sa disponibilité au plus haut niveau d’aider l’Algérie à réussir sa transition énergétique. L’Algérie devrait tout entreprendre pour aboutir à la mise en place du partenariat d’exception pour le plan hydrogène vert et la formation à l’Institut de la transition énergétique qui pourrait être accompagné par le grand institut allemand Franhaufer. C’est un challenge et une chance de s’arrimer à une locomotive qui peut booster les énergies renouvelables, la formation et la recherche. L’hydrogène vert pourrait remplacer le gaz naturel d’ici la fin de la décennie. Ne gâchons pas cette chance qui ne se renouvèlera pas. Nous avons une dette envers les générations futures.
Et maintenant quelle sera la suite ?
Les suivants du pouvoir seront-ils en mesure de faire prospérer le viatique multidimensionnel en terme de probité de réussite et de modèle singulier d’engagement de fermeté mais aussi d’humanité de Muttie Merkel ? « Whir shaffen das », disait Mme Merkel chaque fois qu’elle était en présence d’une difficulté insurmontable ! Elle en appelle à la mobilisation pour la dépasser. Elle ne demande pas aux gens d’être indifférents, elle veut leur engagement en face de la difficulté : « Nous pouvons y arriver » est un mantra qui restera dans l’histoire. Il n’est pas donné à tout le monde de le prononcer ! Il faut d’abord faire ses preuves, en terme de compétence académique, et quelle compétence, s’agissant de Mme Merkel ! Il faut aussi être convaincu de la culture du bien commun et du sens de servir et non être tenté de se servir même en grapillant…
Le mantra de ralliement de Merkel pour mobiliser le peuple allemand pour accueillir 1 million de réfugiés syriens qu’elle a sécurisé, logé, nourri, instruit est un cas d’école. Le résultat ne s’est pas fait attendre : des enfants syriens eurent des prix d’excellence totalement intégrés et en harmonie pour être de bons Allemands tordant le coup à une mauvaise réputation qu’un scribouillard s’est permis de vendre la dignité des peuples arabes pour quelques euros en les accusant, à tort, d’être derrière les événements du réveillon de Cologne.
Mme Merkel aura bien mérité de l’humanité. Contrairement aux hommes politiques qui s’accrochent au pouvoir en allant jusqu’à faire des constitutions pour rester à vie. C’est en tout cas le cas des potentats arabes, dont on sait qu’ils refusent l’alternance sereine au point qu’ils ne quittent le pouvoir que par l’émeute ou la déchéance physique voire la mort. Madame Merkel rappelle à certains égards les hommes d’État qui ont marqué l’histoire tels que Lucius Quinctius Cincinnatus (c. 519 – c. 430 av. J.-C.), dirigeant romain, qui s’est retiré après avoir fait son devoir. Rappelé à Rome, à cause de troubles les envoyés du Sénat le trouvèrent nu et labourant sa terre. Le pouvoir étant vacillant, Cincinnatus repart sauver Rome. Il quitte le pouvoir absolu dès la fin de la crise et devient, pour les dictateurs romains, un exemple de bon commandement, de dévouement au bien public, de vertu et de modestie.
Deux autres exemples nous sont donnés. Deux présidents qui se sont distingués par leur mode de vie, très éloigné du faste habituel surnommé. Pepe Mujica, est un homme d’État uruguayen. La journaliste Chloé de Geyer d’Orth, nous résume, le bréviaire d’une vie simple : « Malgré son élection à la présidence, Mujica continue avec sa femme la culture et la vente de fleurs, un petit commerce. Ce président se déplace toujours dans sa coccinelle Volkswagen achetée en 1987, sauf pour les déplacements officiels au cours desquels il utilise une simple Chevrolet Corsa ». « On m’appelle le président le plus pauvre, mais je ne me sens pas pauvre. Les pauvres sont ceux qui travaillent uniquement pour avoir un style de vie dépensier, et qui en veulent toujours plus… » Durant l’hiver 2011, cinq Uruguayens sont décédés d’hypothermie . Pour éviter que ce type de situation ne se reproduise, le président de l’Uruguay, Jose Mujica, a décidé que le Palais présidentiel figurerait dorénavant dans la liste des édifices publics servant au logement des personnes sans domicile fixe Il quitta le pouvoir au terme d’un mandat. Une autre référence est celle donnée par Mandela après 27 ans de réflexion en prison, il se voit offrir le privilège de présider aux destinées de l’Afrique du Sud ; Non obnubilé par le pouvoir Il a su quitter le pouvoir au moment opportun après un mandat après avoir éviter la fracture entre les sud africains. Il a fait honneur à l’Afrique et à l’humanité[7],.
Muttie Merkel, ainsi appelée affectueusement par les Allemands, quitte ainsi le pouvoir par la grande porte. Elle mérite mille fois les prix Nobel de la paix, voire de l’économie… On peut parier qu’elle ira cultiver son jardin après avoir servi dignement son pays. Puisse son exemple profiter à toutes celles et ceux qui veulent servir leur pays.
source : https://blogs.mediapart.fr/semcheddine
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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