Quand la démesure dénature !

Quand la démesure dénature !

Depuis plusieurs semaines, les citoyens de deux municipalités de Lanaudière se mobilisent contre un projet de 263 habitations à vocation locative, baptisé Beaulieu-sur-Lac (BSL – www.beaulieusurlac.com). Celui-ci pourrait voir le jour dans les derniers milieux naturels encore intacts aux abords du lac Mondor et dans les montagnes surplombant le lac Noir.

Préoccupée par les nombreux impacts possibles de ce projet, la municipalité de St-Jean-de-Matha procèdera, le dimanche 26 septembre, à un référendum sur le règlement 502-77 qui vise à interdire le lotissement de projets intégrés et la pratique de la location de type Airbnb sur le territoire visé par Beaulieu-sur-Lac.

Pour sa part, la municipalité voisine de Saint-Damien avait appuyé le projet. Toutefois, grâce à la mobilisation citoyenne, la municipalité annonçait le 15 septembre dernier qu’elle retirait son projet de règlement qui aurait permis la construction de condos dans les secteurs visés de son territoire.

Lors de la séance d’information organisée le 8 septembre par la municipalité de Saint-Jean-de-Matha dans le but de permettre au promoteur immobilier Beaulieu-sur-Lac de présenter son projet, les citoyennes et les citoyens des deux municipalités en sont sortis plus indignés que jamais ! Environ 150 personnes étaient présentes et plus de 200 autres suivaient en direct la séance sur le site internet de la municipalité. Comme l’a souligné le maire Martin Rondeau, « il est rare de voir autant de personnes assister à une réunion d’une petite municipalité comme la nôtre ! »

Les promoteurs de BSL, Marina Longpré et Simon Longpré, se sont présentés entourés de leurs experts. Après que la municipalité eut expliqué le projet de règlement ainsi que le contexte de son adoption, les promoteurs ont présenté leur plan. La parole a ensuite été cédée aux citoyens qui ne se sont pas montrés timides ni ignorants. Une cinquantaine de personnes ont pris la parole, toutes opposées au projet de BSL! La tension a monté rapidement dans la salle en raison des réponses fournies par les promoteurs et les experts. Madame Longpré a tenté de justifier ses bonnes intentions en faisant valoir son désir de faire profiter à un plus grand nombre possible de personnes la belle quiétude et le magnifique environnement de ces deux lacs…

Selon Michel Milot, président de l’Association de protection du lac Mondor : « Les intérêts personnels et pécuniaires à courte vue de spéculateurs-promoteurs menacent les bassins versants de ces deux importants lacs de Lanaudière, avec un projet tape-à-l’œil qui ne répond à aucun besoin et qui fait partie du passé. »

L’urbaniste des promoteurs a fait une présentation cartographiée qui dévoile un développement surdimensionné qui va à l’encontre de toute visée de protection de l’environnement. En plus des 263 unités d’habitation, on parle de lieux communautaires pour faire la fête, de quais communs, etc. On promet aux acheteurs « un accès privilégié au lac Mondor ». Ainsi, près de 1 000 villégiateurs prendront d’assaut un plan d’eau d’à peine 12 hectares. Puisque plusieurs terrains ne sont pas constructibles, le projet BSL viendra densifier cette population sur des zones très restreintes et limitrophes au Lac Mondor, détruisant ainsi le décor et la tranquillité des lieux pour en faire un petit village à la « Mont-Tremblant » au détriment de la population et de l’environnement, d’ajouter Bertrand Loiselle de l’Association de protection du lac Mondor lors d’une intervention citoyenne.

Le projet immobilier BSL s’adresse « à ceux qui apprécient le vrai sens du luxe » comme l’indique sa publicité. Les unités résidentielles d’une surface habitable de 2 000 à 5 500 pi2 sont offertes à des prix oscillants entre 449 000 $ et 749 000$, ce qui risque d’exclure les résidents de la région dont le revenu moyen était de 34 338$ en 2015. Lorsque questionnée sur une offre de logements à prix abordables, madame Longpré répondit simplement qu’il y aura des unités moins dispendieuses que d’autres

L’urbaniste et la biologiste de BSL se sont défendus tout du long de la rencontre en s’appuyant sur les règles municipales et les lois. Ils ont même prétendu vouloir préserver 90% du couvert forestier, ce qui a laissé les citoyens perplexes puisqu’une fois les immeubles vendus, quel contrôle les promoteurs et leurs experts auront-ils sur le couvert forestier et la protection de l’environnement ?

De l’avis du président Jean-Pierre Ménard de l’Association pour la protection de l’environnement du Lac Noir et de la Rivière Noire, « Les promoteurs ne semblent pas considérer le grave problème de saturation du Lac Noir pourtant connu depuis longtemps en raison de la prolifération des embarcations à moteur.» Ils ne se préoccupent pas non plus de la fragilité du Lac Mondor qui s’explique par sa très petite superficie ainsi que par sa position de tête du réseau hydrique de la zone Bayonne. À cet effet, une citoyenne a abordé le problème d’assèchement des eaux qui a fait la manchette cet été, comme au Lac Taureau. L’implantation des nouvelles installations dans un environnement comportant plusieurs écosystèmes complexes et fragiles aura ultimement un impact sur le renouvellement des eaux souterraines et la qualité de l’eau des 2 lacs. Le technologue des promoteurs n’avait pas de réponse à fournir à ces préoccupations.

Enfin, cherchant à mieux connaître les personnes désirant faire changer le règlement de la municipalité, des citoyens ont questionné les promoteurs sur leur crédibilité, leurs expériences passées et leur solidité financière. Aucune réponse n’a été fournie à ces questions. Simon Longpré a refusé de nommer qui se trouve derrière le financement de leur projet pharaonique et quels sont les anciens clients des promoteurs dont les projets auxquels il a participé ont été couronnés de succès. Un citoyen a même poussé la note jusqu’à nommer des accointances douteuses des promoteurs, des informations aisément retraçables sur les sites d’informations publics.

Tout au cours de la soirée, le vent a soufflé très fort en faveur du règlement de la municipalité. Aucune voix discordante ne s’est fait entendre. De façon générale, les citoyens se sont dits outrés par un projet qui détruira un environnement bien conservé à ce jour. Plusieurs interventions ont été martelées dans ce sens et appuyées d’un message on ne peut plus clair destiné aux promoteurs: « Nous ne voulons pas d’un Club Med à Saint-Jean-de-Matha alors OUI au règlement de la municipalité ! ». Ainsi, le sort du projet Beaulieu-sur-lac se trouve entre les mains des citoyens qui voteront le 26 septembre prochain au référendum de la municipalité de Saint-Jean-de-Matha.

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