- Nasrallah : le Hezbollah, l’Iran et la Syrie ont brisé le blocus américain
- Avec le carburant iranien, le Liban se tourne résolument vers l’Est
- Au Liban, des adversaires du Hezbollah expriment leur reconnaissance à l’Iran
Nasrallah : le Hezbollah, l’Iran et la Syrie ont brisé le blocus américain
Par @lecridespeuples, via @political_aya_ et Middle East Observer
Résumé des idées principales du discours de Sayed Hassan Nasrallah le 13 septembre, consacré à l’arrivée de carburant iranien importé par le Hezbollah pour briser le blocus américain & mettre fin à la crise énergétique au Liban.
Nasrallah commence par adresser ses condoléances et celles du Hezbollah pour le décès du grand Marja’ Sayed Mohammad Saeed Al-Hakim, et au décès du chef du Conseil suprême islamique chiite au Liban, Cheikh Abdel-Amir Qabalan.
Nous sommes heureux que le nouveau gouvernement ait été formé. Nous avons travaillé dur pendant longtemps pour parvenir à la formation de ce cabinet et il est maintenant enfin là. Nous devons des remerciements à l’ex-PM Hassan Diab qui, malgré sa démission et en attendant la formation d’un nouveau gouvernement, a assumé la responsabilité du gouvernement avec une partie de ses ministres au cours de l’année écoulée. Nous espérons que le Parlement validera ce cabinet rapidement afin que nous puissions immédiatement nous mettre au travail pour résoudre les problèmes de notre peuple.
Concernant notre importation de carburant iranien, nous avions 2 options : faire amarrer nos navires soit au Liban, soit en Syrie. Afin de ne pas embarrasser le gouvernement libanais (et certains partis pro-Américains), nous avons opté pour la deuxième option, qui consiste à envoyer le navire (de carburant iranien) au port syrien de Baniyas, et la Syrie (qui a accepté de recevoir le navire) a facilité le déchargement au port de Baniyas et nous a gracieusement fourni des camions-citernes pour le processus de transport (à travers la frontière libano-syrienne).
Nous adressons nos sincères remerciements aux dirigeants syriens pour leur soutien et leur facilitation (du processus), ainsi que leur compréhension et leur contribution au succès de cette étape jusqu’à présent, ainsi que pour les prochaines étapes.
Le premier navire est arrivé au port de Baniyas dimanche soir à 2h30 du matin, et le déchargement de sa cargaison sera terminé aujourd’hui (lundi). Le transfert du carburant de la Syrie au Liban est censé commencer ce jeudi, à destination de réservoirs spécifiques de la région de Baalbek (au Liban), d’où il sera distribué dans le reste des régions du Liban
Depuis que nous avons annoncé ce projet d’importer du carburant iranien, certains (côtés) ont présenté cette promesse comme un simple discours médiatique, s’efforçant de nous discréditer, mais leur effort a échoué. Quand il s’est avéré que ce projet était sérieux, les adversaires du Hezbollah ont parié sur Israël pour empêcher le navire d’arriver, mais les Israéliens étaient dans une impasse : si le navire passait, la Résistance & la Syrie gagnaient en popularité, et s’ils l’arrêtaient, ils devraient faire face à notre riposte. L’équation de dissuasion existante (imposée par le Hezbollah qui protège) le Liban (protège également) les navires de carburant et a permis l’arrivée en toute sécurité du premier navire, de même qu’elle (assurera) l’arrivée des autres navires.
Les Américains n’ont pas pu arrêter ce navire non plus, malgré moult menaces. Tous ces paris ont échoué et maintenant, nous nous mettons au travail pour servir notre peuple.
Le premier navire transporte du diesel, de même que le deuxième navire transporte également du diesel et arrivera dans les prochains jours. Il sera suivi d’un troisième navire transportant de l’essence. Nous travaillons également actuellement sur un quatrième navire qui apportera encore plus de diesel au peuple libanais, au vu de l’arrivée de l’hiver.
Notre objectif n’est pas de rivaliser avec d’autres entreprises sur le marché, mais d’aider nos concitoyens et de soulager leurs problèmes du fait de l’impuissance des autorités à résoudre la crise énergétique qui paralyse le pays et humilie tous les Libanais.
Quant au mode de livraison de ce carburant, nous avons adopté le mécanisme suivant : pendant un mois, certaines catégories se verront fournir un mois de diesel gratuitement par le Hezbollah, à savoir :
– les hôpitaux publics
– les maisons de retraite
– les orphelinats
– les centres pour personnes à besoins spéciaux
– les services des eaux
– les services d’incendie de la protection civile et la Croix-Rouge
– les municipalités les plus pauvres
Nous avons bien étudié le terrain et savons quelles municipalités sont dans le besoin et lesquelles ont de meilleures capacités, donc notre distribution ne sera pas désorganisée mais ciblée sur les secteurs & zones les plus nécessiteux.
Nous allons également vendre notre carburant, à des prix raisonnables, à ces secteurs :
– l’industrie pharmaceutique et les hôpitaux privés
– les moulins, marchés et centres commerciaux locaux
– les boulangeries
– les compagnies électriques privées (qui compensent le manque d’électricité fournie par les autorités)
Nous espérons que ceux qui ont augmenté leurs prix sous prétexte d’acheter leur diesel au marché noir les reconsidéreront pour aider davantage les gens. La présence de nos grandes quantités de carburant réduira nécessairement la spéculation des profiteurs de crise et les prix actuels artificiellement élevés.
Notre objectif n’est pas de faire du profit, et donc nous vendrons moins que le prix coûtant. Il s’agira d’un cadeau et d’une subvention de la République islamique d’Iran et du Hezbollah au peuple libanais. Nous veillerons à ce que tout notre carburant ne serve qu’à alléger les souffrances des Libanais.
La distribution se fera principalement via la société Al-Amanah, déjà sous sanctions américaines, tandis que d’autres sociétés (de distribution) seront envisagées ultérieurement.
Notre prix de revente sera déterminé dans les prochains jours et annoncé par la télévision Al-Manar, après que le nouveau ministre aura pris la décision concernant le taux de change livre libanaise / dollar qui sera retenu pour ces transactions.
Mon conseil au nouveau gouvernement, qui ne voudra pas (porter les conséquences de) la levée des subventions (gouvernementales) sur les carburants, est de s’assurer que les dérivés pétroliers subventionnés parviennent aux citoyens, afin que les revendeurs et accapareurs ne les monopolisent pas et ne les revendent pas à (plus haut) prix le mois prochain.
Espérons que personne ne pourra nous tromper et que cette étape contribuera à briser le processus de monopolisation et le marché noir. Nous avons bien étudié la situation et serons très prudents dans notre distribution, veillant à ce que notre carburant ne finisse pas sur le marché noir. Même lorsque nous fournirons gratuitement un mois de diesel, nous le ferons en plusieurs fois pour limiter les risques.
Dès le départ, nous avions la possibilité de faire venir plus d’un navire, et nous aurions pu organiser tout un convoi de pétroliers avec diffusion des images en direct, mais notre objectif n’est pas de provoquer qui que ce soit ni de nous faire valoir. Notre seul objectif est d’aider notre peuple et de soulager ses problèmes, et nous avons donc agi plus discrètement.
Je tiens à remercier la République islamique d’Iran, l’Imam Khamenei (Dieu le préserve), le Président iranien Sayed Raesi et les responsables du gouvernement iranien. Je tiens également à remercier la Syrie et ses autorités qui ont contribué à ce succès.
L’une des bienfaits de cette initiative du Hezbollah a été d’ouvrir de nouvelles portes, surtout après les actions américaines immédiates qui ont suivi notre annonce, Washington ayant soudainement autorisé les responsables libanais de répondre à certains des besoins du Liban en électricité et en gaz depuis l’Égypte et la Jordanie via la Syrie, en violation de leurs propres sanctions de la loi « César » ! Nous remercions ces pays pour leur coopération. Bien que nous soyons conscients de l’opportunisme américain, qui n’ont avancé ces pistes qu’en réponse à l’initiative du Hezbollah (qui les a conduits à briser leur propre blocus, démontrant qu’ils sont les responsables de cette crise), nous soutenons toute mesure qui soulagerait la douleur de notre peuple.
Nous nous félicitons vivement de la démarche de la délégation libanaise en Syrie, démarche que nous réclamons depuis longtemps, et remercions l’ouverture et la fraternité dont ont fait preuve les autorités syriennes.
Du carburant irakien est censé arriver bientôt fin septembre (également), ce qui (contribuera à) alléger les souffrances du peuple (libanais), et nous réitérons nos remerciements au gouvernement irakien pour ses efforts.
Les 6 prisonniers palestiniens qui ont pu se libérer de la prison israélienne ont apporté de la joie dans le cœur de chaque homme digne. Indépendamment de leur recapture, leur initiative même est extraordinaire et témoigne de la résilience indomptable des Palestiniens. Nous avons accueilli avec une grande joie et un grand espoir les rapports qui suggéraient que ces évadés se dirigeaient vers le Liban.
Défendre les 2 moudjahidines qui restent libres devrait être la responsabilité de toute personne honorable.
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« Avec le carburant iranien, le Liban brise le siège américain et se tourne résolument vers l’Est »
L’économiste libanais Ziad Nasreddine commente les ramifications potentielles des efforts du Hezbollah pour importer du carburant iranien au Liban, un effort annoncé par Sayed Hassan Nasrallah la veille.
Source : Al-Manar, via Middle East Observer
Date : 20 août 2021
Traduction : lecridespeuples.fr
Transcription :
Journaliste : […] Monsieur Ziad, certains disent : « Qu’est-ce qu’une poignée (de navires) pourraient changer, comment un ou deux navires en provenance d’Iran pourraient-ils constituer une solution à la crise étouffante que nous vivons ? Ils ajoutent que l’approche de (l’ouverture vers) l’Est doit se faire de manière différente, et tant qu’il ne s’agira pas d’un échange entre un État et un autre (donc pas via le Hezbollah en tant que parti), la valeur économique de cette action sera intangible, et le peuple libanais qui subit le siège le plus sévère ne sentira (aucune différence).
Ziad Nasreddine, économiste libanais : Premièrement, en ce qui concerne la question de l’Iran, lorsque nous parlons de la République islamique d’Iran, nous parlons d’un pays qui détient 10 % des réserves mondiales de pétrole et 15 % des réserves mondiales de gaz, et donc dispose d’un surplus. Aujourd’hui (l’Iran) fournit de l’électricité et de l’énergie à l’Arménie, ainsi qu’à l’Afghanistan, à l’Irak et au Pakistan. Par conséquent, il existe de nombreux pays dont les économies sont liées à l’Iran et peuvent commercer avec ce pays.
Or, quand on parle des affaires intérieures du Liban, on peut dire aujourd’hui en fait que nous avons fait un premier pas vers l’Est, et ce premier pas est un pas fructueux ; il ne s’agit pas d’un navire ou deux, il s’agit d’une décision stratégique (concernant) (les affaires) économiques (du Liban). Aujourd’hui, il y a un vrai conflit entre l’Est et l’Ouest. La question principale est « Qui a besoin de l’autre, l’Est ou l’Ouest ? ». Aujourd’hui, l’Est a des économies prometteuses et de grandes capacités, et tous les États qui entourent (cette région géopolitique) sont autorisés à y commercer et à conclure des accords stratégiques, à l’exception du Liban.
La question aujourd’hui est qu’il y a environ un mois, l’Arabie Saoudite s’est dirigée vers l’Est, plus précisément vers la Chine, et a signé des accords stratégiques qui pourraient atteindre 90 milliards de dollars. De même, les Émirats arabes unis ont signé des accords stratégiques avec la Chine ; la Jordanie est également sur le point de conclure des accords, et même l’ennemi israélien est (en train de le faire). Pourtant, (on nous fait croire que) les restrictions ne (s’appliquent) qu’au Liban ?! Par conséquent, la profondeur fondamentale et majeure de tout (projet de) sauvetage économique pour le Liban doit commencer, et commencera, par la Syrie, et atteindra la profondeur de l’Asie et de l’Iran.
L’Iran joue aujourd’hui un rôle central : il y a aujourd’hui 14 États qui ont demandé à obtenir du carburant et du gaz de l’Iran. Nous sommes donc entrés dans une nouvelle phase. La peur (des alliés américains au Liban) aujourd’hui n’est pas à cause du diesel et de l’essence qui arrivent au Liban, la peur est liée à cette première étape qui constitue un point de départ pour (la mise en œuvre de) réformes majeures liées à la question de l’électricité. (Cette initiative du Hezbollah) a été acceptée par le public libanais, qui comprend que nous avons besoin de diesel et d’essence, et que cet État (c’est-à-dire l’Iran) nous a fourni (ces besoins).
Voir Bachar al-Assad : La Syrie de demain sera résolument tournée vers l’Orient & L’Occident n’aura aucun rôle dans l’avenir de la Syrie
Demain, nous pourrions également revenir sur les offres iraniennes (préexistantes) pour la construction de centrales (électriques) au Liban, des centrales alimentées au gaz. Parlons chiffres : aujourd’hui, depuis la crise de novembre (2019) jusqu’à nos jours, nous avons dépensé 15 milliards de dollars, qui ont servi à couvrir les subventions (du gouvernement) et (en tenant compte) l’argent qui est entré (au Liban) et l’argent (qui était) passé en contrebande (à l’étranger). Et ce alors que nous n’avons en fait besoin que d’un milliard de dollars pour construire des centrales (électriques) et nous débarrasser de toute la crise (pénurie) d’électricité (du pays) ! Nous dépensons 15 milliards de dollars pour des subventions (gouvernementales) et pour faire passer de l’argent à l’étranger et bien d’autres choses, mais nous ne dépensons pas 1 milliard de dollars pour mettre fin au problème de l’électricité (au Liban) !
Nous payons 3,5 milliards de dollars par an parce que nous n’avons pas d’électricité générée par le gaz et nous n’avons pas construit de centrales électriques pour produire de l’électricité. Aujourd’hui, c’est le problème principal, à travers lequel ils (c’est-à-dire les États-Unis) ont pu (nuire au Liban), à savoir le problème de l’électricité, (car) nous tous nos secteurs de production dépendent du diesel, ce qui (permet) qu’un siège (soit imposé) au Liban. Le Liban a été soumis à (un blocus au niveau des carburants)… Ce qui s’est passé aujourd’hui (c’est-à-dire l’annonce de Nasrallah), c’est que (une mesure a été prise) pour faire face au siège économique. Le Liban a été exposé à une agression économique juste à travers (l’exploitation) du diesel et de l’essence. Par conséquent, tous les secteurs, pendant les mois de septembre et octobre (2021)… il y avait des plans en place pour faire effondrer les réseaux de téléphone et d’Internet du Liban, (et des plans étaient en place) pour empêcher le début de la nouvelle année universitaire (à temps )…
Tout cela est dû au fait que tout est lié au diesel (pour le fonctionnement quotidien) : les hôpitaux fonctionnent au diesel, les boulangeries fonctionnent au diesel, les écoles, les télécommunications, Internet et toutes ces choses aujourd’hui (dépendent du diesel). Cette crise devait se poursuivre jusqu’à ce que nous tombions dans une crise plus grave après septembre et octobre. Ce qui se passe aujourd’hui, c’est que nous effectuons un véritable sauvetage de l’économie (libanaise), nous disons que nous voulons mettre un plan économique sur la table et le considérer sérieusement, et que nous (en tant que pays) ne devons pas être un jouet des projets des autres. […]
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Liban : un député du parti pro-américain de Samir Geagea remercie l’Iran pour ses approvisionnements essentiels en carburant
Dans une récente interview télévisée, le député libanais Cesar Maalouf a rompu avec la ligne de son parti en remerciant l’Iran pour les cargaisons de carburant indispensables que Téhéran envoyait au Liban, une initiative révolutionnaire annoncée par le Secrétaire Général du Hezbollah Hassan Nasrallah dans un récent discours.
Cesar Maalouf est un député des Forces Libanaises, un parti qui maintient un discours politique résolument pro-américain et anti-Iran/Hezbollah et est dirigé par Samir Geagea. Les Forces Libanaises d’origine chrétienne étaient auparavant une milice issue de la guerre civile libanaise (1975-1990).
Dans l’interview, Maalouf a également ridiculisé et rejeté une initiative proposée par l’ambassadrice des États-Unis au Liban, Dorothy Shea, pour approvisionner le Liban en manque d’énergie en électricité via des itinéraires alternatifs impliquant l’Égypte, la Jordanie et la Syrie.
Maalouf a déclaré que l’annonce de l’ambassadeur des États-Unis était trop peu trop tard, reflétant une humeur répandue au Liban selon laquelle les États-Unis assiégeaient et paralysaient délibérément le pays afin de punir la population et de la soulever contre le Hezbollah.
Source : Al Mayadeen via Middle East Observer
Date : 20 août 2021
Traduction : lecridespeuples.fr
Transcription :
Cesar Maalouf, député libanais du parti Forces libanaises : […] J’ai un slogan que j’emprunterai aux Forces Libanaises : « Là où les autres n’osent pas aller ». J’ai le courage de parler et d’assumer la responsabilité de mes paroles. Je me fiche que les gens aiment ou non mes paroles. (Si je devais choisir) entre le peuple (libanais) étant humilié ou conservant sa dignité, et moi conservant mon siège au Parlement, je choisirais la dignité du peuple.
Concernant les alliés, le Liban est un pays arabe. Je préfère que les Etats arabes, américains, européens et occidentaux aident le Liban et nous envoient des médicaments, nous envoient du carburant pour que le peuple libanais ne soit pas humilié aux stations-service. Cependant, si nos alliés nous ont vendus et nous ont abandonnés, et sont incapables d’aider le Liban, et qu’un pays frère nommé l’Iran voulait aider le peuple libanais –pas seulement les chiites mais tout le peuple libanais – (en nous vendant du carburant) à bas prix et en devise libanaise, dois-je remercier ce pays ou l’insulter ? Bien sûr, je devrais le remercier. Je dois être objectif. Les gens ne m’ont pas élu pour être un faux témoin. Les gens m’ont élu pour garder la tête haute. Je ne peux pas marcher parmi les gens et offrir mes condoléances à un individu et dire : « Que Dieu lui fasse miséricorde. (Il/elle est décédé(e) parce que l’hôpital manquait d’oxygène. ». Je ne peux pas non plus (m’excuser) auprès d’un enfant dont les parents ne trouvent pas de lait pour bébé, ni auprès d’un agriculteur qui n’a pas de diesel pour irriguer ses terres et nourrir le peuple libanais réduit à la mendicité !
Je n’ai pas demandé de carburant iranien. J’ai seulement remercié l’Iran de se tenir aux côtés du Liban. Dans le même temps, j’ai demandé aux États arabes frères –notamment l’Arabie saoudite– (d’aider le Liban). Je demande à nouveau, via votre chaîne, au prince héritier Mohammed Bin Salmane de se pencher sur la situation du peuple libanais. Ne laissez pas tout le peuple libanais ramper (abjectement) à cause de l’économie et de la crise du dollar juste pour combattre le Hezbollah et ses armes. Nous avons tous faim. Nous sommes tous humiliés aujourd’hui. Si vous avez un problème avec le Hezbollah et ses armes, mettez ce problème de côté. Nous ne parlons pas de politique en ce moment. Nous parlons du choix moral à faire, du choix humain à faire. Il est inacceptable que le peuple libanais soit plus humilié que cela dans les stations-service. Nous avons cinquante martyrs.
Journaliste : Vous parlez de la (récente) (explosion) de Akkar ?
Maalouf : Oui. Comment (appelons-nous) les niveaux (extrêmement bas) de diesel et d’essence (disponibles dans le pays) et le monopole (de ces produits) ? Comment (appelons-nous) la contrebande de diesel et d’essence vers la Syrie ? Ne s’agit-il pas de sanctions ? Le gouverneur de la Banque centrale du Liban n’est-il pas lui-même une (forme majeure de) sanctions contre le Liban ? Il dirige le pays depuis 26 ans. Où est l’argent du peuple ? Où est l’argent de (tous ces Libanais) qui ont déposé leur argent (dans les banques) ? Où est l’argent du peuple gagné à la sueur de son front ? Où est leur sauvetage ? Où est passé l’argent ? Nous avons payé 860 millions de dollars, en juillet seulement, pour subventionner le pétrole, pour soutenir les courtiers, les voleurs et les malfrats dans ce pays. Ne pouvaient-ils pas construire une centrale électrique avec tout cet argent ?
Journaliste : Monsieur Cesar, concernant la position des Etats frères arabes et des Etats-Unis d’Amérique, pourquoi, à votre avis, n’ont-ils pas apporté une aide au Liban semblable à celle fournie par l’Iran tout au long de la crise ? Nous parlons d’une crise qui a commencé il y a au moins un an.
Maalouf : Je ne sais pas pourquoi ils n’aident pas le Liban. Ils nous aident depuis cent ans. Je remercie les États arabes pour tout ce qu’ils ont donné au Liban. Aidez le Liban. Soutenez l’armée libanaise. Vous dites que vous êtes contre les armes du Hezbollah. Soutenez et armez l’armée libanaise, pour que les armes du Hezbollah deviennent inutiles. Envoyez-nous du carburant. Votre carburant est (essentiellement) gratuit. Pourquoi n’envoyez-vous pas de carburant au peuple libanais ? Je ne dis pas que les sunnites envoient du pétrole aux sunnites, les chrétiens aux chrétiens ou l’Iran aux chiites. Je soutiens toute aide inconditionnelle qui est offerte à tout le peuple libanais. Quel est le problème avec ça ?
Journaliste : Il a également été question de la possibilité d’importer des médicaments d’Iran, car il y a une crise en ce qui concerne les médicaments au Liban. Si cette étape était franchie, quel serait votre commentaire à ce sujet ? L’accueilleriez-vous favorablement ?
Maalouf : S’ils veulent envoyer des médicaments d’Iran au Liban, ils ne disent pas au peuple libanais que ce seront les seuls médicaments (autorisés dans le pays). Quiconque veut acheter des médicaments iraniens, qu’il en achète ; et quiconque ne veut pas, alors il est libre de ne pas le faire. Si le prix des médicaments iraniens est d’un dollar et que le prix des médicaments européens est de 30 dollars, et que les gens n’ont plus beaucoup d’argent, ils achèteront (bien sûr) des médicaments iraniens. Ils les achèteront volontairement, personne ne les y obligera. De même pour le diesel qui viendra d’Iran. Quiconque veut en acheter à un prix inférieur pour l’utiliser peut le faire, et ceux qui ne veulent pas pourront acheter du carburant américain ! Personne ne les empêchera de le faire. Cependant, quand nous n’avons pas de diesel, pas de médicaments, pas d’oxygène, pas d’agriculture, pas de (secteur) de production, pas d’hôpitaux, pas de générateurs, pas d’électricité, pas d’écoles, ni de bus sur la route, nous n’avons pas de vie ! Carburant, énergie et pétrole (aujourd’hui) égalent la vie. Les médicaments sont aussi un (élément central aujourd’hui) de la vie et de la dignité de l’homme. Je ne peux que me ranger du côté de la dignité humaine. Qu’est-ce que l’autre côté (politique) a fait à part se tenir debout et regarder (cette crise aller de mal en pis) ? Qu’est-ce que vous regardez? (Regardez-vous) votre peuple mourir (impassiblement, sans rien faire pour le sauver) ?
Journaliste : Alors, que pensez-vous de l’initiative de l’ambassadrice américaine (au Liban). Dans une déclaration précédente, vous avez dit que nous voulions d’abord que l’ambassadrice nous autorise à extraire du pétrole et du gaz du Liban (c’est-à-dire au large de la mer Méditerranée). Comment l’ambassade américaine nous empêche-t-elle d’extraire du pétrole et du gaz du Liban ? Et comment interprétez-vous son initiative d’hier suite au discours du Secrétaire général du Hezbollah, Sayed Hassan Nasrallah ?
Maalouf : Tout d’abord, je lui dis que c’est trop tard. Elle aurait dû soutenir le Liban bien avant cela. Le Liban coule depuis un moment. Le Liban coule depuis la « révolution du 17 octobre » (en 2019). La compagnie (pétrolière) Total menait des études prospectives pour le pétrole du bloc n° 4. Qui a donné l’ordre à Total de s’arrêter et de quitter le Liban sous prétexte qu’il n’y a pas de gaz dans les (eaux territoriales) du Liban ? Qui a dit (à l’ambassadrice américaine) qu’il n’y avait pas de gaz au Liban ? Comment y aurait-il du gaz à Chypre, en Syrie et en Turquie, mais pas au Liban ? Le Liban et ces États sont sur la même ligne (géographique). Ils nous mettent la pression. Ils imposent des sanctions contre le Liban pour nous faire mourir de faim, nous humilier et nous mettre à genoux. Je ne sais pas ce qu’ils veulent de nous.
Je veux utiliser votre chaîne pour dire quelque chose aux États-Unis, à la France –la « tendre mère du Liban »– et à tous les États. Si ce que vous voulez, c’est la naturalisation des Palestiniens au Liban, je vous le dis : vous n’y arriverez jamais. Nous nous mettrons à genoux et mourrons de faim, mais nous ne naturaliserons jamais les Palestiniens au Liban. Les Palestiniens ont le droit de retourner dans leur pays. Aux (Etats) qui (offrent) de payer 6 milliards de dollars pour naturaliser les (Palestiniens) au Liban je dis : « Nous vous donnerons 6 milliards de dollars pour que vous les emmeniez dans votre propre pays. »
Journaliste : Vous parlez de la crise comme si elle était artificielle et intentionnelle, comme s’il y avait une politique délibérée visant à entraîner le Liban dans cette situation économique. Quelle est la prochaine étape ?
Maalouf : Ils veulent le chaos et la guerre civile.
Journaliste : Qui veut entraîner le Liban dans le chaos ? Qui veut y parvenir en créant cette crise ?
Maalouf : Les ennemis du Liban sont nombreux et ses amis aussi. Dans cette crise, nous pouvons distinguer l’ennemi de l’ami.
Journaliste : Qui est l’ami et qui est l’ennemi dans cette crise, monsieur César ?
Maalouf : Celui qui aide le Liban est l’ami, et celui qui ne l’aide pas est l’ennemi. Que le peuple libanais soit juge en la matière. À certains de ceux sur Twitter qui m’ont attaqué et ont dit que je quittais le navire (c’est-à-dire que je changeais de camp politique et d’allégeance). Je ne quitte pas le navire. Ma position est claire. Je suis indépendant. Je suis un patriote fort. Quiconque veut prendre une leçon de patriotisme peut venir me voir.
Journaliste : Mais votre position est différente de celle du bloc dont vous êtes membre, c’est-à-dire le bloc qui représente les Forces Libanaises au Parlement. Par conséquent, est-il possible que votre siège parlementaire et votre avenir politique soient affectés à cause de vos déclarations/positions ?
Maalouf : Mon avenir n’est (pas plus important que) la souffrance des gens. Mon avenir est (de sécuriser) le lait pour bébé. Mon avenir n’est pas de voir le peuple libanais se faire humilier dans les stations-service et risquer la mort dans les hôpitaux. C’est mon avenir. Mon avenir n’est pas (d’obtenir) un siège parlementaire. Je ne mendie pas le siège parlementaire de qui que ce soit. Mon avenir n’est pas de voir mes enfants se faire humilier, ou ne pas pouvoir apprendre. Ce n’est pas de les voir demander des visas pour émigrer du Liban. Mon avenir est l’avenir des générations libanaises. Mon avenir n’est pas de devenir député (libanais). Ce siège n’a aucune valeur (intrinsèque) pour moi. Ça ne change rien. La dignité humaine est la chose la plus importante pour moi.
Journaliste : Une dernière question, M. Cesar. Accueillez-vous de futures initiatives, similaires à la décision iranienne ?
Maalouf : Je demande à tous les États de la communauté arabe et internationale d’aider le peuple libanais, car nous ne pouvons plus gérer cette situation. Quiconque enverra de l’aide, qu’il soit saoudien, iranien, émirati, français ou américain, je serai le premier à saluer cette aide au peuple libanais qui en est arrivé là à cause de cette classe politique corrompue qui dirige le Liban depuis 30 ans. […]
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