DAVID LYNCH EST UN RÉALISATEUR QUI NE LAISSE PAS DE MARBRE. CERTAINS L’ÉRIGENT TEL UN DIEU DE LA RÉALISATION ET DU CINÉMA INDÉPENDANT TANDIS QUE LES LANGUES DES AUTRES NE SE DÉLIENT RIEN QU’EN EN ENTENDANT PARLER.
IL FAUT DIRE QUE CELA EST PLUS QUE NORMAL À LA VISION DE SA CINÉMATOGRAPHIE. DU GRANDILOQUANT ERASERHEAD AU PLUS INTIMISTE UNE HISTOIRE VRAIE, LE CINÉMA DE LYNCH POSE DES QUESTIONS. ET CES QUES- TIONS SONT DE CELLES QUI SONT INCESSANTES. ENTRE LA QUESTION DU RÊVE ET LA RÉALITÉ DU RÊVE AMÉRICAIN, CHEZ LYNCH, IL N’Y A QU’UN PAS. C’EST À TRAVERS SES PREMIÈRE INCUR SIONS QU’ON PEUT LE COMPRENDRE MAIS AUSSI SE PERDRE DANS LES MÉANDRES DE SES RÉFLEXIONS.
UN FILM LYNCHIEN N’EST PAS FORCÉMENT UN FILM SANS RÉPONSES, MAIS TOUS DEMANDENT À INTÉGRER CE QUI EST AU PLUS PROFOND DE NOUS-MÊME QUE CELA SOIT LE RÊVE, NOTRE RÉALITÉ OU NOS DÉMONS.
DU REVE AMERICAIN AU CAUCHEMARD SOCIETAL.
Pour comprendre Lynch il faut tout d’abord pren- dre en compte la période et le domaine sociétal dans lequel le récit prend essor. Dans tous les films de Lynch, l’histoire est engendrée par la relation sociétale qu’ont les personnages. Ces rela- tions sont par ailleurs soit celles de la famille, soit celles d’un emploi encore inconnu. Dans Blue Vel- vet par exemple, on met en exergue la différence familiale entre les deux personnages principaux. Le personnage de Laura Dern représente la famille du american way of life parfaite (père flic, mère au foyer) en face de la famille de Kyle Maclachlan qui part en fumée, dont le père qui donne la première entrée réelle dans le rêve pour le personnage. En effet, comme nous le verrons plus tard, il y a déjà des premières symboliques du rêve dans le film, mais sans la visite du personnage au chevet du père, il n’y aurait pas la découverte de l’oreille, ni le phénomène d’horreur imperceptible vu sur son visage lors de cette même visite. La même chose apparait par exemple dans Sailor et Lula avec la relation entre la mère de Lula et le couple.
La symbiose ou la non-symbiose du domaine familial est donc un réel point de départ au rêve dans les films de David Lynch.
L’autre domaine de départ est donc la découverte d’un nouvel emploi. C’est l’exemple même de Mullholand drive, Inland Empire et à quelque embranchement près d’Elephant man (découverte de l’hôpital, qui est aussi celle du nouveau père à travers le personnage du docteur Treves). Le départ de Mullholand Drive est le plus facile à prendre en compte. Betty part pour Hollywood afin de débuter son travail en tant qu’actrice. Elle quitte sa famille vers une carrière. Sa famille y croit, mais pour elle la question est autre. C’est à son arrivée dans la ville des étoiles qu’une crise identitaire et que son doppelganger Rita apparaissent dans la psychologie du personnage.
Ces deux phénomènes sociaux comme point de dé- part des films de Lynch sont très représentatifs du thème réel de ses films. Ici, les deux codes principaux qui représentent tout individu dans le sens social pour les Etats Unis entrent en décomposition. La valeur de la famille et du travail étant le synonyme du système même de l’american way of life. La formule de l’illusion entre dans chacun par ce rêve américain. C’est là que le rêve aussi permet une critique d’un système qui finit par subordonner ses citoyens à force de trop persister dans ce qui a le devoir d’être parfait.
QUI SOMMES-NOUS ?
Le cinéma de Lynch pose une question qui est propre à toute personnes : qui sommes-nous réellement ? Toutes les perspectives comportementales des personnages sont revues à travers différents niveau dans le cinéma de Lynch. Ils sont tous liés à différentes entités entre chaque film ou entre différents personnages du même film. C’est un des penchants des films de Lynch qui donne à réfléchir sur l’idée du rêve. Qui sommes-nous réellement, une personne à proprement parler ou un mélange entre le réel et notre entité rêvée.
Le cinéma de Lynch est donc tiraillé entre différentes personnes qui ne se connaissent pas. Ils sont à demi rêvés et à demi réels. Le tout est de savoir qui est l‘originel et qui est le doppelganger. Mais l’autre question est de savoir qui est le rêveur ? Car dans certains films de Lynch il y a parfois un personnage principal (le rêveur) face à deux extrêmes idéalisés. C’est le cas par exemple dans Blue Velvet. Le rêveur ou personnage principal est bien évidemment celui de Jeffrey, mais il est tiraillé entre deux entités qui représente l’idéalisation de la femme : le personnage de Dorothy et celui de Sandy. Ces deux femmes sont typiquement l’une à l’encontre de l’autre. Celui de Dorothy représente la femme qui s’autodétruit et dont il faut prendre soin, qui peut partir très loin dans la sexualisation, la pulsion et le passionnel, toujours tiraillée de toute part dans ce qu’elle représente pour elle-même. Est-elle une femme accomplie ou une mère qui ne s’assume pas et se détourne de ses responsabilités ? A l’inverse Sandy représente la femme jeune qui aide toujours les autres et qui a une vie qui n’est pas encore arrêtée, loin de toutes responsabilités réelles. Celle qui est encore jeune et en devenir.
Le fait que Jeffrey se retrouve entre ces deux personnages n’est pas anodin, il est dans la période où il doit prendre des responsabilités et doit faire face entre deux avenirs, son père mourant étant le dernier rempart entre sa vie d’adulte et son enfance. Est-il le personnage qui doit prendre soin de ses tantes et de sa mère, où aura-t-il à se construire seul sans regarder en arrière ? L’image de l’oiseau qui mange le scarabée à la fin étant probablement une réponse concrète.
Le personnage à doppleganger est l’autre type de vision de Lynch. Une majorité de ses films en proposent que cela soit dans Lost Highway avec le personnage de Fred Madison couplé avec celui de Pete Dayton ou le double personnage joué par Patricia Arquette. Dans Sailor et Lula, c’est le personnage de la mère de Lula face au personnage de la fée du magicien d’oz d’où sort la question « quelle image donner au futur enfant de Lula ?» (rappelons qu’elle tombe enceinte au milieu du film et qu’il y a une question de la responsabi- lité tout au long de celui-ci pour Lula). La même chose est aussi visible dans Elephant man avec
la double image du père : le personnage du doc- teur Frederick Treves versus celui de Bytes, ou bien encore Mullohland drive entre Betty et Diane ou Rita et Camilla. Enfin, toute la base d’Inland Empire est la question du doppleganger mélangé à celle du rêve. Mais le plus important est de mettre cela en perspective face à Twin Peaks.
En effet, Twin peaks est une série truffée de Dopplegangers, de personnages doubles et d’images du rêveur face à l’être rêvé. De plus, la troisième saison renvoie à toute la filmographie de David Lynch et à tous ses personnages. La question étant de savoir qui est le premier rêveur (je ne répondrais pas à la question, l’idée est aussi de découvrir ou redécouvrir Lynch et de se faire sa propre idée de son symbolisme, avec des questions pour aider à comprendre le tout dans une forme de base.) Mais pour donner un exemple le personnage de Kyle Maclachlan. Dans Blue velvet, il est celui qui recherche des réponses, dans Twin peaks il représente celui qui tente de les trouver. Le plus intriguant étant le personnage
de Laura Dern, après Blue velvet, Sailor et Lula et Inland empire, il n’est pas inintéressant de la voir apparaitre dans un rôle majeur. Surtout dans sa relation avec le personnage de Kyle Maclachlan. Elle est encore ici le personnage mystère, la femme qui est liée à l’agent Dale Cooper. Elle est dédoublée comme lui, et il lui parle tout le temps. On peut voir donc Twin Peaks comme une sorte de suite à Blue Velvet si on y regarde de plus près. Twin peaks se transforme alors, lors de la saison 3, en une sorte de symbiose qui a fait toute l’œuvre de Lynch. C’est à travers cela qu’il est donc possible de faire une lumière dans l’œuvre général de David Lynch.
SYMBOLISME TOTAL
L’œuvre de Lynch est tout entièrement tournée vers le monde du rêve en rapport avec une once de réel. Il faut alors prendre en compte tout ce qui touche au symbolisme et aux petits détails que cela soit le son ou les objets, voir les com- portements des personnages.
Le cinéma de Lynch détient des détails tous droits sortis du film noir qui l’a inspiré tel que l’idée des clés que l’on peut retrouver dans le Rebecca d’Hitchcock. L’idée des boites est aussi très utilisée par ailleurs dans le film noir et celui
de Lynch. (cf. Mullholand drive avec la boite bleue et la clé triangulaire) ou bien encore dans Blue Velvet avec la phrase prononcée par Sandy : « J’ai les clefs, en espérant qu’elles ouvrent bien la porte. ». On sait que cela concerne la porte de Dorothy Valens, mais on peut aussi se demander si ce n’est pas celle qui permet de rentrer de l’autre côté de la réalité.
Mais le plus important vient de la symbolique du rêve. Certains symboles sont faciles à entrevoir comme celui de la rose bleue dans Fire walk with me qui symbolise l’impossible. D’autres sont plus complexe et peuvent par exemple provenir du son, comme dans les séquences de la black lodge. Ils peuvent provenir aussi de l’ordre du psychanalytique et ont leur explication entre un film et un autre. C’est l’exemple même d’Eraserhead avec le bébé difforme dans un monde pollué et sans avenir dont on retrouve la symbolique même avec la bombe h perçu dans l’épisode 8 de la saison 3 de Twin Peaks « got a light ? » avec une question de la difformité transformée comme peur pour un père en devenir. (N’oublions pas que pendant la création d’Eraserhead, Lynch attendait son 1er enfant, et qu’il devait donc y penser souvent…)
Enfin, le mo tage permet de faire une embardée dans le rêve et veut montrer certaines choses, comme les phénomènes de disparition que l’on trouve dans Eraserhead lorsque l’on vapeur ou entre dans le radiateur avec de la avec les échanges de personnage par le phénomène de flash dans Lost Highway.
Tout dans David Lynch devient alors un phénomène de motif et de réflexions sur le rêve. Mais pour expliquer cela, il suffit de prendre une séquence et de la décortiquer. Pour cela, et pour conclure, nous pouvons évoquer le début de Blue Velvet , à la lecture symbolique riche. En effet, la mise en scène de l’accident du père du héros dans un quotidien paisible, vitrine idéale du rêve américain donne le ton. Les roses, qui symbolisent l’amour et la quête, les pompiers pour évoquer le feu, la pression dans le tuyau d’arrosage, le chien agressif renvoient à une mythologie lynchienne reconnaissable d’un film à l’autre. Jeffrey, le protagoniste, va alors subir une métamorphose, figurée par les scarabées : nous le voyons une première fois passer par un chemin, jetant une pierre comme le ferait un enfant, pour se rendre au chevet de son père. A son retour, il jette à nouveau une pierre sur le cabanon, mais ayant alors remarqué l’environnement attenant, il trouve alors une oreille coupée et prend conscience de sa responsabilité dans cette découverte; c’est aussi le moment où l’intrigue du film, l’enquête, commence, En quelques minutes Lynch nous fait passer du quotidien au drame, de l’enfance à l’âge adulte, dû rêve au cauchemar, et pose le thème sous-jacent de son film.
A travers ces petits points pour aborder les films de Lynch, on peut alors découvrir que son cinéma joue avec les codes et marche tel une énigme. Ses films sont pour ainsi dire compréhensibles, mais ils demandent au spectateur de devenir enquêteur et de participer au chemin initiatique créé par le réalisateur. Pour comprendre ces films il faut jouer le jeu et aimer deviner quelles sont réellement les questions, mais aussi qui est le rêveur et comment discerner le rêve de la réalité.
Lula Blume
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