Il y a vingt ans, une série d’événements allaient précipiter un processus extraordinaire et irréversible qui allait aboutir à un basculement du monde et la fin d’un empire et de l’effondrement civilisationnel en cours en 2021.
À la veille du onze septembre 2001, des opérations plus ou moins secrètes préparaient le terrain à une intervention militaire dans des pays soigneusement ciblés. Parmi ces opérations, l’assassinat de Ahmed Shah Massoud en Afghanistan, le leader de Jamiat-Islami et un des héros des moudjahidines afghans durant la Guerre contre les Soviétiques, demeure l’une des plus mystérieuses à ce jour.
L’Assassinat, le 09 septembre 2001, de Ahmed Shah Massoud, l’ex-ministre de la défense afghan sous la présidence de Burhanuddine Rabbani, est toujours un mystère savamment entretenu par la partie qui a commandité son élimination.
Qui a assassiné Ahmed Shah Massoud?
La version officielle, totalement erronée, met en avant la thèse de l’attentat suicide commis par deux faux journalistes belges d’origine tunisienne. Selon cette thèse, le faux journaliste Rachid Bouraoui el-Ouaer actionne la ceinture de TNT qu’il portait sur l’abdomen au moment où il s’apprête à interviewer le Commandant Massoud. L’explosion est assez forte pour tuer l’auteur de l’attentat, son complice Dahmane Abdesettar et blesse grièvement celui qui fut surnommé le lion du Panchir au visage et à la tête. Ce dernier décède peu de temps après l’attentat qui fut attribué à Al-Qaïda.
En réalité, l’opération aurait été commaditée à Londres puisque les deux exécutants avaient été recommandés à Massoud par un bureau de liaison britannique de l’action islamique, un des nombreux relais-nébuleuses de la jonction entre les services secrets britanniques et la mouvance islamiste militante financée par de riches “mécènes” de pays du Golfe. La confiance absolue de Ahmed Shah Massoud vis-à-vis des français qui l’entouraient (des éléments des forces spéciales françaises entraînaient ses forces) avait déterminé un mode d’action assez simple en apparence mais presque surréaliste s’agissant de la réalité afghane. Les deux missionnaires se sont fait passer pour des français et disposaient d’une caméra de France 3 Isère, que l’on suppose avoir été volée en France. Les deux faux journalistes portaient de faux vrais passeports belges et vivaient à Bruxelles. Ils ont été identifiés comme d’origine tunisienne mais rien n’est moins sûr et une note confidentielle des services spéciaux pakistanais les décrits comme des ressortissants marocains disposant de la nationalité belge et se faisant passer pour des tunisiens, une pratique courante selon la même note. Si le patronyme de l’un des deux kamikazes indique une probable origine tunisienne, celui du second est assez générique et fréquente au Maroc. C’est la caméra TV de France 3 qui était piégée au Semtex 10 ( au lieu du TNT) et non pas l’un des kamikazes mentionnées. Dans tous les cas de figures et selon les témoignages des proches du Commandant Massoud, celui-ci croyait jusqu’à sa mort qu’il avait eu affaire avec des journalistes d’une télévision française et était loin de se douter d’un traquenard.
L’utilisation des vecteurs humains vivant en Europe et le mode opératoire ne sont pas une nouveauté. Certains analystes mettent en doute une participation active des deux faux journalistes en soulignant que la caméra qu’ils portaient avec eux avait été piégée au plastique à leur insu et qu’ils étaient loin de se douter qu’une mission assez simple pour laquelle on leur avait promis une gratification pécunière importante pouvait inclure un piège mortel. Vingt ans après cet attentat, on ne dispose d’aucun élément d’information probant ou décisif permettant de le prouver ou pas. Ce qui est certain est que sous couvert d’Al-Qaïda, une organisation alors mal connue mais existant sous la forme d’un bureau de liaison au Pakistan depuis 1989, les services spéciaux britanniques, français et belges ne pouvaient ne pas être impliqués à un degré ou un autre dans l’opération ayant abouti à l’élimination du Commandant Massoud et la redistribution de l’ensemble des cartes politiques et des rapports de force en Afghanistan à la veille d’un événement spectaculaire qui allait secouer le sol des États-Unis et manipuler l’opinion mondiale en faveur d’une campagne majeure d’une guerre sans fin contre un ennemi fabriqué de toutes pièces pour justifier le fonctionnement optimal d’une machine de guerre et tout l’écosystème économique qui l’accompagne.
Une note de conjoncture rédigée à l’époque par un diplomate chinois en poste à Islamabad s’était penchée sur l’approche dépassée de son pays à l’égard de la sous-traitance des services de renseignement européens et arabes au service de la communauté du renseignement US et l’infiltration ( 渗透 dans le texte) de l’immense machine américaine par une organisation ou un réseau transnational que les analystes chinois de l’époque répugnaient à définir clairement tout en l’assimilant à une sorte de mafia financière ayant une influence déterminante sur l’élaboration et la prise de décision dans l’ensemble des pays dits occidentaux. Quoi qu’il en soit, un des éléments dégagés par les chinois est que ce réseau profondément lié à la criminalité transnationale et au trafic international des narcotiques avait décidé d’utiliser le militantisme islamiste postmoderne en tant que puissant outil d’action stratégique après le retrait soviétique d’Afghanistan en mars 1989 et l’effondrement de l’URSS en 1991. Le concept de “chien de guerre de l’Empire” n’allait pas tarder à apparaître la décennie suivante.
Ainsi, la narration “occidentale” de l’assassinat de Ahmed Shah Massoud, l’homme qui repoussa sept assauts soviétiques sur la vallée du Panchir, attribue son assassinat à Al-Qaïda que les événements du 11 septembre 2001 à New York et Washington allait vulgariser au monde entier en tant que nouvel ennemi du monde dit libre. Les analyses pakistanaise et chinoise attribuent l’assassinat du Commandant Massoud à ceux qui ne cessent de l’ensencer à titre posthume comme le feraient des mafieux pleurant l’une de leurs victimes dans des funérailles auxquels ils tiennent à assister. Cette approche basée sur la Realpolitik pure était jusqu’ici méconnue et classée comme une théorie du complot par les gardiens du temple de la manipulation universelle. La reprise du pouvoir par les Taliban d’Afghanistan après vingt ans de conflit désastreux qui vient de s’achever par une humiliation sans précédent de l’Empire met à nouveau le fantôme de Ahmed Shah Massoud sur le devant de la scène afghane puisque son fils fait l’objet d’une manipulation et médiatisation croissantes par les services spéciaux occidentaux afin de créer un front armé contre le nouveau pouvoir épousant les mêmes contours de l’ancienne alliance du Nord avant l’intervention US en Afghanistan. Un cercle vicieux que les pays voisins de l’Afghanistan veulent éviter cette fois en adoptant une approche disruptive et excluant la violence armée et en amortissant le dépouillement des avoirs financiers de ce pays par les mêmes pays qui y ont envoyé des contingents sous couvert d’assistance et de stabilité à un gouvernement fantoche justifiant une corruption monstrueuse qui bénéficiait en premier lieu aux faiseurs de guerres. Un fonds de commerce qui n’est plus rentable aujourd’hui car l’instabilité, le déclin et les troubles tout comme la tyrannie ont atteint les territoires de l’Empire.
Le fantôme de Massoud l’Afghan jettera pour toujours une ombre sur le putsch systémique du 11/09/2001 qui a provoqué le début de l’effondrement d’un empire qui croyait pouvoir faire perdurer son hégémonie jusqu’en 2120.
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