Les chefs d’opposition ne pardonnent pas à Justin Trudeau d’avoir déclenché une campagne électorale en pleine pandémie et ont attaqué ses motivations du début à la fin de la première joute électorale en français, jeudi soir.
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Le premier ministre sortant s’est retrouvé jeudi au milieu d’un tir groupé et d’échanges corsés avec ses opposants lors du Face-à-Face de TVA.
Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh a souligné qu’une élection maintenant était « inutile », puisque le « parlement fonctionnait », a renchéri le bloquiste Yves-François Blanchet.
Pour le chef conservateur Erin O’Toole, cette campagne démontre que le premier ministre sortant place « ses intérêts avant les intérêts des Canadiens ».
Mais M. Trudeau a répété que « la réalité, c’est qu’on est en train de prendre des décisions maintenant […] on doit donner le choix aux Canadiens ».
Plus tard, il n’a pas écarté une nouvelle élection dans 18 mois si un autre gouvernement minoritaire sortait des urnes.
« Que cette question occupe encore une place aussi importante à mi-campagne est un bien mauvais signe pour M. Trudeau », souligne le constitutionnaliste Patrick Taillon, professeur à l’Université Laval, à Québec.
Les quatre chefs ont ensuite affiché leurs couleurs sur la santé, les CHSLD, les garderies, le logement, la laïcité, le français, l’environnement, etc. Pour chacun de ces enjeux, les compétences du Québec étaient au centre du débat.
À ce sujet, M. O’Toole a plusieurs fois évoqué son « plan » et son « contrat » pour le Québec sans préciser ce qu’ils contenaient.
Les vaccins de la discorde
Le ton est monté sur la question de la vaccination obligatoire, alors que M. Trudeau est la cible de manifestations violentes de la part d’anti-vaccins depuis le début de la campagne.
« La pandémie, elle pourrait être finie, a dit le chef libéral. C’est un 20 % qui est en train de refuser ou d’hésiter à être vacciné, c’est à eux qu’il faut s’adresser ».
« On doit éduquer, pas forcer les Canadiens », a soutenu M. O’Toole.
Ce dernier a aussi dû s’expliquer sur les garderies, refusant de dire s’il annulerait les 6 milliards $ que le gouvernement sortant s’est engagé à verser à Québec, sans condition, pour le financement de nouvelles places.
Le chef bloquiste a souligné que cette somme est « absolument essentielle et due au Québec ». Mais M. O’Toole propose plutôt de verser des aides directes aux familles.
Nuançant les promesses libérales, M. Singh a plusieurs fois rappelé que l’équipe Trudeau est au pouvoir depuis six ans.
Erin O’Toole
« Tout le temps [M. Trudeau] va s’ingérer dans les champs de compétence [provinciale]. Ce n’est pas un exemple de partenaire, c’est un exemple de paternalisme. »
« M. [Brian] Mulroney était le dernier premier ministre à moderniser [la Loi sur les langues officielles], et je serai le prochain [à le faire] parce que c’est important, c’est la langue de travail au Québec. Point final. »
« [Je vais augmenter de manière historique les transferts en santé] parce que contrairement à M. Trudeau, je fais confiance au gouvernement du Québec sur leurs propres compétences. »
Justin Trudeau
« Vous [M. O’Toole] n’avez pas chiffré votre plateforme, ce n’est pas sérieux votre approche. »
« Les francophones, oui, sont majoritaires au Québec, mais c’est aussi une minorité [au Canada]. Et c’est pour ça qu’on a reconnu l’importance de protéger le français au Québec et ailleurs au pays. »
« Moi, j’ai démontré que oui, on peut fonctionner [ensemble] pour faire de grandes choses pendant une pandémie, mais nous avons besoin d’un mandat clair, pas juste pour un gouvernement, mais au Parlement pour comprendre ce que les Canadiens veulent pour les prochaines années. »
- Écoutez La Rencontre Lisée-Mulcair à l’émission de Richard Martineau sur QUB radio:
Jagmeet Singh
« On a toujours dit qu’on était contre le Québec bashing. On a toujours dit que cette sorte de discrimination était mauvaise et inacceptable. Et honnêtement, c’est désespéré ce qu’il [M. Blanchet] fait. […] On sait que les Québécois et les Québécoises et les francophones ont subi de la discrimination dans le passé. »
« Vous [M. Trudeau] avez eu six ans pour faire ça [faire payer les géants du web et les ultrariches]. Si vous avez vraiment voulu le faire, pourquoi ne l’avez-vous pas fait dans ces six ans ? »
« Ce qu’on voit ici [M. Trudeau et M. O’Toole] : blanc bonnet, bonnet blanc. »
Yves-François Blanchet
« Si vous êtes encore minoritaire [M. Trudeau], vous allez avoir l’air de quoi ? »
« On connaît tous des gens qui nous disent : “ écoutez, s’il n’y avait pas de PCRE, je retournerais travailler”. […] La relation à l’argent du NPD procède vraiment de la pensée magique. »
« Nous avons un plan” [comme le répète M. O’Toole] est le nouveau “Nous sommes prêts” de Jean Charest. »
Les notes de nos chroniqueurs
| Guillaume St-Pierre | Josée Legault | Mario Dumont | Antoine Robitaille | Thomas Mulcair | Moyenne totale |
Justin Trudeau, PLC | 70 % | 75 % | 75 % | 59 % | 84 % | 72,6 % |
Jagmeet Singh, NPD | 55 % | 60 % | 65 % | 74 % | 78 % | 66,4 % |
Yves-François Blanchet, BQ | 80 % | 80 % | 80 % | 80 % | 75 % | 79 % |
Erin O’Toole, PCC | 70 % | 65 % | 75 % | 81 % | 86 % | 75,4 % |
Le Face-à-Face minute par minute:
Premier thème: La pandémie
«On ne forcera pas personne, mais on va limiter les privilèges de ceux qui ne veulent pas se faire vacciner», dit Justin Trudeau, questionné sur la vaccination obligatoire.
«L’élection est importante parce que c’est maintenant que les décisions se prennent», répond Justin Trudeau à une question d’Yves-François Blanchet sur la pertinence du déclenchement d’une élection.
«Un document fédéral, ça va aider les gens à voyager à travers le pays», affirme Jagmeet Singh à propos de la proposition du NPD de mettre en place un passeport vaccinal à l’échelle nationale.
«C’est très important d’avoir les tests de dépistage. J’encourage la vaccination, bien sûr, mais on doit trouver une accommodation raisonnable», soutient Erin O’Toole.
«80% des Canadiens ont fait leur part et on est en train de dire que parce que 20% ne le sont pas, on ne peut pas avoir de démocratie?», dit Justin Trudeau attaqué sur sa décision de déclencher une élection en pandémie.
«Pourquoi vous avez déclenché une élection en pleine 4e vague avec des feux de forêt et la situation sur le terrain en Afghanistan», demande Erin O’Toole à Justin Trudeau qui, selon le chef conservateur, n’avait pas répondu à la même question posée par Yves-François Blanchet.
«On doit créer des emplois dans toutes les régions, aider les PME les plus touchées par la pandémie et arrêter les dépenses sans limites parce qu’il y a une crise du coût de la vie à cause de l’inflation de M. Trudeau», lance Erin O’Toole, questionné sur la manière dont il compte arriver à un équilibre budgétaire.
«C’est une drôle de lecture de l’économie. Est-ce que quelqu’un est au courant qu’on est en pénurie de main d’oeuvre?», réagit Yves-François Blanchet à la déclaration d’Erin O’Toole.
«Tout le monde a l’air de suggérer que si c’est Ottawa qui décide des normes, c’est meilleur. Que si c’est canadien c’est meilleur que québécois», déplore Yves-François Blanchet lorsqu’on lui demande ce qu’il pense de l’hécatombe vécue dans les CHSLD en début de pandémie.
«La situation est inacceptable et l’était à travers le pays. […] On va être partenaire avec les province.», assure quant à lui Justin Trudeau.
«On veut éliminer les profits dans les systèmes de longue durée. Les pires conditions sont survenues dans les centres à but lucratif», dénonce Jagmeet Singh.
«La situation en CHSLD était très triste. Je suis le premier chef à avoir proposé d’utiliser les Forces armées. Je vais être partenaire et augmenter les transferts en santé à 60 milliards de dollars dans les 10 prochaines années sans condition et je vais toujours respecter les champs de compétence», assure de son côté Erin O’Toole.
Yves-François Blanchet accuse Justin Trudeau de créer deux catégories d’aînés, une de 65 ans à 75 ans et une de 75 ans et plus.
Deuxième thème: Les politiques sociales
Yves-Fançois Blanchet vante le modèle de CPE mis en place par Pauline Marois avant de questionner Erin O’Toole sur sa position concernant les services de garde.
«On va aider les familles québécoises, on a un plan pour toutes les familles québécoises», assure Erin O’Toole.
«Les Québécois savent très bien que je ne suis pas d’accord avec ce projet de loi, mais les québécois sont eux-mêmes en train de défendre leur droit devant les tribunaux», affirme Justin Trudeau au sujet su projet de loi 21.
«Les Québécois ne sont pas racistes», déclare Yves-François Blanchet en demandant à Justin Trudeau de ne pas aller devant la justice pour contester le projet de loi.
«On est contre le Québec bashing. C’est désespéré ce qu’[Yves-François Blancher] fait. On sait que les Québécois et les francophones ont fait face à la discrimination systémique dans le passé», répond Jagmeet Singh, attaqué par le chef du Bloc québécois.
Yves-François Blanchet demande à Jagmeet Singh de s’excuser d’avoir traité Alain Therrien, député du Bloc québécois, de raciste en chambre.
Les quatre chefs vantent l’importance de la langue française au Canada et s’engagent à défendre la langue.
«On doit avoir une tolérance zéro pour le harcèlement et les agressions sexuelles, affirme Erin O’Toole questionné sur les cas d’inconduite sexuelle dans l’armée.
«Ce n’est pas aux politiciens de s’ingérer dans les processus de plainte qui doivent être suivis de façon rigoureuse», répond Justin Trudeau, attaqué par Erin O’Toole sur son inaction concernant les cas d’inconduite sexuelle dans l’armée.
«Vous avez donné une augmentation de salaire au général Vance après les allégations, avez-vous un regret ?», demande Erin O’Toole à Justin Trudeau.
«On a suivi les étapes dans le processus», répond le chef du Parti libéral du Canada.
Troisième thème: Le Canada de demain
Jagmeet Singh affirme que ce sont les néo-démocrates qui ont poussé les libéraux à mettre en place plusieurs mesures d’aide lors de la pandémie.
En réponse, Justin Trudeau l’accuse de s’approprier les réalisations des libéraux.
«On peut fonctionner pour faire de grandes choses pendant la pandémie, mais nous avons besoin d’un mandat clair pour comprendre ce que les Canadiens veulent dans les prochaines années», répond Justin Trudeau lorsqu’on lui demande s’il est prêt à travailler dans un gouvernement de coalition.
«Ce n’est pas le temps d’une élection en temps de pandémie, mais nous devons parler avec tous les canadiens de notre plan», dit quant à lui Erin O’Toole.
«Je pense qu’on se retrouverait dans 18 mois pour une autre élection si on a un gouvernement minoritaire», admet Justin Trudeau.
«On a encore besoin du pétrole pour quelques années», lance Justin Trudeau en abordant la question de l’urgence climatique.
«Pourquoi ne pas accueillir l’idée que les 10 milliards $ que vous mettez dans Trans Mountain, on les donne à l’Alberta pour assurer leur transition énergétique?», propose Yves-François Blanchet à Justin Trudeau.
«Les changements climatiques sont importants pour moi», répond Erin O’Toole lorsqu’on souligne que plusieurs membres du Parti conservateur n’y croient pas.
«C’est vrai que M. Trudeau a manqué les cibles, mais ce n’est pas avec les conservateurs qu’on va avoir un meilleur plan sur les changements climatiques», déclare Jagmeet Singh.
«Il n’existe aucun scénario où on peut augmenter la production pétrolière et réduire les émissions de gaz à effet de serre», lance Yves-François Blanchet.
Questionné sur sa position sur le troisième lien à Québec, Yves-François Blanchet nie avoir dit qu’il était en faveur du projet et rappelle qu’il s’agit d’une juridiction provinciale.
«Fais-toi pousser une colonne», lance le chef du Bloc québécois à l’endroit de Justin Trudeau en exigeant des exemples de cas pour appuyer ses accusations d’avoir contourné le BAPE.
Questionnée sur le racisme systémique, Yves-François Blanchet répond : «l’année dernière, j’ai reconnu que le phénomène existe et je dénonce qu’on dit que le Québec est obligé d’acheter le mot alors que c’est devenu une arme politique».
«Fais-toi pousser une colonne», lance le chef du Bloc québécois à l’endroit de Justin Trudeau en exigeant des exemples de cas pour appuyer ses accusations d’avoir contourné le BAPE.
Questionnée sur le racisme systémique, Yves-François Blanchet répond : «l’année dernière, j’ai reconnu que le phénomène existe et je dénonce qu’on dit que le Québec est obligé d’acheter le mot alors que c’est devenu une arme politique».
Justin Trudeau accuse Erin O’Toole de mentir concernant sa position sur les armes d’assaut.
«M. Trudeau a déclenché une élection avec une situation terrible sur le terrain en Afghanistan. Il a ignoré les demandes des traducteurs sur le terrain. C’est un exemple de manque de leadership», dénonce Erin O’Toole.
Conclusion
«Depuis le début de la crise, depuis six ans notre gouvernement a été là pour vous. À chaque étape, on a fait preuve de leadership et maintenant, c’est le temps d’en finir avec la pandémie», déclare le chef du Parti libéral du Canada, Justin Trudeau.
«Les Québécoises et les Québécois, vous avez osé dans votre vie. Vous avez osé pour mettre en œuvre des programmes inspirants et innovateurs. Malheureusement, depuis que M. Trudeau est devenu premier ministre, il vous a laissé de côté», lance le chef du Nouveau parti démocratique, Jagmeet Singh.
«Dans le contexte de la pandémie et de gouvernement minoritaire, le Bloc a obtenu des gains pour les Québécois», rappelle Yves-François Blanchet avant d’ajouter que «l’enjeu de cette élection sera la balance du pouvoir. Du pouvoir de notre nation».
«Je suis un nouveau chef avec une nouvelle approche. Je suis le seul chef avec un engagement concret de protéger l’identité québécoise et qui peut remplacer M. Trudeau», affirme le chef du Parti conservateur Erin O’Toole.
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Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec
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