Un cowboy albertain se prénommant Tariq qui se dit inspiré par le Bloc québécois. Vous avez aperçu cela, hier, dans Le Journal ?
C’était dans le cadre du reportage de Patrick Bellerose, de notre bureau parlementaire, dans l’Ouest canadien.
On y découvrait le Maverick Party, nouvelle formation fédérale albertaine qui présente 27 candidats dans quatre provinces.
Maverick signifie « rebelle », « non conformiste ». Le parti revendiquant cet esprit veut annihiler le programme constitutionnalisé de péréquation, promouvoir le pétrole, les budgets équilibrés et les oléoducs, entre autres.
Reform 2.0
Ça rappelle évidemment le Reform Party de Preston Manning, dans les années 1990.
En passant, le chef conservateur Erin O’Toole dit vouloir raviver la grande coalition qu’avait formée Brian Mulroney en 1984 entre bleus de l’Ouest et nationalistes québécois.
Il omet de dire qu’elle a éclaté violemment au début des années 1990 sous le coup du Reform et du Bloc. Le parti « progressiste-conservateur », après n’avoir obtenu que deux sièges en 1993, est mort 10 ans plus tard.
Le « Parti conservateur » actuel est une création de Stephen Harper, qui fit renaître la marque après une fusion entre l’Alliance canadienne (ex-Reform) et les lambeaux du Parti progressiste-conservateur.
Le Maverick est un nouvel avatar du Reform, carburant au sentiment « d’aliénation » de l’Ouest. Sa philosophie pourrait être résumée par le titre du livre de Daniel Johnson père, Égalité ou indépendance.
Pertinence
Son modèle, explicitement, est le Bloc québécois. Un militant du Maverick l’a bien expliqué : « Le Québec semble avoir beaucoup de poids à la Chambre des communes, parce qu’ils ont créé le Bloc québécois dans les années 1990 […] et ça a été pas mal efficace pour eux. Il nous faut quelque chose comme ça, ici dans l’Ouest. »
Cela devrait faire réfléchir certains critiques virulents de la « pertinence » du Bloc. Si on croit en la démocratie, élire des représentants d’une région ou d’une minorité nationale, même « condamnés » à l’opposition, est toujours « pertinent ».
Bien sûr, chaque parti pancanadien peut avoir en son sein des défenseurs des intérêts de son groupe. Mais le Dominion est grand et, souvent, ceux-ci sont contraints d’oublier cette défense, de laisser les intérêts d’une autre région l’emporter.
Le paradoxe avec le Maverick est qu’il est extrêmement critique du Québec, à ses yeux « enfant gâté » ; mais en même temps, il prend le Québec pour modèle.
« Firewall »
L’idée n’a rien de nouveau dans l’Ouest. Stephen Harper, en 2001 (cinq ans avant de devenir premier ministre), cosigne une lettre ouverte adressée au PM albertain d’alors, Ralph Klein, pour le convaincre « d’isoler l’Alberta » d’un gouvernement fédéral envahissant.
C’est la « firewall letter ». Elle comportait plusieurs propositions inspirées des initiatives autonomistes du Québec : l’Alberta devait collecter ses impôts elle-même ; se doter de sa propre police provinciale et se retirer du régime de pension du Canada.
Le Maverick Party s’inscrit dans cette tradition. Il ne recueillera pas des scores faramineux le 20 septembre, mais incarne et représente un sentiment fondamental dans l’Ouest, actuellement exacerbé par la crise et le déclin de l’industrie pétrolière.
Fédéralisme oublié
On parlera du Maverick et du Bloc comme des partis « séparatistes ». Paradoxalement, leur action a quelque chose de « fédéraliste » ! Ils se trouvent en effet à compenser certaines graves carences du système canadien qui nous éloignent de l’esprit fédéral ; notamment son Sénat pourri.
La deuxième chambre du Parlement, dans une fédération normale, est élue ou nommée directement par les entités fédérées. Ce n’est pas le cas à Ottawa évidemment, où le monarque élu tenant lieu de premier ministre y nomme unilatéralement trop souvent d’anciens candidats défaits ou des gens sympathiques à sa gouverne ; de toute manière des parlementaires sans légitimité démocratique.
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