Les attentats de Kaboul, coûtant la vie à des dizaines de personnes dont douze soldats US, représentent la journée la plus meurtrière pour l’armée américaine depuis… 2011. Un funeste épilogue dans lequel, ô ironie de l’histoire, l’oncle Sam a peut-être lui-même une part de responsabilité assez énorme.
Dans le livre, nous expliquions :
En 2017, Karzaï accuse (ici ou ici) carrément les Américains d’implanter des cellules de Daech en Afghanistan et de leur fournir des armes. Qu’un ancien protégé de Washington porte ce genre d’accusations leur donne un certain poids. Moscou ne dit d’ailleurs pas autre chose, assurant avoir détecté à plusieurs reprises de mystérieux hélicoptères sans identification livrer des armes aux djihadistes dans le nord du pays. Est-ce à dire que, perdu pour perdu, les Américains jouent la politique du pire pour contenir les talibans par un autre mouvement djihadiste ?
De fait, si Daech ne prend pas en Afghanistan alors que toutes les conditions y sont réunies, c’est grâce au mouvement taleb qui le combat farouchement. À tel point que les Hazaras, peuple chiite persécuté par la première version des talibans dans les années 1990, viennent maintenant leur demander protection face à l’EI. Les talibans 2.0, « responsabilisés » en quelque sorte, ont accepté la requête, souhaitant désormais sans doute apparaître comme les gardiens de la sécurité afghane et de l’intérêt national. Quant au gouvernement, il est aux abonnés absents…
Si l’épisode des hélicoptères américains livrant des cadeaux à l’EI est avéré, il y a peut-être plus qu’une simple volonté de mettre les talibans en difficulté. C’est la localisation des faits qui nous en donne la clé : le nord du pays, chemin de l’Asie centrale, le ventre mou de la Russie, surveillé comme le lait sur le feu par Moscou qui craint une infiltration islamiste. À défaut de pouvoir s’y installer, les Américains jouent-ils la carte du pire afin de mettre les Russes en difficulté en créant un foyer d’instabilité au coeur de l’Eurasie ?
Nous saurons le fin mot de l’histoire quand les archives seront déclassifiées dans quelques dizaines d’années mais la chose est plausible. Si c’est le cas, nous assistons à un énième remake de l’arroseur arrosé. Après avoir coproduit Al Qaeda dans les années 80 pour aboutir au 11 septembre, après avoir façonné les futurs talibans pour les affronter ensuite durant deux décennies, voilà que Daech vient d’enfoncer le dernier clou dans le cercueil.
Et si, pour le Washingtonistan, la portée de ces attentats est évidemment moins conséquente que les réalisations de ses deux précédentes créatures, le symbole est assez désastreux vu le contexte déjà chaotique. Les Américains quémandent presque l’aide de leurs vainqueurs talibans pour assurer la sécurité de leur fuite d’Afghanistan…
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