JO de Tokyo : victimisation étasunienne vs victoire chinoise

JO de Tokyo : victimisation étasunienne vs victoire chinoise

Par Andrew Korybko — Le 3 août 2021 — Source Oriental Review

Nombreux sont les pays du monde qui n’adhèrent pas à la culture de victimisation étasunienne, consistant à glorifier quiconque se présente comme victime dès lors qu’il n’aura pas réussi à atteindre ses objectifs.

JO de Tokyo : victimisation étasunienne vs victoire chinoise

Les Jeux Olympiques devraient constituer une période de bonne volonté globale, pas de polémiques politiques, mais le New York Times s’est employé, au sein de l’un de ses récents articles, sous le titre « Objectif olympique de la Chine : rafler l’or, à tous prix« , à dénigrer la Chine. Hannah Beech a signé cet article, qui suinte de jalousie du fait des réussites olympiques des Chinois, en essayant de camoufler ce sentiment sous une maigre couche de préoccupation envers les athlètes chinois. Elle note que la Chine domine six disciplines sportives — tennis de table, tir de précision, plongée, badminton, gymnastique, et haltérophilie — et que « plus de deux tiers des médailles d’or chinoises sont dues à des athlètes féminines. »

Elle avance pour théorie que ce résultat découle du « focus mis par Pékin sur les sports moins réputés, qui font l’objet de moins d’attention en Occident, ou les sports qui offrent de nombreuses médailles d’or olympiques. » En d’autres termes, Beech sous-entend que les champions olympiques chinois ne mériteraient pas tant que cela leurs médailles d’or : l’Occident pourrait sans doute les battre s’il venait à l’idée de son bon vouloir d’investir plus d’argent dans certains programmes. Plus loin dans le même article, elle dramatise les vécus des entraînements commencés dès le plus jeune âge pour sous-entendre que ceux qui y prennent part pourraient ne pas être pleinement consentant, contraints qu’ils seraient par le gouvernement, ou poussés par les promesses de couverture de premières nécessités qui pourraient faire défaut à certains athlètes moins performants.

Néanmoins, les champions chinois persévèrent au cœur de ce que l’auteur du New York Times décrit comme des conditions inutilement difficiles, du fait que « leur devoir répond d’une allégeance à la nation, et non à soi-même », chose qui serait illustrée par le simple fait que certains athlètes s’entraînent en des lieux où leur drapeau national est fièrement arboré contre le mur, chose considérée comme normale dans la plupart des pays. Le sous-entendu est que les athlètes occidentaux font tout pour eux-mêmes, chose qui serait dans son esprit une bonne chose, du fait de la culture étasunienne de l’individualité. Elle rate au passage à quel point un tel comportement pourrait apparaître comme égoïste aux yeux de la plupart des cultures collectivistes du Grand Sud.

Le sous-entendu est patent : certains athlètes chinois n’auraient sans doute même jamais entamé leur entraînement en vue des JO sans les pressions immenses exercées par le gouvernement et la société civile. Elle suggère fortement cela en émettant pour théorie que la vision du président Mao-Tsetong visant à rétablir la grandeur chinoise pourrait constituer la raison pour laquelle le gouvernement prend les JO avec autant de sérieux. Comme le président Mao-Tsetong est diabolisé dans la culture étasunienne, Beech s’emploie simplement ici à provoquer un réflexe de rejet, en faisant apparaître la participation chinoise aux JO, ainsi que les rigueurs supposément inutiles subies par les athlètes chinois, comme relevant d’un complot communiste purement idéologique.

Elle va même encore plus loin en revenant sur des scandales de dopage passés, pour sous-entendre que possiblement, davantage de champions olympiques chinois pourraient tricher au cours des présents JO, chose qui pourrait être interprétée par le lecteur étasunien déjà énervé comme établissant que les Chinois seraient en train de tricher sous leurs yeux à Tokyo. La chute de Beech arrive ensuite très rapidement : elle feint la sympathie pour une athlète chinoise avant de se lamenter du fait que cette personne « n’a pas pris conscience du prix mental de ce qu’elle a accompli, jour après jour, depuis sa petite enfance, » « contrairement à Simone Biles ou Naomi Osaka, des championnes olympiques de haut niveau qui ont fait mention de l’impact émotionnel induit par de telles pressions. »

À ce stade, tout devient limpide. Beech s’emploie à glorifier la culture de victimisation étasunienne, consistant à idolâtrer les athlètes qui ne se sont pas illustrés lors des Jeux, ou ont échoué à décrocher des médailles d’or, en raison des explications qu’ils ont pu donner quant aux défis que tout le processus de préparation avait posés au regard de leur santé mentale. Ces individus méritent notre sympathie à titre individuel, mais les grands médias étasuniens, influents à l’échelle globale, n’ont aucun droit de faire pression sur le monde pour qu’on les considère comme le nouveau standard du champion olympique. Quelles qu’en soient les raisons, et quoi que l’on puisse ressentir de ce fait, ils n’ont pas atteint ce qu’ils étaient venus chercher à Tokyo, à savoir des médailles d’or.

Nombreux sont les pays du monde à ne pas adhérer à la culture de victimisation étasunienne consistant à glorifier absolument ceux qui se présentent comme victimes dès lors qu’ils n’ont pas réussi à atteindre leurs objectifs. Il y a des gens qui sont réellement des victimes, mais il y en a d’autres qui ne le sont pas. Biles et Osaka sont victimes de problèmes de santé mentale, mais cela ne fait pas d’elles des héroïnes olympiques en vertu du fait que seuls les athlètes ayant des défaillances mentales gagneraient les médailles d’or. Elles restent des femmes particulièrement fortes : il faut l’être pour atteindre ce niveau de compétition en dépit de ses problèmes personnels, et peut-être que certains de leurs compatriotes les considèrent réellement comme des héroïnes, mais tel n’est pas le cas du monde entier. Elles ont perdu aux JO, ce qui n’est pas une performance spéciale, mais bel et bien la norme.

En contraste, la Chine, comme de nombreux autres pays, glorifie la victoire, et non la victimisation. Il n’y a rien d’intrinsèquement mauvais quant à la culture qu’une personne ou qu’une nation arbore, il faut simplement accepter les différences. Il convient de respecter la décision de chacun d’adopter la discipline qu’il ou elle aura choisie. À cet égard, Beech n’aurait pas dû dénigrer la culture de victoire chinoise dans le simple but de distraire les Étasuniens de leur déception face aux échecs de certains de leurs athlètes de haut-niveau à remporter l’or. Elle sous-entend que les athlètes chinois sont mis sous pression par l’État, vivent des vies horribles, et que leurs sacrifices ne font pas l’objet d’une reconnaissance, choses totalement fausses, et imprimées à la seule fin de rassurer les Étasuniens.

Andrew Korybko est un analyste politique étasunien, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

Traduit par José Martí pour le Saker Francophone
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