par Andrew Korybko.
« L’Organisation de Coopération de Shanghai » (OCS) devrait coordonner les efforts de ses membres en vue de contenir les menaces terroristes régionales d’origine afghane telles que l’« État islamique du Khorasan » (ISIS-K), d’encourager un compromis politique entre Kaboul et les Taliban et de concevoir un plan pour développer le potentiel de connectivité de ce pays déchiré par la guerre afin d’assurer sa stabilité à long terme.
L’avenir de l’Afghanistan est plus incertain que jamais, compte tenu de l’avancée rapide des Taliban dans tout le pays, dans le sillage du retrait militaire américain prévu pour le 31 août. La plupart des observateurs prédisent une intensification de la guerre civile si le groupe – qui est toujours considéré comme terroriste par la plupart des pays, dont la Russie, bien que Moscou l’ait accueilli de manière pragmatique à plusieurs reprises au fil des ans pour des pourparlers de paix – n’est pas en mesure de prendre les principales villes afghanes qui restent sous le contrôle du gouvernement.
Le chaos qui en résulterait pourrait créer une occasion dangereuse pour ISIS-K d’étendre sa présence dans le pays et même de s’imposer comme une menace majeure pour la sécurité en Asie centrale et du Sud. Les États-Unis ayant pratiquement abandonné leurs engagements en matière de lutte contre le terrorisme – peut-être pour ce que certains soupçonnent être des raisons machiavéliques qui les auraient poussés à provoquer ce scénario –, il incombe donc à l’OCS d’assurer la sécurité régionale.
L’Organisation de coopération de Shanghai
Ce groupe comprend la plupart des républiques d’Asie centrale (à l’exception du Turkménistan), la Chine, l’Inde, le Pakistan et la Russie.
L’Afghanistan, le Belarus, l’Iran et la Mongolie en sont des observateurs, tandis que l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Bangladesh, le Cambodge, le Népal, le Sri Lanka et la Turquie sont des partenaires de dialogue.
L’un des mandats de l’OCS est de faire face de manière conjointe aux menaces du terrorisme, du séparatisme et de l’extrémisme, ainsi que de renforcer la coopération économique entre ses membres. Compte tenu de l’évolution rapide des événements décrits dans le premier paragraphe de cette analyse, il s’ensuit qu’ils ont un intérêt naturel à travailler en bonne intelligence en ce qui concerne l’Afghanistan. Cette collaboration peut prendre des formes sécuritaires, politiques et économiques :
1) Sécurité : appui aux deux États membres limitrophes de l’Afghanistan, en particulier au Tadjikistan, pays extrêmement fragile et lui-même autrefois déchiré par la guerre civile ;
2) Politique : facilitation du dialogue entre les parties belligérantes ;
3) Économie : potentiel de connectivité de l’Afghanistan.
La dimension sécuritaire
Pour en dire un peu plus, notons que selon certaines informations, près de 1 600 soldats afghans auraient fui au Tadjikistan ces dernières semaines afin d’échapper à l’avancée rapide des Taliban dans le nord de l’Afghanistan. Selon Sputnik, les Taliban ont permis à un important poste frontalier de continuer à fonctionner sans entrave, et il est bien connu qu’ils ne nourrissent aucun projet d’expansion régionale.
Il est donc très peu probable qu’ils constituent une menace pour le Tadjikistan ou toute autre république d’Asie centrale. Malgré tout, l’incertitude qui règne sur l’avenir de l’Afghanistan pourrait entraîner un afflux massif de réfugiés, surtout si l’ISIS-K profite de la situation.
C’est pourquoi le président Poutine a récemment promis à son homologue tadjik un soutien total pour assurer la sécurité de ses frontières. Il ne fait aucun doute que la base militaire russe dans ce pays est plus que capable de remplir cette mission si on le lui demande, mais cela constitue néanmoins une excellente occasion pour les membres de l’OCS de coopérer plus étroitement sur le front de la sécurité.
Jusqu’à présent, la Structure régionale antiterroriste (RATS) de l’OCS n’a pas connu de véritable action. L’OCS est composée de membres très divers qui manquent de coordination significative en matière de sécurité, hormis les exercices essentiellement symboliques qui sont organisés de temps à autre. L’efficacité de l’organisation serait grandement renforcée si le Tadjikistan demandait son aide, ne serait-ce que pour qu’elle serve d’« exercice d’action réelle » à l’appui de la mission dirigée par la Russie.
Cela n’implique pas l’envoi prolongé de troupes sous la bannière de l’OCS, car des résultats pourraient être obtenus par un partage accru de renseignements par l’intermédiaire de cette structure ainsi que par la fourniture d’un soutien matériel adéquat. Bien que l’Inde soit en rivalité avec la Chine et le Pakistan, tous ces pays pourraient mettre leurs différends de côté au nom du pragmatisme afin d’acquérir une expérience multilatérale en matière de sécurité qui pourrait être mise à profit lors de futures crises régionales, qu’elles concernent l’Afghanistan ou d’autres pays.
La dimension politique
La deuxième dimension du plan de l’OCS pour l’Afghanistan devrait impliquer que l’ensemble de ses membres fassent tout leur possible pour encourager un compromis politique entre Kaboul et les Taliban. L’agence Reuters a rapporté en début de semaine que ces derniers ont l’intention de présenter un plan de paix lors de pourparlers le mois prochain, ce qui pourrait en fait servir d’ultimatum pour empêcher leur mouvement vers la capitale, prévu de manière spéculative.
Les Taliban nient envisager sérieusement une telle attaque, mais les observateurs craignent qu’elle ne devienne inévitable si Kaboul refuse de se soumettre à leurs exigences. Afin d’éviter la forte instabilité qui suivrait probablement cette bataille, il est dans l’intérêt de l’OCS de veiller à ce que les Taliban et Kaboul parviennent à un accord lors du prochain cycle de négociations.
Le gouvernement afghan est déjà largement démoralisé par le retrait des États-Unis et son allié américain officiel sera bientôt moins capable de le défendre qu’auparavant après le retrait de septembre, de sorte que ce scénario est effectivement possible.
La dimension économique
C’est là que réside la troisième dimension de ce que l’OCS devrait faire pour aider l’Afghanistan, à savoir présenter les bases d’une proposition d’intégration économique régionale globale afin de montrer à toutes les parties prenantes nationales que la paix serait véritablement dans l’intérêt de tous.
L’accord conclu en février entre le Pakistan, l’Afghanistan et l’Ouzbékistan pour la construction d’un chemin de fer trilatéral (désigné par le terme PAKAFUZ, qui reprend les premières lettres du nom de chaque pays participant) pourrait débloquer le potentiel d’intégration supercontinentale de ce pays déchiré par la guerre en unissant enfin l’Asie centrale et l’Asie du Sud.
Cela pourrait conduire à la création d’un nouvel axe économique allant de la Russie en Europe de l’Est jusqu’à l’Inde en Asie du Sud, que l’on pourrait provisoirement appeler le corridor de l’OCS. Cette proposition ambitieuse devrait idéalement être présentée à Kaboul et aux Taliban par l’OCS dans son ensemble, avec l’aide de tous ses membres, lors du prochain cycle de pourparlers de paix en août.
Pourparlers de paix en août
Le temps nous manque pour étoffer les détails exacts, mais chaque pays pourrait tout de même s’engager d’une manière générale dans ce plan, ne serait-ce que par de larges promesses d’aide financière (sous forme de dons ou de prêts) et d’expertise technique. Le plus important est que les deux parties belligérantes (mais surtout l’obstiné Kaboul) se rendent compte qu’un compromis pragmatique servirait les intérêts de toute l’Eurasie, pas seulement les leurs, et que l’organisme multipolaire le plus prometteur du supercontinent a un intérêt direct dans ce résultat.
L’OCS doit passer de la parole aux actes, d’où la nécessité de mettre de côté les divergences de certains de ses membres rivaux afin de présenter conjointement un plan crédible à cette fin (même s’il manque de détails pour l’instant, compte tenu du court délai). La bonne volonté et la confiance tant attendues qui pourraient faciliter cette démarche pourraient être grandement favorisées par la proposition, évoquée plus haut, consistant à fournir une assistance multilatérale en matière de sécurité au Tadjikistan.
Pour que tout se passe bien, l’OCS a la responsabilité de prendre l’initiative de veiller à ce que la situation en Afghanistan ne devienne pas rapidement incontrôlable et ne crée pas un terrain fertile pour l’expansion régionale d’ISIS-K.
Le bloc ne peut y parvenir qu’en contenant conjointement les menaces terroristes qui pèsent sur les républiques d’Asie centrale voisines, comme le Tadjikistan, en encourageant Kaboul et les Taliban à trouver un compromis politique pragmatique lors de la prochaine série de pourparlers de paix en août. Ainsi, il serait possible d’éviter l’intensification redoutée de la guerre civile afghane, en apportant une aide précieuse aux parties susmentionnées par l’élaboration d’un plan crédible visant à faire de l’Afghanistan la pièce maîtresse du corridor proposé par l’OCS entre l’Europe orientale et l’Asie du Sud.
Il est vrai que c’est beaucoup demander à une organisation qui n’a jamais dû faire face à une véritable crise, et encore moins à une crise aussi urgente que la guerre civile afghane, mais il est toujours possible d’accomplir une partie de ce qui a été suggéré, pour autant que la volonté politique soit présente.
source : https://orientalreview.org
traduit par Point de vue Suisse
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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