Discours du Secrétaire Général du Hezbollah, Sayed Hassan Nasrallah, le 17 août 2021, à l’occasion de la commémoration de la 9e nuit de ‘Achoura, avant-veille du martyre de l’Imam Hussein.
Voir également Nasrallah : le martyre de l’Imam Hussein, événement fondateur pour l’Iran et le Hezbollah.
Source : video.moqawama.org
Traduction : lecridespeuples.fr
Transcription :
[…] Mon dernier point est l’Afghanistan, que j’ai rapidement mentionné. Ce qui se passe actuellement en Afghanistan est une situation d’urgence qui accapare l’attention du monde entier. A l’intérieur des États-Unis même, c’est le principal événement dont il est question, et bien sûr, tout le monde se rejette la responsabilité, comme au Liban, les gens sont tous les mêmes : le Parti Républicain accuse le Parti Démocrate, faisant porter la responsabilité à Biden, et décrivant la scène comme une humiliation pour les États-Unis, (une preuve de) faiblesse, d’impuissance, d’échec, de défaite historique, de honte, de disgrâce, etc. Si on veut décrire fidèlement (la situation politique aux États-Unis), on peut dire qu’ils se déchirent mutuellement. Il en va de même pour la position des pays européens, des dirigeants de certains pays européens [Royaume-Uni, France, Allemagne…], qui s’expriment avec des mots très forts et très négatifs pour évaluer la situation en Afghanistan.
C’est effectivement un spectacle frappant et d’une importance majeure, regorgeant d’enseignements et de leçons à tirer, et nous devons tous… Ce n’est pas quelque chose qu’un ou deux discours suffisent à décrire, car la situation continue à se développer, et mérite que tout le monde l’observe attentivement et y réfléchisse sérieusement, très sérieusement. Cela ne doit pas simplement intéresser les (pseudo-)experts (en questions) stratégiques, qui sont très nombreux aujourd’hui, ma cha Allah, les experts, les analystes, non : tous les hommes & femmes (doivent se sentir concernés) par ce qui se passe actuellement en Afghanistan, et tout ce qui a pu être dit jusqu’à présent reste peu de chose face à l’importance et aux conséquences de ce qui se passe en Afghanistan, aux niveaux historique, stratégique, idéologique, culturel, politique, psychologique et moral. Et ceux qui doivent être le plus assidus dans la lecture (et l’interprétation) de cet événement (considérable) pour en tirer les conséquences stratégiques et historiques sont les peuples de cette région. Oui, les peuples du Moyen-Orient doivent se sentir les premiers concernés par ce qui se passe. Car ce qui se passe en Afghanistan est une leçon très grande et même magistrale.
Les images qu’on voit et que vous avez tous vues sur les écrans de télévision parlent d’elles-mêmes… Et tous les médias du monde entier (suivent et diffusent ce qui se passe), car quelle que puisse être la capacité de censure des États-Unis, (elle est impuissante à empêcher la diffusion massive de ces images). Au sujet des réseaux sociaux et d’Internet, que les États-Unis ont ouvert et répandu dans le monde entier pour les instrumentaliser dans des révolutions de couleur ici et là, ils se retrouvent pris à leur propre piège, car même à l’intérieur des États-Unis, le gouvernement de Biden peut certes influencer tels journaux ou telles chaînes de télévision (mainstream pour les dissuader de diffuser ces images humiliantes), mais comment pourrait-il empêcher des millions et des dizaines de millions d’usagers des réseaux sociaux qui diffusent et partagent ces images ? Et gloire à Dieu, ce sont exactement les mêmes images qu’au Vietnam ! De même qu’a Saïgon, les (ressortissants américains) montaient des escaliers pour accéder à un hélicoptère sur un toit (et s’enfuir), on voit exactement la même chose se reproduire à l’aéroport de Kaboul ! C’est extraordinaire ! Une véritable photocopie ! Peut-on croire que ce n’est qu’une simple coïncidence ?
Quoi qu’il en soit, les images de l’Afghanistan et la chute de l’Afghanistan entre les mains du mouvement que les États-Unis ont combattu pendant 20 ans et expulsés (du pouvoir), avant de leur livrer le pays sur un plateau… Le drapeau des Talibans flotte sur l’aéroport. J’ai déjà évoqué l’Afghanistan dans mon discours précédent [cf. ci-dessous], et aujourd’hui, Biden a pris la parole pour essayer de se défendre… J’ai dit qu’au lieu de s’empresser de réaliser le retrait de ses troupes, tant que les forces américaines étaient présentes, et puisque les forces afghanes (formées par les USA) comptent 300 000 à 400 000 membres —entre les soldats et les policiers—, il aurait dû conclure un accord entre le gouvernement afghan et les Talibans, au profit de la formation d’un gouvernement de transition commun, qui aurait évité tout ce qui s’est passé, permettant aux États-Unis de se retirer avec dignité. Pourquoi n’a-t-il pas fait cela ? Car il ne pouvait pas supporter de rester plus longtemps (en Afghanistan). En toute franchise ! Ce n’est pas par respect des convenances que Biden n’a pas fait ça. Et nul besoin de me croire sur parole, écoutez ce qu’a déclaré Biden lui-même ! Écoutez Biden, écoutez son Secrétaire d’État et son Conseiller à la Sécurité Nationale… Car à présent, ils sont contraints de s’expliquer au peuple américain… Ils ne s’expliquent pas aux peuples du monde, mais au peuple américain qui est ébahi face à ces images humiliantes de défaite et d’échec. Écoutez ses explications, et vous comprendrez le point de vue américain. Je ne vais pas vous faire un bulletin télévisé (complet), mais j’espère que tout le monde écoutera attentivement ce que Biden a dit hier, aujourd’hui et ce que les (autorités) américaines diront dans les jours à venir. Accordez sérieusement un peu de temps à leurs déclarations, car cela permettra de bien comprendre les conséquences historiques et stratégiques de la défaite (humiliante) et de l’échec (monumental) des États-Unis et de l’OTAN en Afghanistan. Cela nous touche en tant que peuples de la région, et nous donne des enseignements dont nous pouvons profiter pour notre présent et notre avenir.
Je vais m’arrêter sur deux points (du discours de Biden). Dans son intervention d’aujourd’hui, il a dit « Nous avons dépensé plus d’un trillion de dollars, c’est à dire plus de mille milliards de dollars ! Ils ont dépensé mille milliards de dollars en Afghanistan ! Et ils sont repartis penauds, les mains vides, avec les bottines de Honaïn comme dit le proverbe, humiliés, vaincus, défaits, honteux, en disgrâce. Et ce d’après l’aveu de leurs propres médias, et des médias occidentaux. Qu’est-ce que cela prouve ? Qu’ils ont échoué (lamentablement), qu’ils ont subi une déroute, qu’ils sont impuissants, ignorants et stupides. Biden lui-même a dit que Washington n’avait pas prévu que le gouvernement et les forces afghanes s’effondreraient si vite, et avait été surpris par le fait qu’ils n’aient ni combattu ni résisté. Le Secrétaire d’État et le Conseiller à la Sécurité Nationale ont dit la même chose. Qu’est-ce que cela indique ? Les gens s’imaginent que les États-Unis sont un demi-Dieu, omniscients, analysant et maitrisant tout sur le bout des doigts, informés de tout, capable de tout planifier via ses centres d’étude et de planification à la pointe de la compétence et de la technologie, avec des plans considérables, etc. Mais la réalité est loin de tout ça ! Dans notre région, les États-Unis sont ignorants, incapables de comprendre ! Depuis des dizaines d’années, ils ne font que répéter les mêmes erreurs, déployer les mêmes expériences et les mêmes calculs voués à l’échec ! C’est un des enseignements à tirer !
Biden affirme que ce n’est pas de la faute des États-Unis, mais la faute des forces afghanes qui n’ont pas combattu. Mais mon cher, ces forces afghanes, tu les as laissées sans force aérienne, car la force aérienne est entre tes mains, (et tu ne leur a pas permis d’en développer), tout en affirmant que tu as dépensé mille milliards de dollars. Tel est le premier point. Deuxièmement, ces forces afghanes étaient dirigées par tes généraux, qui lui ont préparé des plans (de guerre) voués à l’échec ! Quels plans (de guerre) avez-vous concocté, quels conseils (militaires) avez-vous fourni à ces forces afghanes ? Troisièmement, que voulait Biden (en fin de compte) ? Que révèle son aveu ? Car il n’a pas su tenir sa langue, trop empêtré dans sa défense (maladroite, et il s’est démasqué). Il voulait une guerre civile ! Il voulait que les forces afghanes fassent la guerre aux Talibans, à savoir une guerre opposant des centaines de milliers (de combattants) à des centaines de milliers (de combattants), et il n’aurait qu’à s’assoir et profiter du spectacle sanglant en Afghanistan.
BHL se délecte à l’avance du spectre d’une guerre civile : Je viens de parler à Ahmad #Massoud au téléphone. Il m’a dit : « Je suis le fils d’Ahmad Shah Massoud ; la reddition ne fait pas partie de mon vocabulaire. » C’est le début. La #Résistance vient de commencer.
Alors que s’il avait de l’humanité, et qu’il se souciait (du bien-être) des gens comme il le prétend, il aurait présidé à un accord et à un règlement du conflit avant de se retirer d’Afghanistan. (Ce mépris pour la vie des Afghans) est une déchéance éthique et morale de l’administration américaine ! Cette déchéance morale est soulignée même par les politiciens et commentateurs de premier plan aux États-Unis et ailleurs. C’est pourquoi Biden déclare aujourd’hui qu’il voulait une solution politique (entre le gouvernement afghan et les Talibans), mais qu’Achraf Ghani, le Président afghan, ne voulait pas. Vous voyez ? Biden se défausse sur lui, et se prétend irréprochable !
Le Président afghan aurait quitté le pays avec 169 millions de dollars
Ces propos m’ont rappelé ces versets du Coran qui parlent du diable : « [Et quand tout sera accompli, le Diable dira : ‘Certes, Allah vous avait fait une promesse de vérité ; tandis que moi, je vous ai fait une promesse que je n’ai pas tenue. Je n’avais aucune autorité sur vous si ce n’est que je vous ai appelés, et que vous m’avez répondu.] Ne me faites donc pas de reproches; mais faites-en à vous-mêmes.‘ » [Coran, 14, 22] (Les damnés) sont invités à ne pas imputer au diable (leurs mauvaises actions qui les conduiront en Enfer), mais à ne s’en prendre qu’à eux-mêmes !
C’est vous (Afghans pro-US) qui vous êtes mis au service des Américains, qui les avez écoutés et leur avez obéi, qui avez placé vos espoirs en eux et misé sur eux, mais ils sont arrivés au point où ils vous disent (tout simplement) Adieu, « bye-bye » [Nasrallah le dit en anglais]. Et de quel « bye-bye » parle-t-on (débrouillez-vous) ? Ce qui se passe à l’aéroport de Kaboul est incroyable, c’est affligeant et triste. Car en fin de compte (ces Afghans qui veulent fuir) sont des êtres humains. Nous avons tous vu cet avion (militaire américain) avancer avec des dizaines de personnes autour de lui, sans se soucier d’eux, sans que le pilote s’arrête, alors qu’il aurait pu les écraser !
Et il a vu que des gens s’étaient accrochés à l’avion, mais a décollé quand même ! Qu’ils tombent et s’écrasent (horriblement au sol) ou pas, ce n’est pas son problème !
C’est ça, les États-Unis ! Ce que je vous dis est partout dans les médias, je n’invente rien ! Ils ont embarqué des chiens policiers, mais n’ont pas embarqué les Afghans qui ont collaboré avec eux !
Ils ont embarqué des équipements qui ne coûtent que de l’argent, mais n’ont pas embarqué des êtres humains, qui sont des êtres humains, des hommes, qui ont des droits de l’homme ! Tels sont les États-Unis, (tel est leur vrai visage) !
Tout ce qui se passe en Afghanistan, même si au Liban nous sommes accaparés par nos problèmes quotidiens, j’espère que nous y serons attentifs et le considèrerons bien comme le moment charnière que c’est, car depuis 50 ou 60 ans, il n’y a rien eu de comparable. Et cela aura un grand impact sur les politiques internationales, les relations internationales, les alliances internationales. Et aujourd’hui, ceux qui observent et commentent ces événements avec le plus d’attention, ce sont les Israéliens !
Car lorsque Biden dit, et c’est là un message à tous les alliés des Etats-Unis dans la région (y compris Israël), lorsque Biden se défendait, il a dit quelque chose de très, très, très, très, très, très, très… (répétez-le jusqu’à en perdre le souffle) important, et j’espère que les « amis » des Etats-Unis au Liban et dans la région liront ce propos très attentivement. Biden a dit « Il n’est pas notre devoir de faire combattre nos forces à la place de qui que ce soit. » Si quelqu’un s’attend à ce que les Américains viennent combattre à sa place, voilà ce que lui répond Biden ! Et afin de ne pas combattre à la place de quiconque, il est prêt à supporter une défaite historique et humiliante en Afghanistan ! Lorsqu’on parle du Liban ou autre, en comparaison, ce n’est qu’un détail (insignifiant aux yeux des Américains).
En conclusion, dans ce qui se passe, il y a des enseignements très grands et très importants, et nous devons en tirer bénéfice et agir en conséquence, aux niveaux culturel, idéologique, émotionnel, au niveau de nos choix, de nos espoirs, de nos lectures (des événements), de nos alliances, de notre infrastructure, aux niveaux économique, politique, militaire, sécuritaire, etc. C’est sur ça que j’ai conclu lors de mon dernier discours, en disant que nous ne devons compter que sur Dieu et sur nous-mêmes ! Nous ne devons pas attendre les États-Unis, ni leur entraînement, ni leurs conseils, ni leur soutien, ni leurs promesses mensongères, ni leurs complots ! Nous ne voulons ni leurs bienfaits, ni leurs méfaits. Bien sûr aucun bienfait ne peut venir d’eux. Les bienfaits résident dans notre peuple, dans notre Communauté (arabo-musulmane), dans notre région, dans les peuples arabo-musulmans. C’est sur eux que nous devons compter. Car nous avons toutes ces possibilités et ces capacités.
J’en ai fini sur ce sujet. Je vous retrouverai demain, pour la 10e nuit (du mois de Muharram, veille du martyre de l’Imam Hussein), la nuit de la dernière rencontre, et du grand au revoir.
Que la paix soit sur toi, ô mon maître Aba ‘Abdillah al-Hussein, et sur les âmes qui demeurent en ton parvis ! Sur toi, de ma part, la Paix de Dieu, pour toujours, tant que j’existe et que durent la nuit et le jour ! Que Dieu ne fasse pas que ce soit la dernière fois que je vous rende visite ! Que la paix soit sur Hussein, sur ‘Alî fils de Hussein, sur les enfants de Hussein et sur les compagnons de Hussein !
Que la paix soit sur vous, ainsi que la Miséricorde de Dieu et Ses bénédictions.
***
Discours du Secrétaire Général du Hezbollah, Sayed Hassan Nasrallah, le 15 août 2021, à l’occasion de la commémoration de la 7e nuit de ‘Achoura.
Suite à l’explosion d’une citerne d’essence dans la région du Akkar, qui a tué 28 Libanais, Nasrallah a longuement abordé la crise et les pénuries au Liban, fabriquées de toutes-pièces par les sanctions & complots américains et les malversations et convoitises du marché noir, avant de promettre que le Hezbollah importerait de l’essence et du fioul d’Iran. Le premier tanker de fioul destiné au Hezbollah est parti d’Iran le 19 aout 2021, jour de ‘Achoura. L’exemple de l’Afghanistan a été développé pour démontrer qu’il est suicidaire de compter sur Washington.
Transcription :
[…] Nous ne devons compter que sur nous-mêmes. Tout ce que nous avons vécu au Liban durant ces dernières décennies, ô chers Libanais, je vous invite à y réfléchir avec attention. Je parle de toutes nos expériences : militaires, sécuritaires, l’occupation, les takfiris (de Daech / Al-Nosra : les Etats-Unis étaient opposés à une offensive de l’armée libanaise contre les terroristes à la frontière syrienne, mais elle a eu lieu conjointement avec le Hezbollah), les luttes politiques internes, et la situation économique et sociale. Il faut qu’arrive le moment —et ce moment doit venir maintenant— où nous aurons tous l’intime conviction que nous devons compter sur notre peuple, sur tout notre peuple, sur nos propres capacités, sur nos intelligences, sur nos moyens, sur nos politiques avisées qui ne se verront pas imposer un veto de l’extérieur, pour parvenir à construire notre pays. C’est ainsi que nous l’avons protégé, et c’est comme ça que nous pourrons le construire.
Dans le temps qui me reste, je veux parler d’une histoire qui accapare l’attention du monde entier. Elle accapare le monde entier, et pas seulement les États-Unis, où toutes leurs télévisions en parlent du matin au soir : je veux parler de l’Afghanistan. Tout le Moyen-Orient est rivé dessus, de même que les pays de la région : Russie, Chine, Iran, Pakistan, Inde et toute la région… Je parle de la situation en Afghanistan. Bien sûr, au Liban, nous n’avons pas de temps à consacrer à l’Afghanistan, ni aux leçons à tirer de ce qui se passe en Afghanistan, car nous sommes accaparés par (les pénuries de) fioul, de médicaments et d’essence. Je n’ai que deux mots à dire sur la situation, je ne veux pas prendre trop de votre temps. Deux mots seulement pour souligner les enseignements à tirer.
Les États-Unis occupent l’Afghanistan depuis 20 ans. Ils dirigent l’Afghanistan (depuis 20 ans), installant et renversant les gouvernements (à leur guise), et imposant leurs plans et leurs politiques. Ils ont construit des forces armées (afghanes), et fourni des armes à l’armée afghane. Après 20 ans, quel est maintenant l’avenir de l’Afghanistan ? On ne parle pas d’une situation où (les Afghans) auraient fait appel à l’aide des États-Unis à distance, non : les Américains étaient sur place, avec leurs forces armées américaines, leurs conseillers américains, les commandants (militaires) américains ! Et le pays était occupé pendant 20 ans ! Il y a certaines personnes… Appelez-les comme vous voulez : les amis des États-Unis, les alliés des États-Unis, ceux qui ont placé leurs espoirs sur les États-Unis, les instruments des États-Unis… Appelez-les comme vous voulez. Ces gens-là ont vécu avec les Américains pendant 20 ans, et ont combattu sous le drapeau américain pendant 20 ans, contre les Talibans ou autres.
Eh bien, après 20 ans, sans concertation ni scrupules, les États-Unis ont mené des négociations avec les Talibans à Doha, et ont pris la décision de se retirer. Cela date de l’administration Trump. Pourquoi vous hâter de partir ? Ne pouvez-vous pas patienter un peu, faire pression pour conclure un accord politique entre les Talibans et le gouvernement afghan, qui est votre ami ? Jamais de la vie. Ils n’ont même pas essayé. Ils étaient trop pressés de s’enfuir. Ils ne pouvaient plus endurer les pertes, et leur intérêt était de ne pas rester en Afghanistan, donc ils ont décidé de s’en aller. Et qu’adviendra-t-il de vos amis, de vos alliés, de vos bien-aimés, qui ont combattu à vos côtés pendant 20 ans ? Ils s’en moquent. Qu’adviendra-t-il de l’Afghanistan ? Les États-Unis n’ont-ils pas prétendu venir instaurer la démocratie en Afghanistan, les droits de l’homme, les libertés publiques ? Rien de tout ça, c’est terminé. Les Américains ont vu que leur intérêt résidait dans le retrait d’Afghanistan, ils ont plié bagage et quittent l’Afghanistan dare-dare, sans prendre la peine de réaliser une solution politique ou un accord quelconque dans le pays. N’est-ce pas ce qui se passe à présent ? C’est ce qui se passe (sous nos yeux) !
Face à cela, les Talibans ont avancé. Je ne veux attaquer personne, ni condamner personne, je ne fais que décrire la situation pour en tirer les leçons. Les provinces afghanes sont tombées les unes après les autres entre les mains des Talibans, la plupart du temps sans combats, et parfois avec des combats timides. Et bien sûr, c’est (déjà) terminé, tout l’Afghanistan est entre les mains des Talibans. Il ne reste que Kaboul, où des négociations sont en cours, et avant que je commence mon discours, j’ai vu que le Président afghan (Achraf) Ghani a fui Kaboul. Il aurait la nationalité américaine, et il va probablement aller vivre (tranquillement) aux États-Unis en tant que citoyen américain. Mais quel est l’avenir des habitants de Kaboul ? Ils sont abandonnés et livrés à eux-mêmes. L’avenir de toutes les provinces en Afghanistan est délaissé. Entre les mains de qui ? Des Talibans. Tout le pays et toute la population sont livrés aux Talibans, à la conduite des Talibans, aux usages & mœurs des Talibans. Que Dieu préserve tout le peuple afghan. Inch Allah.
Il y a deux points de vue sur ce qui s’est passé. Un point de vue affirme qu’à la base, quand les États-Unis se sont entretenus avec les Talibans, ils ont convenu de leur livrer le pays. Ils se seraient donc entendus pour cela. Si ce point de vue est juste, cela signifie que l’administration américaine a trahi ses alliés. Elle a trahi ses alliés, elle les a poignardés dans le dos, elle a comploté contre eux. Voilà pour ce qui concerne le premier point de vue, s’il est le bon.
Selon le deuxième point de vue, il n’y aurait pas d’accord entre les États-Unis et les Talibans pour livrer le pays à ces derniers. Les États-Unis auraient simplement quitté le pays et laissé les Afghans se débrouiller et régler leurs problèmes entre eux. Si ce point de vue est juste, cela signifie que les États-Unis ont abandonné leurs amis, ont délaissé leurs alliés.
Quel que soit le bon point de vue, soit les États-Unis sont des traîtres et des fourbes, soit ils délaissent et abandonnent leurs amis. Et l’Afghanistan est entièrement entre les mains des Talibans : son gouvernement, sa sécurité, son honneur, ses femmes, son sang, son avenir, son économie, sa faim ou sa satiété, etc., tout est entre les mains des Talibans. C’est terminé ! Et même Kaboul, les Talibans vont s’en emparer par un accord, ils n’auront peut-être même pas besoin de combattre. Il n’y a personne pour les combattre, et peut-être qu’on ne demande à personne de les combattre. Cette expérience ne se développe-t-elle pas sous nos yeux ?
Venons-en au Liban. O les amis des États-Unis au Liban, vous voulez que les États-Unis protègent le Liban ? Et face à qui ? Face à son instrument, à sa créature, à son cher et bien-aimé Israël ? Que peuvent faire les Américains pour protéger le Liban ? Envoyer des troupes à notre secours ? Voyez donc leur expérience (en Afghanistan) !
Aujourd’hui, au Sénat américain, dans les médias américains, dans l’opinion publique aux États-Unis, tout le monde dit que ce qui se passe rappelle (la chute de) Saïgon, la guerre du Vietnam. Ce qui se passe est une véritable humiliation pour les États-Unis d’Amérique. Et vous comptez sur les États-Unis pour protéger notre pays ? C’est comme ça que nous allons protéger le Liban ? Avec les Américains, les promesses américaines, le soutien américain, les garanties américaines ? Quiconque au Liban veut placer ses espoirs en les garanties & promesses américaines, qu’il regarde les images qui nous viennent d’Afghanistan ! Tels sont les États-Unis !
Quant à nous (au Hezbollah), comme en témoignent ces nobles (combattants) blessés (au premier rang de l’audience), nous croyons avec force que ceux qui protègent le Liban, ce sont les Libanais ! Ceux qui protègent le Liban, c’est le peuple libanais, l’armée libanaise et la Résistance libanaise ! Ça, et rien d’autre ! [Audience : A ton service, ô Nasrallah]
Nous sommes le 15 août. Hier, nous étions le 14 août, jour (anniversaire) de la grande victoire de la guerre de 2006. Et depuis 2006 à ce jour, comme je l’ai rappelé dans mon discours d’il y a quelques jours, qui est-ce qui a protégé le Liban ? Qui est-ce qui a empêché l’ennemi israélien de mener des frappes contre le Liban ? Qui ? L’administration américaine ? L’Occident, au pied duquel vous (Libanais pro-Américains) rampez ? La communauté internationale ? La Ligue Arabe ? Ou les pas (fermes) de ces nobles (combattants du Hezbollah), ces héros, enfants de vos villages, de vos villes et de vos familles, grâce à leur sang, à leurs blessures, leur courage ? Ce sont eux qui ont protégé le Liban, et qui protègeront éternellement le Liban ! [Audience : A ton service, ô Nasrallah]. Voilà ce qu’il en est pour la protection et la sécurité. Et il en va de même pour l’économie. Un pays qui vit des aides (de l’étranger) ne peut pas être libre, ni être indépendant, ni être souverain. Un tel pays est un esclave. Un esclave ! Car s’il vit des aides, cela signifie que le robinet est entre leurs mains. Il suffit qu’ils le ferment pour qu’on meure de soif. Pour qu’ils nous abreuvent, nous devons nous soumettre, faire toutes les concessions, baisser la tête, leur livrer nos ressources, nos eaux, nos choix, notre pays et notre décision politique !
Ces politiques économiques et financières (dictées par l’Occident) que nous avons vues (mises en œuvre) au Liban depuis 40 ans, tout nouveau gouvernement qui suivrait ces mêmes politiques mènerait le pays à sa perte ! Ils ont transformé notre pays en pays de services, qui ne vit que des aides. Ils ont détruit l’agriculture, ils ont détruit l’industrie, et ont liquidé toute capacité de production dans le pays. Et c’est pourquoi nous dépendons de l’étranger. Ils ont laissé notre pays asservi à leur bon vouloir. Même nos services dépendent de l’étranger. L’Occident nous assiège à sa guise. Il peut aisément arrêter le fonctionnement de l’aéroport, du port, du tourisme, des hôtels et des banques : d’un trait de plume, il paralyse tout notre système bancaire ! Notre secteur agricole est détruit, notre industrie est détruite, nous n’avons rien à manger, rien pour nous habiller, nous ne survivons que grâce à l’étranger, à nos importations de l’étranger et aux aides de l’étranger. Si nous continuons avec ces politiques, pour obtenir des prêts (du FMI, etc.) à l’avenir et continuer à nous endetter en empruntant à l’étranger, je vous le dis, nous (au Hezbollah) serons les premiers à nous y opposer ! Nous serons les premiers à nous opposer à de telles politiques, qui ne causeraient que davantage d’effondrement et de faillite ! Il n’y a pas de mal à avoir des services, mais notre priorité doit être de doter le Liban d’une capacité de production de biens, d’agriculture, d’industrie, afin que si quelqu’un assiège le pays, nous ayons au moins de quoi manger, de quoi nous vêtir et de quoi nous débrouiller. Nous devons nous transformer en pays de production, en économie de production ! Il ne manque rien aux Libanais pour y parvenir, ni intelligence, ni volonté, ni bras, ni courage, ni expérience, ni compréhension, ni capacités. Mais des décennies de politiques (désastreuses) nous ont conduit à cette situation.
Si nous voulons compter sur l’étranger, tel est le visage de l’étranger ! Les États-Unis viennent d’abandonner des millions d’Afghans, les laissant affamés, assoiffés, dénués de tout, réfugiés, éparpillés dans les déserts et les vallées, et aux frontières des pays régionaux !
Voulons-nous subir le même sort au Liban, parce que certaines forces libanaises sont les serviteurs et les adorateurs des États-Unis et de l’Occident ? Non, je le jure par Dieu ! Nous n’adorons que Dieu pour notre part, et nous n’avons aucune confiance en tous ces gens-là. Nous avons confiance en notre peuple, notre intelligence, notre volonté, notre détermination. Oui, la situation est difficile, mais nous sommes capables de la surmonter ! Cela demande de la volonté et un sens de la responsabilité, tout le contraire du règlement de comptes politiques et d’incitation sectaire qu’on a encore vu hier (après l’explosion meurtrière à Akkar), et qu’on avait déjà vu après l’explosion du port de Beyrouth. Nous devons tirer les leçons de l’Afghanistan ! […]
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