L’auteure est une ancienne directrice de la planification et de la reddition de comptes du ministère de l’Immigration du Québec
J’accueille très positivement et avec beaucoup de respect la contribution d’André Burelle au débat sur l’avenir de l’immigration au Québec, occasionné par mon texte du 14 juillet. L’Accord Canada-Québec sur l’immigration qu’il a négocié est effectivement généreux et a très bien servi le Québec depuis plusieurs années. Au point où les autres provinces étaient, et sont sûrement toujours, jalouses des avantages que le Québec a acquis.
M. Burelle affirme que l’Accord « contient tous les outils nécessaires à la solution des problèmes dont (je fais) état. » Je persiste dans mon avis que ce n’est pas le cas.
Le contexte du système d’immigration canadien a beaucoup changé dans les dernières années avec l’encouragement du gouvernement canadien pour un système à deux étapes, de temporaire à permanent. Contrairement à ce que M. Burelle laisse entendre, les problèmes de délais et d’engorgement vécus par les personnes sélectionnées par le Québec, qui attendent leur visa de résidence permanente, ne sont pas au centre de mon propos et ne sont pas dus uniquement au nombre de personnes à statut temporaire au pays.
Il ne suffit pas de procéder, comme M. Burelle le suggère, à une estimation du nombre de personnes à statut temporaire au Québec susceptibles de demander la résidence permanente et d’inclure ce nombre dans la planification pluriannuelle d’immigration permanente.
Deux chemins : PRQ ou PRTQ
Des personnes qui veulent s’installer de façon permanente au Québec ont le choix entre deux chemins. Si elles travaillent déjà au Québec avec un permis de travail temporaire du gouvernement canadien, elles sont potentiellement admissibles au Programme d’expérience québécoise (PEQ). Si elles ne sont pas admissibles au PEQ ou si elles sont à l’étranger, elles peuvent faire une demande au Programme régulier de travailleurs qualifiés (PRTQ). Ces deux chemins donnent lieu à un Certificat de sélection du Québec (CSQ).
Selon l’Accord Canada-Québec, le gouvernement fédéral s’engage à accorder un visa de résidence permanente à toute personne détenant un CSQ. Les prévisions ou seuils du Québec en matière d’admissions incluent donc les deux types de demandes. « L’harmonisation des objectifs… des deux parties en matière d’immigration et d’intégration », à laquelle M. Burelle fait référence et que vise le Comité mixte prévu dans l’Accord ne tient malheureusement pas compte de l’immigration temporaire découlant des décisions unilatérales du gouvernement canadien.
Depuis au moins quatre ans, presque la totalité des personnes sélectionnées par le Québec dans la catégorie économique travaillaient déjà au Québec et ont fait leur demande par le PEQ. Les révisions récentes au PEQ visaient justement à réduire, en quelque sorte, l’enthousiasme pour le programme en vue de faire plus de place pour la sélection depuis l’étranger, notamment en prolongeant le délai maximal de traitement des demandes du PEQ pour l’assimiler à celui des demandes du PRTQ.
Le fédéral décide
L’Accord ne touche que très sommairement l’immigration temporaire, et la compensation financière indexée du gouvernement canadien au gouvernement québécois, mentionnée par M. Burelle, ne vise que les services aux adultes avec un statut de résidence permanente. Le ministère de l’Immigration du Québec n’a pas de contact avec la majorité des personnes à statut temporaire avant de recevoir leur demande de CSQ, c’est-à-dire quelques années après leur arrivée. À ce point, plusieurs n’ont plus besoin des services d’accueil ou d’installation.
Les conditions liées aux permis de séjour temporaires sont établies par le gouvernement fédéral et il n’y a pas de plafond sur le nombre de permis délivrés. Il est également impossible de savoir combien de ces personnes décideront de faire une demande de CSQ ou seront un jour admissibles au programme. Il est donc très difficile de savoir quels services sont les plus pertinents et même de joindre les personnes qui pourraient en bénéficier.
En fait, l’Accord actuel ne permet pas non plus au Québec d’exprimer ses critères pour la catégorie de la famille, presque pas pour celle des réfugiées et réfugiés sélectionnés à l’étranger et pas du tout pour les personnes qui font une demande d’asile sur le territoire québécois. Avec la montée des conflits dans le monde et les changements climatiques, on constate une augmentation exponentielle des déplacements de population. Il sera critique que le Québec ait en main tous les leviers nécessaires pour bien gérer les conditions d’accueil, d’arrivée et d’intégration des personnes poussées de leurs pays qui frappent à notre porte.
Une politique d’immigration globale pour le Québec prenant en compte les contextes mondial et local d’aujourd’hui est de mise. Les questions sont complexes et profondes avec des conséquences lourdes sur l’équité, l’inclusivité et la cohésion sociale de la société. L’Accord Canada-Québec fera inévitablement partie du débat.
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