mardi 17 août 2021
[m-à-j 17-08-21 à 16h36]
En cette journée d’été du 15 août, fraîche et ensoleillée, une petite pléiade de la Fédération des Canadiens-Français s’est réunie à mon invitation. Cette journée était aussi le jour de l’Assomption, fête des Acadiens, et incidemment le lancement de la campagne électorale fédérale. Justin Trudeau veut clairement axer celle-ci sur une pandémie, qui, faute de morts, se mesure désormais par le nombre de tests PCR positifs, abusivement appelés des « cas », comme s’il s’agissait de patients dû-ment diagnostiqués. C’est donc sur le maintien d’une hystérie pandémique entretenue avec beaucoup de moyens que Trudeau fonde ses espoirs de former un gouvernement majoritaire. Il se montre déterminé à monter d’un cran la sévérité des mesures liberticides. Ce à quoi toute la presse applaudit. Comme l’opposition qui de son côté, n’a pour toute opposition que des aménagements de façade à offrir à la politique gouvernementale. Sur la ligne de départ elle s’est placée sur la défensive avec peu de chances de se démarquer. Le Bloc québécois ne fait pas exception. Il mord à pleines dents dans la politique pandémique et, sur l’ensemble de l’oeuvre, on a vu son action en Chambre se situer largement en complémentarité des initiatives libérales, rien pour casser des briques. Les Canadiens-Français sont absents des élections fédérales, dans l’esprit des souverainistes, (comme dans l’esprit des fédéralistes du reste) ils n’existent pas.
Retour à notre rencontre pour laquelle une petite dizaine de personnes s’étaient déplacées à Saint-Émile-de-Suffolk. Tout le monde a pris la parole et tout le monde s’est écouté attentivement au cours d’échanges naturels, mais relevés, empreints d’une maturité politique qui s’exprimait dans une atmosphère estivale agréable. Je propose ici, en guise de prolongement à cette rencontre, deux axes de réflexion aux membres et sympathisants de la Fédération des Canadiens-Français.
Le premier axe reprend quelques extraits d’un texte que j’écrivais en octobre 2019 :
Un défi de compréhension :
J’ai reçu des commentaires de lecteurs me disant qu’on ne sait pas trop … où je veux aller … Il est vrai que sortir de la matrice peut poser un défi de compréhension.
Pour bien me faire comprendre, je vais reprendre ici l’essentiel de mes positions avec un souci redoublé de clarté et de concision. Je recommande une reformulation complète de la question nationale dans un cadre nouveau que j’appelle la troisième voie.
Pour une réflexion approfondie
Si ce que je propose n’est pas un changement de doctrine, disons que c’est un appel pour une réflexion approfondie, à chacun d’en juger. Cette réflexion est parfaitement justifiée par une histoire d’échecs qui, à mon avis, restent insuffisamment compris. Les analyses qu’on en a faites plafonnent, elles s’arrêtent aux cadres de la matrice. La raison est simple. Les biographes, universitaires, analystes et les médias, s’ils se distinguent utilement par certains côtés, sur l’essentiel ils achètent les excuses habituelles de leaders politiques, toujours plus enclins à laisser un bon souvenir d’eux-mêmes qu’à nous instruire de leurs erreurs, de leur manque de courage et des petites trahisons. Quoi de plus humain! En parallèle, de petits gardiens du temple s’activent pour endiguer une critique des chefs, des référendums, des partis, etc. qui, trop vive, ferait selon eux le jeu de l’ennemi. Assise sur ses certitudes, la relève freine des quatre fers à l’idée de réécrire le logiciel. […]
On se promène, coincés entre les « petits pas » et le « référendisme ». Même si rien n’a fonctionné, on ne manque pas d’admiration pour des leaders du passé qu’il faudrait loger dans un panthéon des perdants. Penser à René Lévesque ou à Jacques Parizeau, avec en main L’Art de la guerre de Sun Tzu peut vous faire passer une soirée bien déprimante.
Une réflexion sur cinquante ans de perdu demanderait le courage de mettre sur la table ce qui n’a pas fonctionné, soit à peu près tout. Cette initiative salutaire ne peut venir de ceux qui endossent ou minimisent cette succession d’échecs, ceux qui défendent un misérable bilan en blâmant le peuple « qui s’est dit non » et « n’a pas suivi ».
En fait le peuple ne s’est pas dit non. Cette idée est l’excuse de ceux qui, aux manettes, n’ont jamais eu le courage d’en remettre. Mais, il n’y aura pas de prochain référendum. Les possibilités de le mettre en oeuvre sont effectivement disparues, mais il continuera quand même de trôner dans l’imaginaire du Parti québécois. Ce qui était en 1974 une stratégie est devenu une doctrine figée. Le référendum ne sert plus que de liant interne au PQ. On l’a vu lors de la dernière course à la chefferie, où toute tentative de faire un vrai bilan a été esquivée, y compris par Frédéric Bastien, à qui je m’adressais nommément dans 3 ou 4 textes écrits à cette occasion. On comprend qu’un débat sur l’abandon du référendum provoquerait l’éclatement du parti, personne ne veut toucher à ça. À la division on a préféré l’aveuglement. Point barre. https://gilles-verrier.blogspot.com/…/sortir-de-la…
Le deuxième axe de réflexion concerne spécifiquement les enseignements de Sun Tzu sur l’art de la guerre. La campagne électorale fédérale pose une série de problèmes à une armée désorganisée, sans chef et sans doctrine claire. Il est présentement impossible de répondre aux questions / conditions que pose Sun Tzu pour gagner des combats et éventuellement gagner la guerre.
Par où commencer ? Mon intuition serait de mettre la doctrine avant l’action, pour ne pas mettre la charrue avant les boeufs.
Qui sommes-nous ? Que voulons-nous ? Sont deux questions fondamentales auxquelles il faudrait répondre très clairement avant de s’engager dans l’action. Certains parlent d’indépendance du Québec, est-ce bien réaliste ? Serait-ce même un piège mortel alors que nous luttons à un contre dix ? …alors que notre mise en minorité prochaine nous demanderait plutôt de sauver les meubles ? Apprendre à assurer d’abord notre survivance et se penser de nouveau en minorité, après avoir cru pendant cinquante ans à l’idée jovialiste que nous étions à un doigt d’être les maîtres du Québec. Mais qui ? Qui sommes-nous ? L’identité québécoise c’était de nommer d’avance l’identité des habitants d’un nouveau pays; or ce pays n’a jamais vu le jour. Québécois c’était nommer prématurément les citoyens d’un pays indépendant. Qui voulait ça, qui était à la base de ce rêve ? C’était des Canadiens-Français.
Comme René Lévesque qui écrivait dans l’Actualité en octobre 1966 :
« Il est une chose certaine, je le répète, c’est que nous sommes un peuple, nous, les Canadiens français. Peuple ou nation, nous sommes un groupe humain avec sa propre culture, sa langue, ses traditions, son habitat géographique qui a été marqué par nous autres : Jacques Cartier à Gaspé et le Père Albanel à la baie d’Hudson, et tous ceux qui sont venus après. C’est à nous autres le Québec, historiquement et à tous les points de vue qui peuvent compter dans l’histoire du monde. Nous sommes autant un peuple que n’importe qui, et beaucoup plus que de nombreux autres peuples qui ont atteint un statut que nous n’avons pas. »
Ou comme Pierre Bourgault le clamait en 1962 dans un discours :
« Puissions-nous posséder pour toujours ce désir violent qui nous anime. La bataille ne fait que commencer. Il faudra travailler encore et toujours plus à la restauration de la fierté canadienne-française. »
Le peuple qui demande à être reconnu et qui revendique des droits nationaux n’a jamais été autre que le peuple canadien-français. S’il veut survivre, il devra reprendre l’identité traditionnelle qui est la sienne, la seule porteuse des droits et de la légitimité historiques, lesquels sont nés dans la foulée d’une Conquête violente, qui l’a jeté sur le chemin de la survivance. Après 50 ans de jovialisme pan-québécois, marqué par plus de générosité envers les autres composantes de la pluralité du Québec qu’envers eux-mêmes, la dure réalité de sa condition a rattrapé les Canadiens-Français. Le problème, c’est qu’alors que le contexte leur est devenu entièrement défavorable, les Canadiens-Français, n’ont plus de parti politique ni d’organisations civiles pour se défendre. Il faut tout reconstruire… si ce peuple veut encore vivre ? S’il veut poursuivre la singulière épopée qui est la sienne ?
L’Art de la guerre de Sun Tzu
- Sois subtil jusqu’à l’invisible; sois mystérieux jusqu’à l’inaudible ; alors tu pourras maîtriser le destin de tes adversaires.
- Tout le succès d’une opération réside dans sa préparation.
- Celle, celui qui excelle à résoudre les difficultés le fait avant qu’elles ne surviennent.
- Tout l’art de la guerre est basé sur la duperie.
- Une armée sans agents secrets est exactement comme un humain sans yeux ni oreilles.
- La guerre est semblable au feu, lorsqu’elle se prolonge elle met en péril ceux qui l’on provoquée.
Ici, au Québec, ne vivons-nous pas une situation de guerre déclarée depuis des décennies sans l’avoir jamais livrée ?
L’engagement politique au nom du national est, au Québec, prisonnier d’une matrice improductive qu’il a été impossible de briser depuis cinquante ans. Le défi qui se pose n’en est pas un d’activisme politique mais de savoir comment relancer le combat historique des Canadiens-Français sur des bases solides. Qui sommes-nous ? Que voulons-nous ? Ce sont les questions auxquelles une plateforme politique devrait clairement répondre. Rappelons-nous que Option Québec, qui a lancé le PQ en 1968, était d’une prodigieuse ambiguïté, une ambiguïté que n’a jamais quittée le PQ depuis et avec laquelle il mourra sans doute. Le défi qui se pose, celui de mobiliser la nation pour sa survie, demande à la base des idées claires que seule une élite aux idées claires peut formuler.
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec