À Québec : une « gauche » électorale qui se cannibalise

À Québec : une « gauche » électorale qui se cannibalise

Gilles Simard est auteur, journaliste et citoyen de Québec.

Autopeluredebananisation inconsciente ? Cannibalisme avéré ? « Gauche-boa » qui s’éclate la panse en mangeant sa propre queue ? À quatre mois des élections municipales de novembre 2021, ce sont ces images qui me viennent en tête à force de voir les trois partis écolos et progressistes de Québec rivaliser pour espérer succéder au maire Régis Labeaume dans la Capitale nationale (14 ans de règne sans partage). Ainsi, à force de rebuffades et de chamailleries, les trois partis en question, Démocratie Québec (Jean Rousseau), Transition-Québec (Jacquie Smith) et Québec Forte et Fière (Bruno Marchand), pourraient très bien voir l’équipe de Marie-Josée Savard – aspirante mairesse et dauphine de Labeaume dans la continuité, première dans les sondages à 29% – rafler une forte majorité lors des élections du cinq novembre prochain.

De même, la formation Québec-21 (Jean-François Gosselin), un parti anti-tramway axé sur la relance économique, pourrait causer l’étonnement, elle qui joue le rôle d’opposition officielle et qui s’est classée bonne deuxième dans 13 des 21 districts de Québec aux dernières élections (2017).

Benabdallah dans Cap-aux-Diamants ?

Parlant de gauche et d’émiettement des forces, une autre surprise pourrait venir du district Cap-aux-Diamants, un château fort de Démocratie-Québec, où la division du vote entre les trois partis de centre-gauche (et le candidat de Québec-21) pourrait propulser Boufeldja Benabdallah, cofondateur du Centre islamique de Québec et candidat d’équipe Marie-Josée Savard, vers une victoire déterminante. Surtout en sachant qu’aux dernières élections, la majorité de l’élu Jean Rousseau (DQ) était d’à peine trois cents voix sur la candidate d’Équipe-Labeaume.

Cela dit, monsieur Benabdallah, 73 ans, qui est domicilié dans un autre district, s’avère une prise de taille pour l’équipe Savard et pourra certainement rallier à sa cause une partie de la communauté musulmane. N’empêche, en partant de la propension québécoise à séparer le religieux du politique pour garantir une certaine neutralité, et compte tenu aussi des critiques répétées de monsieur Benabdallah contre la loi 21 (tout comme ses déclarations enflammées pour des journées contre l’islamophobie), je ne peux m’empêcher d’être très critique par rapport à cette candidature parachutée, et cela même si l’homme est présenté comme un champion du fameux « vivre-ensemble », notamment parmi les partisans-es de Québec Solidaire.

Ce que je redoute le plus finalement, advenant sa victoire, c’est d’avoir à débattre âprement sur des questions comme l’islamophobie, les accommodements religieux, le voile ou le burkini (comme à Grenoble, avec l’Alliance Citoyenne), alors que d’autres débats sérieux devraient normalement accaparer et attirer toute l’attention et la cohésion des forces progressistes de Québec (3e lien, port de Québec, tramway, relance économique, etc.).

Idem pour la candidature de David Weiser, représentant de la communauté juive à Québec et candidat pour Équipe-Savard (le Plateau, à Sainte-Foy), qui se veut lui aussi un grand promoteur du vivre-ensemble, même s’il est (comme le précédent) très critique vis-à-vis la loi 21. Vraiment, ne manqueraient ici qu’un pasteur anglican et un évêque catholique pour compléter ce tableau idyllique d’inspiration communautariste et trudeauienne !

Ouverture et humilité

La ville de Québec et ses habitants-es du centre-ville et des couronnes de banlieue s’apprêtent à vivre de grands bouleversements, déterminants, déchirants même, pouvant malheureusement aller à l’encontre de leurs intérêts fondamentaux. Aussi, l’ouverture et l’humilité s’imposent, et plutôt que de se cannibaliser éhontément et férocement, les forces progressistes auraient tout intérêt à apprendre à travailler « ensemble », et ce pour le plus grand bien de la communauté.

Et surtout, pour ne pas avoir à le regretter amèrement pendant les quatre prochaines années.

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