Syrian Girl Partisan & Le Cri des Peuples bannis de Twitter
Twitter vous permet de nier le génocide des Palestiniens, mais pas un « génocide ouïghour », donc j’ai été bannie
Par Maram Susli
Maram Susli est une analyste politique et commentatrice syro-australienne. Elle a écrit pour le Journal New East Outlook et Sputnik UK et a été interviewée par France24 et Sky News, entre autres. Suivez-la sur Twitter @partisangirl (quand elle n’est pas bannie) et YouTube (SyrianGirlPartisan).
Source : RT, le 7 août 2021
Traduction : lecridespeuples.fr
Les censeurs des Big Tech font taire des voix comme la mienne, parce qu’ils n’aiment pas que j’expose la vérité sur ce qui se passe en Palestine. Mais ils sont satisfaits des tweets sur les meurtres au Xinjiang, même lorsqu’il n’y a aucune preuve de cela.
Twitter a une nouvelle politique bizarre de censure du discours politique autour des « événements violents ». Le 21 juillet, j’ai découvert en me réveillant que mon compte était verrouillé pour avoir prétendument enfreint les « règles contre les abus et le harcèlement ». J’ai ce compte depuis 10 ans et j’ai accumulé 150 000 abonnés. Je l’utilise, ou plutôt l’utilisais, pour partager mes articles et interviews. Le tweet signalé disait :
« Il y a un génocide contre les Palestiniens. Mais il n’y a pas de génocide ouïghour. Il y a des preuves pour l’un mais pas pour l’autre. Nous pouvons voir les Palestiniens se faire massacrer. En plus de quoi les dirigeants israéliens ont admis vouloir exterminer les Palestiniens. La vérité vous libérera. »
La seule chose qui n’allait pas dans ce tweet était « la vérité vous libérera ». Il s’avère que sur Twitter, la vérité vous enverra en prison. Je ne pense pas que mon tweet ait violé les termes et conditions de Twitter, ce qui rend ce scénario d’autant plus insidieux. Cela signifie que tout tweet à l’avenir, aussi inoffensif soit-il, pourrait vous faire censurer. Plutôt que d’accepter la demande de Twitter de supprimer le tweet et de récupérer mon compte Twitter après 12 heures, j’ai décidé de prendre position en faisant appel de la décision.
Le tweet « offensant »
Je ne suis pas une novice face à la censure par Big Tech. En 2018, j’ai découvert en me réveillant que mon compte Facebook de 40 000 abonnés avait disparu à côté d’une série de gros titres selon lesquels le gouvernement britannique m’avait considéré comme un « bot russe ». Après une série de vidéos et d’interviews qui ont prouvé que je suis, en fait, un être humain, mon compte a été restauré sans aucune reconnaissance ni excuse pour ce qui s’était passé.
Je ne suis pas unique dans mon expérience d’une telle censure. Je fais partie des nombreuses personnes qui ont été réduites au silence sans ménagement sur les réseaux sociaux, parfois sans aucune raison. La demande de censure par des groupes d’intérêts spéciaux a augmenté au point que les Big Tech ont dû reléguer le travail à l’intelligence artificielle, ce qui cause des erreurs et abus environ la moitié du temps.
Voir Guerre électronique : comment Israël manipule et censure les réseaux sociaux
C’est ce que j’avais initialement supposé s’être produit avec mon tweet, que c’était une erreur qui serait rapidement rectifiée une fois qu’un modérateur humain l’aurait examiné. J’avais tort. C’était il y a presque deux semaines, et mon tweet est toujours, apparemment, en phase d’appel. Une recherche rapide sur Google a révélé que de nombreuses personnes ont attendu des mois sans aucun contrôle humain sur le processus d’appel. J’ai décidé d’envoyer un e-mail au support Twitter. Mais ce que j’ai reçu en guise de réponse était encore plus choquant :
« Nous vous écrivons pour vous informer que les fonctionnalités de votre compte resteront limitées pendant le temps imparti en raison de violations des règles de Twitter, en particulier de nos règles contre les comportements abusifs et le déni d’événements violents. »
Il semble que Twitter ait maintenant jugé que la référence à un manque de preuves d’un « génocide ouïghour » soit un « déni d’événements violents » et donc un crime de pensée. Pourtant, aucun organe des Nations Unies n’a actuellement conclu à un tel génocide ouïghour. Même les journalistes écrivant dans The Economist et le Council of Foreign Relations (CFR) se sont demandé si l’étiquette de génocide était la bonne pour décrire ce qui arrive aux Ouïghours dans la province chinoise du Xinjiang.
En fait, personne n’accuse même la Chine d’avoir commis des massacres de Ouïghours, ou un « événement violent » selon les termes de Twitter. Ce qui a été affirmé, c’est que la Chine met les Ouïghours dans des camps de prisonniers. La Chine affirme que les hommes sont placés dans des « centres d’enseignement et de formation professionnels », et qu’ils ont des sympathies terroristes ; les États-Unis soutiennent qu’ils sont placés dans des camps simplement parce qu’ils sont musulmans.
Je suis originaire de Syrie, donc je sais tout sur la guerre et le génocide. Je sais également que jusqu’à 5 000 combattants ouïghours ont rejoint Al-Qaïda pour lutter contre la Syrie et que le terrorisme a été une menace réelle à la fois pour la Syrie et pour la Chine. Quoi qu’il en soit, un camp de prisonniers ne constitue pas un génocide ; si c’était le cas, les États-Unis seraient accusés de génocide pour avoir placé des Ouïghours à Guantanamo Bay au cours des 20 dernières années. Sans parler de l’incarcération massive de ses propres ressortissants, dont une majorité de Noirs, dans des prisons ordinaires.
Cela montre l’hypocrisie de la façon dont Twitter applique ses règles de manière sélective. Vous ne serez pas censuré sur Twitter pour avoir nié le génocide des Palestiniens. Même s’il existe des décennies de preuves indéniables de massacres systématiques et de nettoyage ethnique des Palestiniens par l’État d’Israël. Les Palestiniens sont expulsés de leurs maisons, jetés en prison ou tués simplement pour le « crime » d’être palestinien. Ils ne sont pas autorisés à hisser leur propre drapeau, à conserver leur identité ou même à se déplacer librement dans leur propre pays. En revanche, il n’y a aucune preuve ni même la moindre accusation de massacres contre les Ouïghours. Ironiquement, c’est l’existence de ce double standard que mon tweet a essayé de mettre en évidence, et la censure de Twitter a prouvé que j’avais raison.
Le récit du « génocide ouïghour » est la dernière crise humanitaire imaginée par Washington pour justifier la prochaine guerre, et Twitter censure sélectivement quiconque ose remettre en question ce récit. N’oublions pas combien de millions de personnes sont mortes à travers le Moyen-Orient grâce aux États-Unis, sur la base de tels mensonges ; les prétendus bébés tués dans les couveuses ont vendu la première guerre du Golfe ; les armes de destruction massive inexistantes ont vendu la guerre en Irak : les mensonges sur Kadhafi utilisant des mercenaires noirs ou distribuant du Viagra à ses troupes en Libye : les mensonges sur les attaques chimiques de la Syrie qui ont été utilisées pour justifier de multiples campagnes de bombardements et l’occupation actuelle de ce pays par les États-Unis et leurs comparses. Une occupation qui, avec les sanctions, affame et prive 17 millions de Syriens de pain et de carburant. Ces mensonges, que Twitter nous refuse le droit de remettre en question, sont à l’origine de la vraie violence. En choisissant sélectivement quelles allégations de violence peuvent et ne peuvent pas être niées, Twitter est devenu une chambre d’écho du Département d’État américain.
Il serait négligent de ne pas mentionner l’implication du lobby pro-israélien dans cette affaire. Il est possible que la raison de ma censure ait plus à voir avec la dénonciation d’un génocide palestinien que le manque de preuves d’un génocide ouïghour. Mon compte Twitter a récemment été mentionné dans les médias israéliens pour avoir défendu le droit à la liberté d’expression de l’ancienne sénatrice Cynthia Mckinney. Ce n’est sûrement pas une coïncidence si mon compte Facebook a également été récemment bloqué deux fois pour avoir publié une vidéo comparant Israël à Daech. Je suis également une cible fréquente du tristement célèbre éditeur pro-israélien de Wikipedia « Philip Cross », qui tente de me diffamer ainsi que de nombreuses autres voix anti-guerre importantes. Il est possible que nous soyons ciblés pour notre position pro-palestinienne, et n’importe quelle excuse fera l’affaire pour nous faire taire.
Quelle est la solution face à cette censure ? Il est inévitable de migrer vers des alternatives de médias sociaux aux Big Tech. Des alternatives à Twitter telles que PanQuake et GAB, et des alternatives à YouTube telles que Bitchute et Odysee, pourraient éventuellement prendre la place des géants. En attendant, nous devons prendre position pour la liberté d’expression dans la mesure du possible. J’ai contacté Twitter pour leur donner la possibilité de commenter, mais je n’ai pas eu de réponse. Si vous souhaitez les interroger sur leur censure, n’hésitez pas à tweeter cet article sur @Twittersupport.
Mise à jour : cet article de RT a finalement permis le déblocage du compte Twitter @partisangirl le 8 août
Je suis de retour ! Après avoir été bloquée de Twitter pour avoir dit qu’il y avait un génocide palestinien, il a fallu un article de @RT_com à ce sujet pour que mon compte Twitter soit restauré. Je vais être une défenseuse de ceux qui sont censurés mais pas aussi chanceux.
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Le Cri des Peuples censuré par Twitter depuis le 25 juillet 2021
« On avait sûrement calomnié Joseph K., car, sans avoir rien fait de mal, il fut arrêté un matin. » Ainsi commence Le Procès, œuvre de Franz Kafka de 1925, dans laquelle Joseph K., employé de banque sans histoires, est arrêté à son domicile par de mystérieux agents et notifié d’une procédure judiciaire engagée à son encontre. Il n’est pas informé du délit ou crime dont il se serait rendu coupable – on lui laisse seulement entendre qu’il aurait enfreint une loi inconnue –, et se voit remettre une convocation au tribunal un certain jour, sans que l’heure ou le lieu exacts soient indiqués. Le protagoniste est entrainé dans un engrenage complètement absurde, balloté entre inspecteurs, huissiers, avocats et juges, et ne sachant à aucun moment de quoi ou contre qui il doit se défendre. Il est finalement exécuté par trois bourreaux distingués qui, avec d’ « horribles politesses », lui plantent un couteau de boucher dans le cœur.
Mon compte Twitter Le Cri des Peuples, qui compte plus de 1000 abonnés, est bloqué depuis le 25 juillet à cause d’un Tweet ironique anodin dénonçant le corporatisme d’un journaliste.
Voici le contexte : un anonyme a croisé le présentateur TV vedette de Fox News, Tucker Carlson (équivalent de notre folliculaire national Pascal Praud), dans un magasin, et l’a abordé sans agressivité aucune, lui disant, avec le sourire, qu’il est « le pire homme connu de l’humanité » (voir la vidéo). Un journaliste du nom de Dinesh D’Souza a réagi en disant que « C’est une vidéo choquante. Cet homme devrait être arrêté pour ce qu’il a fait à Tucker Carlson devant sa fille. »
J’ai surenchéri ironiquement sur ce Tweet grotesque en disant « Arrêté ? Il devrait être exécuté ! Comment des moins-que rien osent-ils ne serait-ce qu’adresser la parole à des stars de la TV ? »
Ce Tweet a été considéré comme un comportement inapproprié & du harcèlement par Twitter.
J’avais le choix entre accepter ce verdict injuste, et voir mon compte bloqué partiellement pendant 7 jours, ou faire appel. J’ai fait appel, et mon compte est TOTALEMENT bloqué depuis maintenant 3 semaines : je ne peux même pas y accéder !… Sauf si j’annule mon appel. Et je parie que même si je le faisais, j’aurais encore 7 jours d’impossibilité de publication, malgré le blocage de facto depuis 3 semaines…
J’ai écrit un mail très courtois au support Twitter, mais je n’ai reçu aucune réponse. Le voici :
Bonjour,
Mon compte @lecridespeuples est bloqué depuis le 25 juillet à cause d’un tweet ironique destiné à défendre le droit de parler aux présentateurs de télévision, alors qu’un journaliste appelait à l’arrestation d’une personne qui avait poliment critiqué Tucker Carlson en face à face, sans aucune sorte d’agression verbale ou physique justifiant l’arrestation.
Mon tweet disait « Arrêté ? Il devrait être exécuté ! Comment des moins-que rien osent-ils ne serait-ce qu’adresser la parole à des stars de la TV ? »
Je ne vois pas comment ce tweet pourrait être considéré comme du harcèlement envers qui que ce soit, car l’ironie est évidente dans l’hyperbole, et il est destiné à défendre et non à condamner la personne qui a parlé à Tucker Carlson (et à dénoncer l’apparent corporatisme de Dinesh De Souza, dont la biographie se présente comme, entre autres titres, un « provocateur »… : https://en.wikipedia.org/wiki/Dinesh_D%27Souza).
J’ai fait appel de la décision, mais mon compte a été bloqué depuis car il semble que l’appel n’ait pas encore été examiné. Deux semaines sans accès à mon compte, c’est beaucoup.
Soit dit en passant, je ne comprends pas comment accepter une condamnation coûterait 7 jours d’impossibilité de tweeter, tout en pouvant accéder à mon compte, alors que faire appel de la décision coûte, pour l’instant, plus de 2 semaines de compte bloqué ET inaccessible.
Pourriez-vous examiner mon appel et déverrouiller mon compte ?
Merci et meilleures salutations.
Comme Partisan Girl, je ne suis pas un novice face à la censure : Youtube, Facebook, Vimeo et Mediapart ont tous censuré totalement ou partiellement mes pages, chaînes et/ou contenus par le passé, me faisant perdre des dizaines de milliers d’abonnés et me contraignant à recommencer à zéro à chaque fois. Soutenir la cause palestinienne, l’Axe de la Résistance (Iran, Syrie, Hezbollah…), la Russie, Cuba, le Venezuela, Julian Assange, etc., n’est pas très recommandé par Big Tech, porte-voix de Washington, et entraîne de tels désagréments. La nouveauté est que c’est un tweet anodin qui provoque le couperet, ce qui permet à Twitter de masquer le contenu véritablement ciblé.
Voir La liberté d’expression, Hassan Nasrallah et autres victimes de la censure sur Internet
J’invite donc à mon tour ceux qui veulent protester contre cette censure à tweeter cet article à @Twittersupport, et à s’abonner à ma Newsletter par e-mail, meilleur moyen de contourner la censure. Vous pouvez également me suivre sur Twitter (compte principal bloqué temporairement (espérons) & compte de secours), Facebook, Youtube et VKontakte.
Le Cri des Peuples
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Source: Lire l'article complet de Le Cri des Peuples