La rage de manipuler la vie, d’en extorquer le sacré, est celle de toutes les dictatures politiques ou scientifiques, et manifeste le dépit, l’arrogance des petits maîtres devant la folle, la généreuse, la sublime, l’inextricable complexité du Réel. Cette obsession impose au monde où nous vivons un ordre réductif et mortifère.
Or notre société contemporaine n’a qu’un but: éradiquer à tout prix de nos existences ces zones incontrôlables — zones de brouillard, de gestation, zones d’ombre — et d’instaurer partout où elle le peut le contrôle et la surveillance.
En refusant la nuit, comme le déplorait le poète Novalis, notre imaginaire collectif livre une guerre à mort contre le réel et provoque la montée de tout ce qu’il voulait éviter: la peur, le désespoir, la violence déchaînée, la recrudescence de l’irrationnel.
— Christiane Singer, Où cours-tu?, Albin Michel, 2001.
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