Au XVIe siècle, le royaume de France s’est constitué et agrandi siècles après siècles autour des Francs. Ces Celtes avaient eu l’autorisation des Romains, de s’installer sur des terrains situés dans l’île de France, au moment de la colonisation romaine. Ils s’étaient assimilés à la civilisation romaine tout autant que les autres Gaulois, parlaient tout autant qu’eux le latin, vivaient et s’habillaient eux aussi comme les Romains. Après cinq siècles de colonisation, la chute de la civilisation laissa tous ces peuples colonisés largement romanisés, ainsi ils continuèrent à vivre encore longtemps sur cet essor apporté par Rome, y compris son administration.
Le latin, parlé par tous, prit des chemins de traverse selon les régions ce qui donna différents dialectes locaux, favorisés plus tard au Moyen Age par l’organisation féodale, chacun de ces fiefs faisant vivre ses habitants autour d’un Seigneur. La langue des gens cultivés et instruits resta le latin, utilisé pour tous les textes que ce soit pour l’administration, pour les études, la justice ou l’église etc. Tout était uniquement en latin, langue que ne comprenait pas vraiment le reste de la population.
Le pays offrit deux langages assez distincts, au-dessus d’une ligne située au niveau de la Loire, toute cette partie Nord parlait la langue d’Oïl, la langue des Francs, qui deviendra peu à peu le français tandis qu’au Sud de la Loire, ce qui constituait l’Occitanie, utilisait la langue d’Oc. Oc et Oïl signifiait « oui » dans ces deux langues régionales, issues également du latin mais dont les accents différaient. De nombreux parlers et des accents régionaux s’étaient ainsi formés autour de ces deux grands pôles linguistiques.
Peu à peu des mouvements commençaient partout à promouvoir une langue vernaculaire commençant à faire reculer le latin comme avec cette grammaire castillane, édictée par Antonio de Nebrija en 1492.
Même si la langue d’Oïl était un dialecte comme les autres, elle finit néanmoins par l’emporter sur les autres dialectes. Située au niveau de la cour du Roi elle en avait tout le prestige, mais géographiquement elle prospérait sur une situation économique et culturelle importante, contribuant à rehausser son influence et son attrait. Au cours des siècles elle avait intégré de nombreux mots empruntés aux autres parlers locaux, lors des nombreux échanges commerciaux et des grandes foires, où les gens se déplaçaient depuis toutes les autres régions, mais principalement de celui de la langue d’Oc. Elle commença à s’imposer partout comme la langue des échanges et de la culture.
Cela devint si probant que le Parlement de Toulouse en 1448 avait décidé de ne plus utiliser que « la langue du Roy » dans tous ses travaux et écrits alors pourtant qu’en Occitanie la langue d’Oc y était encore non seulement prépondérante, mais avait été dans les siècles précédents, une langue admirée parfois jusque dans des cours les plus reculées d’Europe, avec ses poèmes de l’Amour Courtois, Quelques poètes s’étaient réunis à Toulouse où ils avaient créé la première Académie de lettres et de poésie, celle du Gay savoir en 1323.
Les poèmes en langue d’Oc des troubadours et cet Amour Courtois qui les faisaient rêver, avaient énormément influencé les habitants au-dessus de la Loire. Alors les poètes de langue d’Oïl, ayant admiré ces troubadours, leurs textes et leurs poèmes délicats du Sud, s’en inspirèrent, ils s’appelèrent trouvères, créant à leur tour des poèmes lyriques et leurs plus belles légendes y compris bretonnes.
Constatant toutes ces évolutions la décision du roi en ce mois d’Août 1539 ne fit qu’entériner et soutenir ce qui commençait à se produire linguistiquement. Ce Souverain avait déjà entrepris d’importantes réformes à travers le pays. La Sorbonne, créée trois siècles auparavant par Robert de Sorbon en 1227, offrait un enseignement totalement en latin, quelle que soit la matière, y compris pour rédiger une thèse, ce qui se perpétuera jusqu’au XXème siècle. François Ier avait récemment créé un premier évènement, en fondant en 1530 le futur Collège Royal – plus tard le Collège de France – juste en face de la Sorbonne, ce qui concurrença cette dernière remplie de professeurs souvent ecclésiastiques, tous profondément attachés au latin, en présentant des professeurs s’exprimant uniquement en Français.
Le Roi venait souvent au château de Villers-Cotterêts, situé au Nord de Paris, il l’avait fait rénover pour pouvoir venir chasser dans les environs, il y dirigeait et administrait alors le pays depuis ce château. Le nom de « Villers-Cotterêts » avait été une contraction de la « villa à côté de Retz », du fait de sa proximité avec la forêt de Retz, dans l’Aisne.
Afin que tous les textes et documents administratifs et judiciaires puissent être accessibles à tous ses sujets, dès le 10 août 1539 mais étayé encore et conforté jusqu’au 25 août, le roi va faire élaborer et rédiger par le chancelier de France, Guillaume Poyet, dans un but de centralisation du royaume, une ordonnance qu’il signera dans la résidence royale de Villers-Cotterêts.
Cette Ordonnance va faire de « la langue du roi », cette ancienne langue d’Oïl, la langue officielle de la France. Elle a été primordiale, elle a permis de constituer l’identité française.
Son intitulé exact «Ordonnance générale sur le fait de la justice», sera enregistrée le 6 septembre 1539 au Parlement de Paris, elle sera également connue sous l’appellation de «Guillemine» ou «Guilelmine» du nom de Guillaume Poyet, chancelier de France de 1538 à 1542.
C’est une longue ordonnance comprenant 192 articles avec de nombreux détails pour chaque article. Elle traite de diverses préoccupations administratives du royaume, telles quela justice ou la police la ou encore les finances, mais la véritable modification va résider dans les articles 110 et 111 qui imposent l’usage du français dans les actes administratifs.
Elle concerne aussi la gestion et l’administration du royaume. Elle prend des mesures pour imposer l’indépendance de la justice et la laïciser par rapport à l’Eglise, « en ne laissant aux autorités religieuses que leur seule compétence dans le domaine de la foi. ». Elle refonde les juridictions ecclésiastiques rendant obligatoire la tenue des registres pour les baptêmes et les décès par les prêtres des paroisses, à l’exception des communautés juives minoritaires et de quelques excommuniés, ce qui sera une avancée pour les généalogies.
Ainsi le roi officialisa l’état civil par les articles 50 à 55 même si ces paroisses le faisaient déjà puisque certains registres existaient mais sans doute beaucoup moins systématiquement et rigoureusement. « Il fut ordonné que les curés tiendraient un pareil registre en bonne forme, sur lequel ils inscriraient le jour et l’heure de la naissance et du baptême de tous les enfants de leur paroisse. Enfin il fut ordonné que tous les ans les curés et les chapitres seraient obligés de déposer ces registres au Greffe du bailliage le plus voisin, afin qu’on pût y recourir et en délivrer des extraits aux parties qui le requerraient. »
L’ordonnance réduisit certaines prérogatives des villes.
L’article 168 concernant la légitime défense précise que celui qui a agi pour sa seule défense y compris s’il y a eu homicide, car contraint de tuer pour défendre sa personne, « sera absous par la grâce du Roi. »
Les articles 110 et 111 de l’Ordonnance sont les plus anciens textes de loi encore en vigueur en France. Ils n’ont jamais été abrogés et peuvent être retrouvés sur le site officiel qui rassemble toutes les lois et tous les textes réglementaires français, le site Légifrance. Deux exemplaires originaux se trouvent aux archives d’Aix en Provence dans les bouches du Rhône ainsi qu’aux archives départementales de l’Isère.
C’est l’Acte fondateur du français en lieu et place du latin. Dès lors la langue française devient la langue officielle du droit et de l’administration.
Le français était déjà la langue des élites, des commerçants et d’une part de la population des villes. Il permettait à tous de se comprendre d’une région à l’autre du royaume. L’usage qui avait été jusqu’alors de rédiger en latin les actes, les procédures et les jugements, en procurant « à la mauvaise foi les moyens de tromper l’ignorance confiante, était une source intarissable de procès ; les praticiens les plus honnêtes, mais peu instruits, ajoutaient souvent à la difficulté d’entendre leurs actes, soit par l’ambiguïté de leurs expressions, soit par une application absolument impropre. » Le Roi de France, François Ier, par cette mesure, en assurant l’unité du royaume par une langue commune à toute la nation, va permettre une meilleure compréhension des jugements de justice notamment, tout en étant un moyen pour le pouvoir royal de s’affirmer, et de réduire l’influence de l’Église. Le français remédiera à tant d’inconvénients.
L’Ordonnance de Villers-Cotterêts marquera un premier pas majeur vers une diffusion de la langue française partout sur le territoire.
L’article 110 fait référence au besoin d’intelligibilité des actes : « que les arrêts soient clairs et compréhensibles », et également à la volonté d’uniformiser leur lecture pour une meilleure compréhension : « nous voulons et ordonnons qu’ils soient faits et écrits si clairement qu’il ne puisse y avoir aucune ambiguïté ou incertitude, ni de raison d’en demander une explication. »
L’article 111 impose la langue française comme unique langue : « Et parce que de telles choses sont arrivées très souvent, à propos de la [mauvaise] compréhension des mots latins utilisés dans lesdits arrêts, nous voulons que doresenavant tous les arrêts ainsi que toutes autres procédures, que ce soit de nos cours souveraines ou autres subalternes et inférieures, ou que ce soit, sur les registres, enquestes, contractz, commissions, sentences, testamens et autres quelzconques actes et exploictz de justice, ou qui en dépendent, soyent prononcez, notifiez, enregistrez et délivrez aux parties, en langage maternel françois, et non autrement »
Ces quelques lignes ont une importance considérable encore aujourd’hui, elles constituent l’élément central de l’ordonnance de Villers-Cotterêts, signée à partir du 10 août 1539 par François Ier, entérinée définitivement le 25 août, cela constitue l’acte de naissance de la primauté et de l’exclusivité du français, dans les documents relatifs à la vie publique du royaume de France, jusqu’ici rédigés uniquement en latin... Cette ordonnance royale ayant force de loi, permit dorénavant à tous les sujets du royaume de France de comprendre la langue de l’administration.
Appliquée également en Nouvelle France, tant le Canada français que l’Acadie française, les Britanniques n’ont pas révoqué les lois françaises après leur annexion de l’Acadie en 1713. Le français est toujours la seule langue officielle dans les provinces canadiennes d’aujourd’hui, l’île du Prince Edouard et la Nouvelle Ecosse, ce qui pourrait soutenir les Acadiens dans leurs droits !
Le français, est la 5e langue la plus parlée à travers le monde. Avec près de 300 millions de francophones dans le monde, le français reste important dans le paysage linguistique mondial. La langue de Molière contrairement à ce qu’une pensée générale nous renvoie, ne cesse d’attirer de nouveaux locuteurs.
Deuxième idiome dans l’Union Européenne le plus étudié, troisième langue des affaires dans le monde, en progression de 15% en Afrique subsaharienne et de 30 % sur le continent africain en tant que langue d’enseignement au Burkina Faso, Sénégal, Gabon, Congo, Bénin, et Burundi, la langue française reste une langue d’avenir. Selon les prévisions, elle devrait devenir à partir de 2050, la langue la plus parlée dans le monde devant l’anglais et le mandarin et selon également une étude de la banque Natixis.
Grâce à la loi constitutionnelle du 25 juin 1992, qui a apporté des modifications à la Constitution de 1958, l’utilisation officielle de la langue française est inscrite dans la Constitution française : “La langue de la République française est le Français.
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec