« En l’an 1878, je pris mon diplôme de docteur en médecine à l’Université de Londres et je me rendis à Nepley pour y suivre les cours imposés aux médecins militaires. Y ayant achevé mes études, je fus dûment désigné pour le 5e régiment d’infanterie du Northumberland en qualité d’aide-major.
Le régiment était alors en garnison aux Indes et, avant que j’eusse pu le rejoindre, la seconde guerre afghane avait éclaté. En débarquant à Bombay, j’appris que mon unité s’était avancée à travers les défilés et qu’elle était loin déjà en territoire ennemi. Je la suivis cependant, avec bon nombre d’autres officiers qui étaient dans la même situation que moi, et je réussis à atteindre sain et sauf Kandahar, où je trouvai mon régiment et j’entrai immédiatement en fonction.
La campagne rapporta honneurs et avancements à beaucoup mais, à moi, elle ne procura que malheurs et désastres. On me détacha de ma brigade pour m’adjoindre au régiment de Berkshire, avec lequel je combattis à la fatale bataille de Maiwand. Là, je fus atteint à l’épaule par une balle qui me brisa l’os et effleura l’artère sous-clavière. Je serais tombé entre les mains des Ghazis assassins sans le courage et le dévouement dont fit preuve mon ordonnance, Murray. En me jetant sur un cheval de bât, il réussit à me ramener dans les lignes anglaises. »
C’est ainsi que le bon docteur Watson commence la narration des aventures de son célèbre ami Sherlock Holmes. Présent dès la première page du premier livre, l’Afghanistan reviendra par la suite régulièrement dans l’oeuvre de Conan Doyle. Il faut dire que c’était l’époque du Grand jeu, quand Britanniques et Russes étaient engagés dans une lutte colossale en Asie centrale, chacun tentant de faire entrer le rétif royaume dans sa sphère d’influence…
Ironie de l’histoire, Maiwand revient aujourd’hui sous les feux de l’actualité. Les Taliban viennent en effet de capturer la ville, coupant la route occidentale reliant Kandahar :
Les « étudiants » en théologie ont le vent en poupe depuis l’annonce du retrait US. Chaque jour apporte son lot de prises, comme cette piteuse reddition d’un bataillon des forces spéciales afghanes qui offre armes et bagages (et Humvee) à ses adversaires.
En deux petits mois, les Taliban ont mis la main sur une soixantaine de districts supplémentaires et la carte commence à devenir sacrément compliquée pour le gouvernement central qui ne contrôle plus véritablement qu’un quart du pays…
Désormais, la question n’est plus de savoir si les Taliban vont gagner, mais quand. Sur ce point, les avis divergent. Beaucoup voient se répéter dans les prochains mois un scénario « à la vietnamienne », qui verrait le gouvernement tomber dès que le dernier GI sera monté dans le dernier hélicoptère.
Souvenons-nous cependant qu’après le départ de l’Armée rouge en 1989, et alors qu’on lui prédisait exactement le même sort, le régime communiste afghan a quand même tenu jusqu’en 1992 avant de chuter.
Que cela dure trois semaines, trois mois ou trois ans, le résultat final est écrit. Qu’ils sont loin, les fabuleux rêves impériaux visant à faire de l’Afghanistan une plateforme pour se lancer à l’assaut de l’Asie centrale et diviser l’Eurasie pour toujours…
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