Quatre ans après le quadruple meurtre de la famille Troadec à Orvault (44), le procès d’Hubert Caouissin et de sa compagne, Lydie Troadec, va s’ouvrir pour trois semaines à Nantes, à partir de ce mardi. Deux thèses radicalement opposées vont s’affronter.
Quatre meurtres non prémédités, ou pas
Hubert Caouissin s’est-il rendu, dans la nuit du 16 au 17 février 2017, au domicile de son beau-frère, pour tuer toute sa famille ? L’instruction a tranché cette question par la négative, validant le scénario délivré par le principal accusé, Hubert Caouissin : lui venait pour faire un double des clés de la maison, pour trouver ensuite une preuve que son beau-frère avait accaparé un trésor familial – des pièces et lingots d’or (dont une enquête poussée n’a jamais trouvé la moindre trace). Il aurait été surpris en pleine nuit dans la maison, et se serait défendu face à son beau-frère armé d’un pied-de-biche. Une « lutte à mort » aurait suivi, entraînant le décès de ses « assaillants » : son beau-frère et sa belle-sœur, Pascal et Brigitte Troadec, âgés de 49 ans, et leurs deux enfants, Charlotte et Sébastien, âgés de 18 et 21 ans.
L’instruction, après trois ans d’enquête, a tranché en ce sens. Mais c’est pourtant cette interrogation que porteront les parties civiles pendant les trois semaines du procès qui s’ouvre, ce mardi 22 juin, devant la cour d’assises de Loire-Atlantique. Si de nouveaux éléments faisaient rejaillir cette hypothèse, la présidente de la cour d’assises pourrait requalifier les faits en assassinats. Ce qui ne changerait pas la peine encourue. Hubert Caouissin risque déjà, avec la qualification juridique, originale, retenue – « crime suivi de crimes » -, la réclusion criminelle à perpétuité. La conviction des parties civiles que le scénario déroulé n’est pas le bon repose sur une série de zones d’ombre.À lire sur le sujetAprès la reconstitution, le choc des versions2 Un homme seul face à quatre adultes
C’est la question que tout le monde se pose : comment un homme seul a-t-il pu venir à bout de quatre adultes, quasi simultanément, comme le prétend Hubert Caouissin (qui ne présente, par ailleurs, aucune trace de coup apparente lors de ses deux gardes à vue, sept et 14 jours après les corps à corps mortels) ? Pour expliquer les faits, les parties civiles esquissent une autre hypothèse : Hubert Caouissin aurait d’abord attaqué les deux enfants du couple, dans leurs lits, pendant leur sommeil. La morphoanalyse des traces de sang indique que ceux-ci auraient pu être frappés « en position basse ou allongée sur leurs lits ». Une thèse « délirante et irrationnelle », selon la défense d’Hubert Caouissin. « Tout d’abord, aucun élément ne vient l’établir, assurait, fin avril 2019, Me Thierry Fillion. Et si cela avait été le cas, pourquoi mon client aurait-il pris le risque de tuer avec une arme qui ne pouvait que générer beaucoup de bruit et de sang ? » « Et si les parties civiles ont cette conviction, pourquoi n’ont-elles pas contesté l’instruction et fait appel de l’ordonnance de mise en accusation ? », ajoute la défense.À lire sur le sujetLe scénario d’une nuit d’horreur3 D’où vient l’arme du crime ?
Autre question soulevée : d’où vient l’arme du crime, jamais retrouvée ? « Dans le scénario d’Hubert Caouissin, Pascal Troadec descend avec. « Cela voudrait dire qu’il conservait un pied-de-biche dans sa chambre ? !, interroge l’une des parties civiles. Et s’il le récupère en bas, dans le garage, comment a-t-il pu franchir l’obstacle Hubert Caouissin ? » L’hypothèse des parties civiles : Hubert Caouissin est venu avec le pied-de-biche (ce qu’il a toujours nié).4 Les autres éléments troublants
Les parties civiles pointent d’autres éléments troublants : la consultation de pages web, quelques jours avant les faits, notamment consacrées aux techniques d’identification criminelle, les préparatifs pour repérer les lieux, la disparition de l’arme du crime, des corps et des crânes des victimes (impossibilité de déterminer les blessures infligées, les circonstances et les causes de la mort), l’utilisation d’une fausse plaque d’immatriculation pour effectuer les trajets entre Orvault (44) et Pont-de-Buis (29), l’achat de talkies-walkies un mois avant les faits…5 Le rôle de Lydie
Autre enjeu pénal : quel rôle Lydie a-t-elle joué ? Là encore, l’instruction a tranché. Elle n’a retenu aucune complicité. Mais des interrogations, estiment les parties civiles : chargement des corps dans la Peugeot 308 du fils Troadec quasi impossible seul, selon elles, étant donné l’exiguïté du garage ; carnet de notes de Lydie où elle détaille avec une grande précision le contenu de la maison, y compris celui de certains tiroirs. Au bas d’une page, elle consigne la présence d’une boîte à musique dans la chambre de Sébastien qui « ressemble à la mienne ». Quelle position adoptera Lydie Troadec au cours du procès ?
Source : Le Télégramme
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