Par Andrew Korybko − Le 8 juin 2021 − Source Oriental Review
Le discours d’ouverture de Poutine lors du SPIEF de cette année a été remarquable, car cet événement présentiel a constitué le premier forum économique internationale à grande échelle depuis l’éclatement de la crise du COVID-19 l’an dernier. Cela montre par conséquent que tout est en train de revenir à la normale dans le monde, mais que beaucoup de choses restent à faire, surtout pour assurer une reprise économique globale équitable, et un accès universel aux vaccins.
Le président russe Vladimir Poutine a prononcé le discours d’ouverture du Saint Petersburg International Economic Forum (SPIEF), édition 2021, cette semaine. Il a promis au cours de ce discours que son pays allait contribuer à mener la reprise économique mondiale après la Covid-19. Il a souligné que le fait même que cette rencontre se déroule sur un mode présentiel indique le retour progressif à la normale dans l’économie internationale et la vie en général. Le dirigeant russe a également fait mention de son optimisme quant à l’avenir de la croissance économique globale cette année, et l’a attribué aux politiques fiscales mises en œuvre par les banques centrales de nombreux pays.
Néanmoins, le président Poutine a noté les problèmes qui pourraient être induits par une reprise économique globale inéquitable. Il a rappelé à chacun que les 16 % du monde qui vivent dans les pays à forts revenus étaient responsables d’environ 50 % de la production de vaccin contre la Covid-19, ce qui explique pourquoi cette zone du monde se rétablit plus rapidement que les pays en développement qui manquent fortement d’accès au vaccin, de capacités de production, et même des fonds nécessaires à l’achat de ces traitements. Le dirigeant russe s’est plaint que certains pays n’aient pas honoré leur responsabilité d’aider les autres, et il a également condamné la politisation par ces pays quant à leur processus d’approbation de certains vaccins, faisant clairement référence aux États-Unis.
Contrairement à ces pays non nommés mais clairement désignés, il a souligné que le vaccin Sputnik V produit par la Russie n’est pas seulement reconnu dans environ 66 pays, mais que des infrastructures de production sont construites dans nombre de ces pays pour renforcer les capacités de ses partenaires. Il estime que cela va accélérer leur reprise économique et relève donc de l’intérêt partagé. Sur le front intérieur, le président Poutine a explicité toutes les mesures déjà adoptées par son pays pour survivre à la crise économique et ainsi réussir à éviter une catastrophe. En se projetant sur les deux prochaines années, il a ensuite souligné les plans de la Russie visant à assurer une croissance de haute qualité et à attirer plus d’investissements.
Ces plans comprennent des solutions ciblées et sur mesure pour chacune des nombreuses régions du plus grand pays au monde géographiquement, et l’on y trouve des emprunts d’infrastructure subventionnés par le gouvernement, une coopération accrue entre les autorités centrales et régionales, des programmes pour l’emploi des jeunes et l’entreprenariat, une dérégulation responsable, des mesures visant à rendre le logement plus accessible, comme la construction sur base d’un programme d’emprunt, un soutien continu pour les PME, et une réforme des impôts. Son articulation détaillée de chacune de ces politiques visait à accroître l’attractivité de la Russie pour les investisseurs étrangers, en soulignant sa compétitivité pour l’avenir.
À ce sujet, le président Poutine a consacré une part importante du troisième tiers de son discours au rôle de la Russie pour aider à résoudre la crise climatique globale. Il a répété ses engagements aux pactes, comme l’accord de Paris, et a exprimé son espoir que tous les pays travaillent ensemble pour résoudre ce défi civilisationnel sans le politiser dans des buts de bloquer les investissements, le commerce, ou les échanges technologiques. Le dirigeant russe a ensuite décrit les conséquences potentielles d’un changement climatique incontrôlable pour les régions russes du grand Nord et de Sibérie, afin de rassurer chacun sur le niveau de sérieux avec lequel Moscou considère ces menaces.
Le président Poutine s’est alors employé à décrire le rôle prometteur de la Russie sur le marché émergent des unités carbone. Son pays dispose d’un potentiel colossal du fait de sa grande taille et du fait que l’on y trouve environ un cinquième des forêts du monde pouvant absorber les émissions de carbone. En donnant la priorité à la reforestation, en étendant les réserves naturelles, et en améliorant la réhabilitation du territoire, il espère que la Russie va se positionner à la pointe mondiale en ce domaine. Il a alors décrit les mérites de cette vision, qui va voir un investissement accru dans les technologies vertes déboucher sur une meilleure réhabilitation du territoire, ce qui amènera en soi à des emplois de plus haute qualité et à de meilleurs niveaux de vie pour tous.
En matière de démonstration de faisabilité, le président Poutine a révélé que la Russie innove sur un système combiné entre intelligence artificielle et satellite, qui pourra surveiller les émissions de CO2, les ressources hydriques, et d’autres éléments pertinents, en temps réel. Le pays projette même de dévoiler un projet pilote d’unités carbone dans la région de Sakhalin, en extrême-Orient, pour tester tout cela. Cependant, pour que le monde puisse réellement bénéficier de ce marché émergent, le président Poutine a affirmé qu’il doit exister une reconnaissance mutuelle d’un système de calcul des émissions et absorptions de carbone, etc., chose pour laquelle il a ordonné au gouvernement russe de fournir un cadre de régulation d’ici au mois de juillet 2022.
En résumé, le discours d’ouverture du président Poutine lors du SPIEF de cette année a été remarquable, car l’événement présentiel représente le premier regroupement économique international à grande échelle depuis l’éclatement de la crise de la Covid-19 en début d’année dernière. Cela démontre donc que la situation finit par se normaliser à travers le monde, même si beaucoup de choses restent à faire, particulièrement pour assurer une reprise économique globale équitable, ainsi que sur le sujet de l’accès universel aux vaccins. Le dirigeant russe sait également que le monde doit tirer parti de cette opportunité unique pour optimiser l’économie globale, d’où la nécessité d’aller de l’avant sur le marché des unités carbone.
Andrew Korybko est un analyste politique étasunien, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.
Traduit par José Martí, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
Source: Lire l'article complet de Le Saker Francophone