Plus les idées de Michel Onfray, cet ex-gauchiste antinationaliste, se rapprochent de celles de Zemmour, tout en se voulant « de gauche », plus il occupe de surface dans les médias. Son dernier revirement, dans Le Figaro, après avoir pronostiqué avec une gourmandise pseudo-nietzschéenne la fin de la civilisation chrétienne, c’est de « regretter la fin de la civilisation judéo-chrétienne », ce qui est un oxymore de la plus belle espèce. Démonstration.
Vous affirmez que la France a incontestablement des « racines chrétiennes ». Qu’entendez-vous par-là ? Bien qu’athée et anticlérical, vous reconnaissez-vous dans cet héritage et regrettez-vous son affaiblissement ? Pourquoi ?
Avant le christianisme, la France a bien évidemment des racines gauloises, romaines, celtes, vikings. Mais la conversion de Clovis, qui procède d’un schéma intellectuel déjà utilisé avec Constantin qui veut que la conversion d’un homme induise celle de la terre sur laquelle il règne, installe la France dans une configuration d’héritière : la civilisation gréco-romaine tuile avec la civilisation judéo-chrétienne. De sorte que la France est un feuilletage civilisationnel qui mélange l’idéalisme platonicien pour la théologie, l’esprit pratique romain pour le droit, le monothéisme juif pour la religion, le catholicisme pour le césaro-papisme.
Le problème, c’est que le monothéisme juif a dérivé en talmudisme, qui n’est autre que le grand ennemi du catholicisme. Les deux idéologies sont fondamentalement opposées, la première cherchant à affaiblir puis éradiquer la seconde.
La France, c’est aussi un pays de lettres. Vous insistez sur l’importance de l’héritage de Montaigne, Descartes, Rabelais, Voltaire, Marivaux et Hugo. En quoi ces six écrivains ont-ils joué chacun à leur manière un rôle central dans la construction de l’esprit français ? En quoi sont-ils complémentaires ?
Tous croient en Dieu, aucun n’est athée. Montaigne invente la philosophie française littéraire et concrète, réaliste et immanente, pragmatique et, je dirais, populaire, sans laquelle Descartes ne serait pas possible, donc Pascal ou Spinoza, c’est-à-dire, à leur suite, les Lumières européennes. Bien avant Cervantès, Rabelais invente le roman européen en rendant au corps réel et concret, celui qui mange, boit, rote et pisse, si vous me permettez son registre, sa vérité brimée par la théologie chrétienne fascinée par la chasteté de Joseph, la virginité de Marie, la souffrance et la mort de Jésus qui ne mangeait que des symboles – pain, vin, poisson –, et le corps glorieux de la résurrection.
Petit bémol ici : Jésus, ou Yeshoua, a été accusé en son temps d’être un goinfre et un alcoolique (il picolait, mais avec modération), sans oublier le pire : l’ami des pécheurs, comprendre des voyous. En vérité, il bousculait la loi mosaïque et, quand ses disciples avaient la dalle, leur permettait de bouffer tout ce qui passait à leur portée, comme l’histoire des épis de maïs. Le shabbat, c’est bien, mais survivre, c’est mieux ! Le fait que Jésus parle souvent de bouffe ne l’a pas empêché de savoir jeûner, 2000 ans avant Casasnovas. Mais c’était pour prouver qu’on peut tenir le coup devant la tentation, et que l’esprit peut être plus fort que la chair.
Car Jean est venu : il ne mangeait ni ne buvait, et l’on dit : « Il a un démon ! » Le Fils de l’homme est venu, mangeant et buvant et l’on dit : « C’est un glouton et un buveur, un ami des collecteurs de taxes, des pécheurs ! » Mais la Sagesse a été justifiée par ses œuvres.
Donc Jésus n’était pas un ascète doublé d’un anachorète : il aimait ripailler avec ses potes, et c’est seulement parce que le gang christique ne roulait pas sur l’or, malgré les talents de comptable de Judas, que leurs tablées ne ressemblaient pas à celles des pharisiens ou du sanhédrin de l’époque, ces gros sépulcres blanchis. Ne te soucie pas de ce que tu manges, soit, mais si tu peux choper une bonne grosse volaille, ne te gêne pas, Dieu te pardonnera !
Vous écrivez que notre époque ne permet plus d’être rabelaisien, cartésien, voltairien, de pratiquer le marivaudage et se réclamer de Victor Hugo ? Pourquoi ?
Parce que le corps rabelaisien est le retour du refoulé du corps chrétien : il mange, boit, rote, pète et pisse, si vous me permettez de préciser son registre, et que toutes ces choses-là sont désormais encadrées par l’hygiène qui promeut un corps sans chair, sans graisse, sans cholestérol, sans triglycérides, sans albumine, sans sucre, sans sexe, sans chair, sans sang, sans tabac – mais avec haschisch et cocaïne tout de même. Rabelais magnifie le corps naturé. Or l’époque travaille à l’avènement d’un corps dénaturé.
Tout ça pour dire que Michel se met un peu le doigt dans l’œil en opposant Jésus et Rabelais. Jésus n’était pas un mauvais vivant, c’était au contraire un très bon vivant, qui ne vivait pas pour et dans la contrition et l’autoflagellation. Le fouet, il le réservait aux marchands du Temple. Et c’est parce qu’il était un bon vivant que ça a dû être encore plus dur de quitter ce monde pour emporter les péchés des hommes.
Le cours du prof de philo sur la civilisation judéo-chrétienne
Attention à ne pas confondre Paul et Jésus. Mais Michel passe sur cette différence fondamentale pour défoncer la chrétienté.
La définition du judéo-christianisme par Michel
« Je pense que Jésus n’a jamais existé historiquement. »
Les réfutations et explications de Claude Timmerman
Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation