Un navire en construction chez Irving.
Traduction par Christian Morin et Pierre Jasmin
Bianca Mugyenyi, journaliste d’origine ougandaise a écrit pour le Toronto Star, la CBC, l’Ottawa Citizen, TeleSur et le Hill Times. Elle est l’autrice de Stop Signs: Cars and Capitalism on the Road to Economic, Social and Ecological Decay et est directrice du Canadian Foreign Policy Institute (Institut Canadien de Politique Étrangère).
Voici depuis août 2016 par les Artistes pour la Paix la centième (?) dénonciation d’une dépense scandaleuse du gouvernement libéral pour des navires de guerre, raison majeure pour laquelle nous réclamons chaque trimestre la démission du ministre Harjit Sajjan, vétéran de la guerre absurde de l’OTAN en Afghanistan et témoin passif des scandales impliquant les chefs d’état-major dans des scandales d’agressions contre des femmes (cf dernière saga du trio de golf).
Bianca Mugyenyi la comptabilise cette fois avec ses répercussions sur le long terme, calculées par un ancien sous-ministre adjoint au matériel au ministère de la Défense, qui y ajoute les coûts associés à l’entretien, aux réparations et à la démolition au long de la vie nuisible de ces navires, arrivant à un total hallucinant de 278 000 000 000 $ (= 28 fois le 3e lien de François Legault, parlant de dépense nuisible). La démocratie exige le courage de relayer cette information cruciale tue par TOUS NOS PARTIS FÉDÉRAUX. Pourquoi cette censure? Sans doute parce qu’Irving richissime sera encore une fois avec ses journaux la clé des élections fédérales dans les provinces maritimes.
Un gaspillage nuisible
Ne gaspillons pas cet argent sur 15 nouveaux navires. Finançons plutôt un Plan Vert. Éliminons toutes les restrictions sur l’eau potable. Bâtissons des logements sociaux pour un million de Canadiens. Démarrons une série de projets d’énergie renouvelable qui définiront une génération. Nous pourrions défrayer les coûts de tout ceci en stoppant une seule dépense inutile du gouvernement. Cependant, aucun élu n’ose même en parler.
Le gouvernement planifie l’achat de 15 nouveaux navires de guerre, ce qui deviendrait la plus grosse dépense de l’histoire du Canada. Cela coûtera un incroyable 77 milliards $, un chiffre qui a déjà quintuplé depuis les premières estimations. Et ça, ce n’est que le prix de départ. Selon Alan Williams, ancien sous-ministre adjoint au matériel au ministère de la Défense, il faut ajouter les coûts associés à l’entretien, aux réparations et à la démolition au long de la vie utile de ces navires, pour arriver à un total hallucinant de 286 milliards $.
Comment en est-on arrivé là ? Pour commencer, le gouvernement a remis les commandes du projet à une entreprise, Irving Shipbuilding. Cela signifie que cette compagnie d’Halifax gère la conception des navires et choisit les firmes qui les construisent, en lieu et place du gouvernement. Il y a une condition arrachée à cette entente : le public ne doit pas savoir combien Irving touche pour s’occuper de ce projet. Le Hill Times a rapporté que le gouvernement fédéral « refuse de dire combien de millions Irving Shipbuilding a reçu à titre de principal fournisseur ».
Si des fonds publics doivent être déversés dans le secteur privé, ne devraient-ils pas être dirigés vers des entreprises qui fabriquent des panneaux solaires, des manuels scolaires ou des biens socialement utiles ? Loin de là, ces nouveaux navires – baptisés Combattants Canadiens de Surface – représentent une augmentation majeure de la capacité navale offensive. Un ex-vice-amiral de la marine américaine, en opération de relation publique auprès du Ottawa Citizen, fanfaronnait sur « ces navires qui seront aussi bons que n’importe quel combattant de surface de n’importe quel pays ». Selon une publication spécialisée en équipement militaire, les navires fourniront « une toute nouvelle forme de puissance de frappe maritime ». Ils seront lourdement armés par des fabricants américains. Raytheon fournira des missiles de croisière Tomahawk de 650 millions $, destinés à des cibles situées jusqu’à 1700 kilomètres. Lockheed Martin fournira le système radar au prix de 2,3 milliards $. La seule raison pour laquelle le public est au courant de ces sous-contrats est qu’ils devaient être approuvés par le gouvernement américain.
Contre qui ces navires de mort ?
N’oublions pas que des navires canadiens ont déjà participé à des guerres d’agression. Pendant la guerre contre la Libye, les frégates canadiennes assuraient un blocus naval. La déstabilisation du pays a amené une ample régression raciste, incluant des marchés d’esclaves, et une violence qui s’est répandue vers le sud au Mali et dans toute la région du Sahel.
Tout le 20e siècle a vu une historique mais très peu connue diplomatie de frégates armées appliquée par notre pays contre des pays appauvris du Sud global. Au cours des derniers mois, les vaisseaux canadiens ont été complices de manœuvres des États-Unis et de l’OTAN à travers les mers du monde. Ils ont participé à des manœuvres de provocation contre la Chine dans la mer du Sud chinoise et ont pénétré la Mer Noire aux frontières de la Russie. Ils ont patrouillé le long de la côte africaine et ont sillonné les mers des Caraïbes, menaçant des pays que les États-Unis ont ciblés, sans qu’ils soient nos ennemis.
En vérité, ces nouveaux navires de guerre vont renforcer nos liens avec des visées impérialistes américaines. Selon le Pentagone, l’achat de radars de Lockheed va « améliorer de façon significative » l’intégration guerrière du Canada aux côtés des États-Unis. Ils vont pouvoir viser et détruire des cibles déterminées par la force Navale américaine. Les vaisseaux canadiens seraient donc une dépense d’un quart de billion de $ pour miner l’indépendance de notre politique étrangère. Le plus étonnant est que cette subvention massive à des fabricants d’armes au prix exorbitant ne soulève aucune protestation de nos politiciens. Cela doit changer. Car même à l’intérieur de l’armée canadienne, on entend des protestations contre cette extravagante dépense inutile.
Un défi à relever pour les progressistes qui peuvent l’empêcher : nous devrions tous protester contre de telles priorités gouvernementales submergeant un quart de billion dans la militarisation des océans, en pleine pandémie, en pleine crise climatique.
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