« L’ignorance c’est la force » ; « La guerre, c’est la paix » ; « Les minorités, outils de la conquête du pouvoir » ; « Appauvrir la langue, c’est contrôler la pensée »… Qui est donc Emmanuel Goldstein, auteur de ces aphorismes célèbres ? Dans 1984 de George Orwell, il est l’Ennemi du Peuple, principale figure de l’émission « Deux Minutes de la Haine » que chacun devant son écran peut insulter librement ; il est le Traître, le profanateur de la pureté du Parti. Il insulte Big Brother, dénonce la dictature en place, exige la paix avec Eurasia, défend la liberté d’expression, de la presse et de la pensée. Mais, bien qu’haï et méprisé par tous, Goldstein étend jour après jour son influence, à travers son organisation secrète, la Fraternité, mais surtout parce qu’il a écrit un livre, qui dévoile les fondements politiques du totalitarisme et dénonce la guerre perpétuelle que mène le Parti afin de maintenir les populations affamées, apeurées et ignorantes, et donc incapable de se révolter. Ce livre, dont le titre, Théorie et pratique du collectivisme oligarchique, ne figure pas sur la couverture et auquel on ne fait référence qu’en disant le livre, circule clandestinement, et la Police de la Pensée en détruit les exemplaires presque aussi vite qu’ils sont imprimés.
Mais le mystère demeure. Comment, de personnage de fiction, Emmanuel Goldstein, auteur du livre dans 1984, devient-il auteur dans le réel ? Serait-il Orwell lui-même sous pseudonyme ? Si oui, aurait-il écrit là une parodie de la Révolution trahie de Trotsky ? ou d’un essai américain célèbre à l’époque, The Managerial Revolution ? Ou est-ce vraiment l’oeuvre d’un certain J.B.E. Goldstein, publié en russe en 1944, et dont Orwell se serait inspiré pour son célèbre roman ?
Quoi qu’il en soit, Théorie et pratique du collectivisme oligarchique constitue une synthèse, illustrée par des exemples historiques, des moyens de l’instauration d’un régime totalitaire — quelle que soit l’idéologie qui le sous-tend — utilisés aujourd’hui encore dans nos États qui s’affichent pourtant comme démocratiques : affaiblissement de la pensée par l’appauvrissement de la langue, illusion du choix par la pluralité des partis, mise en avant des minorités et de leurs revendications, promotion du jeu et de la liberté sexuelle, propagande et manipulation des masses, inversion des valeurs, des causes et des effets…
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