Au plus fort de la première vague, il fallait attendre entre cinq et dix jours pour qu’un cas de COVID-19 soit confirmé au CHSLD Yvon-Brunet de Ville-Émard. La lenteur du processus s’explique par le manque de tests disponible, et leur décentralisation, constate la directrice de la Santé publique de Montréal, Mylène Drouin.
L’établissement, atterré par 73 décès, fait l’objet d’une enquête de la coroner Géhane Kamel. Le tout a commencé par une première séance lundi, et s’échelonnera jusqu’au 15 juin.
Le 26 mars 2020, cinq cas potentiels du virus ont été recensés. Les bénéficiaires ont été testés le jour même, mais les résultats ne sont venus que 8 jours plus tard.
«Le nerf de la guerre, tous les médecins vont vous le dire, c’est la capacité de tester et d’isoler les patients. C’est ce que nous n’avons pas eu à Yvon-Brunet.» – Isabelle Matte, Directrice adjointe, CIUSSS Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal
La qualité des «systèmes d’information» est également critiquée par Mme Drouin. Il était difficile pour son équipe de suivre les chaînes de transmission du virus et d’établir des prévisions en fonction des courbes épidémiologiques au fil de la première vague, remarque-t-elle.
Lorsqu’un bénéficiaire recevait un test positif, un fax était envoyé au CHSLD. Cette façon de faire a été utilisée jusqu’à l’automne, moment auquel le processus a été informatisé.
Traçage compliqué
Il n’y avait que le personnel et les résidents des CHSLD qui présentaient des symptômes qui étaient testés, lors de la première vague de la pandémie. Mais encore, certaines personnes âgées qui démontraient des signes de la maladie n’étaient pas testées.
Seuls les employés qui présentaient des symptômes étaient retirés de manière préventive.
«Déterminer si c’était quelqu’un avait un symptôme, ça prenait toute une expertise», relate la directrice adjointe du CIUSSS Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, Isabelle Matte.
«De toute évidence, on n’était pas prêt en CHSLD à faire face à cette pandémie mondiale.» – Sonia Bélanger, PDG CIUSSS Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal
Les bénéficiaires qui avaient reçu un diagnostic positif étaient placés à l’écart. Certains d’entre eux se retrouvaient dans le sous-sol du bâtiment, ou même dans des cubicules, séparés par des rideaux. Il était difficile d’éviter les contacts entre les résidents, considérant qu’ils étaient en manque de relations sociales dû à l’annulation complète des loisirs.
«On ne pouvait pas tous les garder en contention, concède Mme Matte. Ça reste une clientèle avec un lourd déficit cognitif. On essayait de les diviser en petits groupes.»
Rupture de service
Rapidement, des cas ont été décelés partout dans l’établissement. «Le feu était pris partout: il y en avait sur tous les étages. C’était difficile de rattraper ça», se rappelle Mme Matte.
Le manque de personnel a directement nui à la gestion des éclosions, constate la Dre Drouin. Au mois d’avril, près d’un employé sur deux manquait à l’appel au CHSLD Yvon-Brunet, jusqu’au point où «une rupture de service y a été constatée.»
Au-delà des éclosions au sein du personnel, le problème s’explique par la difficulté d’attirer des employés. Les mesures instaurées par le gouvernement provincial pour former des préposés aux bénéficiaires ont été d’une grande aide.
Une formation de trois mois payée avait été mise sur place, en mars 2020.
«On n’aurait jamais réussi à y arriver sans cela, insiste Mme Matte. À mon avis, il faudrait considérer de faire la même chose pour les infirmières.»
Le manque de personnel dans les CHSLD n’a été réglé que partiellement, constate Sonia Bélanger.
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