Tournée “Go Home !” pour Kamala
• La vice-présidente Kamala Harris fait une tournée des pays centre-américains impliqués dans le flux de l’immigration illégale qui a créé une crise majeure à la frontière mexicaine des USA depuis l’installation de Joe Biden et sa nouvelle politique progressiste et laxiste. • L’accueil (hier au Guatemala) n’est pas vraiment encourageant. • La politique d’immigration de Biden place cette administration face à ses colossales contradictions. • Elle réveille [“to woke” ?] dans l’“arrière-cour” US un antiaméricanisme assez discret du temps de Trump.
Comme rien n’est simple et tout est chaotique avec l’administration Biden (ou Biden-Harris), ainsi en est-il de la tournée en Amérique Centrale de la vice-présidente Kamala Harris. Cette tournée est directement liée à la crise de l’immigration “clandestine” (mais à ciel ouvert) massive déclenchée par la nouvelle politique migratoire de l’administration. Harris avait été chargée il y a trois mois de prendre en main cette crise et elle n’a jusqu’ici fait que fort peu d’effort dans ce but ; elle a été de plus en plus critiquée pour cela et a en général répondu à ces critiques par des éclats de rire.
Quoi qu’il en soit, Harris commence à agir puisque c’est pour tenter de faire arrêter le flot des migrants venu des certains pays d’Amérique Centrale qu’elle effectue cette tournée. Lundi, elle était au Guatemala, aujourd’hui ce devrait être le Mexique. Partout, l’accueil est et doit être glacial, même s’il est contenu. Interviewé par Tucker Carlson, le président du Salvador explique, loin pour l’instant de Kamala Haris, que « les promesses [par l’administration Biden] de soins sociaux gratuits [pour les migrants illégaux] sont une incitation à la migration illégale ». C’est une attitude générale : ce sont les gringos (ceux de Biden s’entend) qui sont responsables de la crise.
Quelques mots sur la visite de Kamala au Guatemala, hier, – où l’on notera la vigueur de l’accueil, et son originalité puisqu’on trouve dans les rassemblements populaires hostiles jusqu’à la mise en cause de l’élection de Biden. (Harris poursuit une sorte de tradition des vice-présidents. La tournée du vice-président Nixon en Amérique du Sud en 1958 s’était transformé catastrophe, sans doute bien plus grave que ce que rencontre et rencontrera Harris. Ce n’est pas un bon signe que cette absence d’enthousiasme hostile ; contrairement aux USA des années 1950 au sommet de leur puissance, l’amollissement et l’incroyable chaos d’une Amérique en cours d’effondrement sont perceptibles par tous, et donc cette ex-hyperpuissance est perçue comme moins dure, moins menaçante.)
« La vice-présidente Kamala Harris est arrivée au Guatemala lundi. Elle a été accueillie par des manifestants portant des pancartes pro-Donald Trump qui la mettaient en cause.
» “Kamala, occupe-toi de tes affaires”, pouvait-on lire sur une pancarte lors du rassemblement, visible par le cortège de Harris alors qu’elle arrivait pour rencontrer le président Alejandro Giammattei. Ce voyage était le premier déplacement international de Harris en tant que vice-présidente.
» “Kamala, Trump a gagné”, pouvait-on lire sur une autre pancarte. D'autres pancartes invitaient la vice-présidente américaine à “rentrer chez elle” [réplique du slogan ancien “US Go Home”] et affirmaient que le Guatemala est “anti-avortement”.
» Harris a été la cible de critiques depuis qu'elle a été chargée de la crise à la frontière entre les USA et le Mexique en mars. Giammattei a blâmé les USA pour l’afflux de migrants, affirmant que ce pays a envoyé un message incompréhensible.
» “Nous avons demandé au gouvernement des États-Unis d'envoyer un message plus clair afin d’empêcher davantage de personnes de partir”, a-t-il déclaré à CBS News dimanche. “Le message a changé pour devenir : ‘Nous allons réunir les familles, nous allons réunir les enfants’. Dès le lendemain, les coyotes [les trafiquants de drogue faisant payer aux migrants leur passage] organisaient des groupes d'enfants pour les convoyer aux États-Unis.” »
Cette “prise en main” par Harris de la crise des frontières, artificiellement créée par la nouvelle politique Biden prenant le contrepied de Trump, est elle-même l’objet de critiques à l’intérieur du parti démocrate, pour une raison inverse de celle des pays centre-américains. C’est notamment la démarche de l’inévitable et gauchiste Alexandria Ocasio-Cortez (AOC), qui qualifie de “décevantes” les déclarations de Harris au Guatemala et déclare (tweet et le reste) : « Venir à la frontière pour demander l’asile est une démarche légale. Les États-Unis ont contribué à la déstabilisation de certaines régions d'Amérique latine. Nous ne pouvons mettre le feu à la maison d’une personne et lui reprocher ensuite de s’enfuir. »
Pire encore pour la politique Biden-Harris des frontières, qui ne trouve que des adversaires de tous côtés, voici un résultat électoral qui vaut bien des discours et analyses, montrant que les Latinos installés aux USA sont les premiers à dénoncer cette ouverture incontrôlée des frontières. Ils le font, en un exemple symbolique frappant, par le biais d’un vote qui promet aux démocrates de vastes déboires à venir, et réjouit les républicains bien entendu : c’est la ville de McAllen où se tenait dimanche l’élection d’un nouveau maire ; McAllen, du comté d’Hidalgo et située sur la frontière mexicaine du Texas, compte 85% de Latinos.
« Alors que le président Biden avait remporté le comté d’Hidalgo avec 17 points d’avance en novembre dernier, le républicain Javier Villalobos a battu la démocrate Veronica Whitacre au second tour de l'élection du 5 juin [avec 51,11% des voix].
» L'ancien conseiller de la campagne Trump 2020, Steve Cortes, a déclaré que la victoire de Villalobos faisait partie d’un “macro-réalignement” dans lequel les Hispaniques du sud du Texas quittent le parti démocrate pour s’aligner sur le mouvement populiste de l’ancien président Trump.
» “Des nouvelles étonnantes ! McAllen, au Texas, est une grande ville frontalière de 140 000 habitants dont 85% d'hispaniques, – et elle vient d'élire un maire républicain”, a-t-il écrit sur Twitter. “Le macro-réalignement s’accélère dans le sud du Texas, et ailleurs également, et par conséquent les Hispaniques se rallient à ‘America First’ [un slogan de Trump]”.
» Pendant sa campagne, Villalobos a déclaré qu'il n'avait pas “peur de prendre les décisions difficiles qui doivent être prises” contre l'immigration illégale.
» “C'est une question fédérale, comme c'était le cas auparavant, et cela ne doit pas être imposé à notre municipalité”, a-t-il déclaré. “Nous ne pouvons pas dépenser l'argent de nos impôts pour réduire un chaos que le gouvernement fédéral est en train de développer”. […] “Je n’ai rien contre les immigrants ; cependant, je suis responsable de l'argent des contribuables de McAllen.” »
Ce voyage de Harris donne bien entendu l’occasion d’élargir le débat à une critique, sempiternelle mais toujours renouvelée parce que justifiée, sur ce qui est perçu de l’espèce de mainmise quasiment automatique qu’est la politique des USA en Amérique du Sud. L’interview de l’ancien président brésilien Lula par RT.com est publiée sur le site russe aux USA en même temps que le voyage de Harris, et l’on comprend qu’il y a un rapport serré entre les deux événements.
Lula parle des rapports en général des USA avec le continent du Sud, et notamment avec son pays. C’est une attitude très critique, reprenant le discours habituel des populistes de gauche des pays sud-américains. Lula, qui a été au pouvoir pendant sept ans, a cédé la place en 2010 à sa collaboratrice Dilma Rousseff, elle-même destituée en 2016 dans une sorte de “coup d’État” de type brésilien tandis que lui-même, Lula, allait en prison sous l’accusation de corruption dont on imagine combien elle fut contestée. Il en est sorti et tonitrue à nouveau, tandis que la présidence Bolsanaro navigue dans une sorte de chaos qu’elle alimente avec ardeur, et tout le monde se demande alors si Lula sera à nouveau candidat en 2022. Il refuse de répondre directement à cette question mais ses commentaires montrent qu’il est toujours dans la bagarre… Chacun se fera son idée.
« [Lula] souhaite plus d'égalité à l'avenir, et que les pays forts comme les États-Unis ne se mêlent pas des affaires des autres nations.
“Cette idée des Américains d’être un phare pour le monde et de ne laisser à personne la capacité de rivaliser économiquement avec eux est fausse. Les Américains doivent savoir que nous ne voulons pas d'un shérif ou d’un tuteur, nous voulons un partenaire. Nous voulons des frères et des sœurs”, a déclaré Lula.
» Lula fait l’éloge de son gouvernement [entre 2003 et 2010] pour ses réformes massives visant à éradiquer la pauvreté et à améliorer la situation des plus démunis, mais aussi pour le renforcement des liens entre le Brésil et les autres nations du monde.
» “Nous avons prouvé que le Brésil pouvait avoir une souveraineté et un position de coopération internationale mondiale, et que cela pouvait être atteint sans avoir à rien demander aux États-Unis. Nous n'avons pas besoin de demander la permission aux États-Unis pour être les propriétaires de notre propre arrière-cour”, a-t-il déclaré.
» “Le problème est que le Brésil a une classe dirigeante, une élite, qui est soumise. Ils ne peuvent rien faire sans demander la permission des États-Unis.” »
Cet épisode est loin d’être fini, mais on ne doit pas résister à l’intérêt et au plaisir de le commenter déjà. En effet, on trouve dans la nomination de l’incroyable Kamala Harris tous les travers du personnage qu’elle ne cherche même pas à dissimuler : irresponsable par laisser-aller, sans réponse aux questions les plus basiques ou répondant par des rires nerveux, assez paresseuse comme une couleuvre qui voudrait sauver la face, et pourtant déjà “testé” par diverses initiatives pour cette probabilité de remplacement du président installé dans sa sénilité ; ainsi est-ce le cas, ce voyage est un de ces “tests”. (Pour poursuivre l’analogie : le voyage de Nixon en 1958 était du au fait qu’Eisenhower, déjà victime de deux crises cardiaques, devait absolument limiter ses efforts.) Et c’est de cette façon assez compréhensible que la politique de l’administration Biden vis-à-vis des frontières et de l’immigration est un immense chaos, comme le situation créée elle-même, dont l’effet est de ne satisfaire personne tout en résolvant rien de la crise.
Il est manifeste qu’il existe le sentiment d’une nécessité de tenter de trouver une position de contrôle de cette politique issue d’un programme impératif du parti démocrate. Comme tous les partis de cette tendance, – progressiste irrésistiblement attiré vers l’extrémisme sociétal (wokenisme, dont le fameux “antiracisme comme racisme”), – le parti démocrate US recherche un nouvel électorat dans les “minorités” et, bien entendu, dans les migrations des pays pauvres du Sud, nécessairement perçues comme un néo-prolétariat assurant l’avenir majoritaire de ce parti. On comprend l’importance d’une politique migratoire hyperlibérale, “portes ouvertes”, etc., en théorie sans aucun doute.
En attendant, les Biden & Cie ont vu se dresser sur leur chemin différentes réticences et oppositions aux intérêts parfois convergents, parfois divergents, parfois contradictoires ; donc, très difficiles à satisfaire… Ces réticences et divergences peuvent être exprimées comme ceci, bien entendu toutes aboutissant d’une façon ou l’autre à une hostilité plus ou moins dissimulée vis-à-vis des États-Unis, mais surtout de l’administration Biden dont on voit bien que c’est la politique spécifique :
• l’appel d’air suscité par cette nouvelle politique bouscule la stabilité autant que les bons voisinages de tous les pays d’où viennent les migrants (comme le Guatemala dans ce cas) ;
• les perspectives ouvertes par cette nouvelle politique suscite l’intérêt et un activisme renforcé des cartels de la drogue, qui trouvent une source d’argent supplémentaire dans le convoyage de migrants (payant : $4 000 pour un enfant, 10 000 pour un adulte) ;
• ce renforcement supplémentaire des cartels rend également furieux les mêmes pays d’où viennent les migrants, dont les directions politiques en général très fragiles, le sont encore plus ;
• d’une façon plus générale, ces différentes mauvaises humeurs vis-à-vis de la politique Biden ressuscitent les affirmations classiques et justifiées d’antiaméricanisme, qui avaient pratiquement très fortement diminué dans nombre de zones géopolitiques, notamment la latino-américaine, durant la présidence Trump ;
• à l’intérieur, bien entendu, cette politique est vigoureusement combattue par les républicains, d’autant plus que la rhétorique agressivement radicale sans donner d’effets assurés pousse à l’opposition également radicale ;
• du même côté que les républicains, on trouve au premier rang les États de la frontière et les habitants de ces États, particulièrement comme on le voit et comble de paradoxe, les Latinos déjà installés (et souvent nationalisés US) ;
• évidemment, les États comme le Texas cité ici, sont hostiles à cette politique et se trouvent renforcés par les difficultés extrêmes d’application ; ils trouvent dans leur opposition à la politique Biden matière à agir législativement contre le centre, avec de bons arguments, jusqu’à en débattre devant la Cour Suprême, ou pire…
• bien entendu, il suffirait que Biden adoucissent décisivement sa politique, la rapprochant de celle de Trump, pour désamorcer en grande partie la crise mais c’est hors de question par rapport aux nouvelles normes démocrates, et avec une aile gauche extrémiste qui veille (voir AOC) et tient le haut du pavé, au sens propre et au sens figuré.
On mesure l’extrême difficulté de Biden-Harris de mener à bien le programme démocrate si radical, mais qu’il leur faut pourtant tenter aménager tout en sachant parfaitement qu’ils sont enchaînés à un maximalisme inflexibles. C’est comme se débattre dans un énorme nœud gordien qui ne fait que se resserrer si on tente de la défaire par un compromis Le paradoxe, qui est celui d’une époque qui ne trouve plus sa puissance que dans la terrorisation psychologique obtenue par la communication, est certainement dans ceci que l’opposition la plus intraitable, la plus infranchissable, est celle qui paraît la plus déraisonnable et la moins fondée, – celle du gauchisme sociétal bien entendu, du wokenisme, en l’espèce de la députée AOC.
Mis en ligne le 8 juin 2021 à 17H40
Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org