Parcoursup : une horreur néo-libérale — Bernard GENSANE

Parcoursup : une horreur néo-libérale — Bernard GENSANE

Il m’a été donné récemment d’assister en visio-conférence à un conseil de classe dans un très bon lycée de France, la classe étant elle-même une terminale scientifique d’un excellent niveau.

Pour la nième fois, je pus entendre, de la part du corps professoral, des récriminations parfaitement fondées contre Parcoursup. Parcoursup remplaça l’application APB (Admission Post Bac) à laquelle il avait pu être reproché dans certains cas le tirage au sort des candidats.

Le baccalauréat fut longtemps un grade universitaire d’État, le premier d’une suite pouvant déboucher sur le doctorat. Jusqu’au début du XXe siècle, l’examen des candidats était effectué uniquement par des professeurs des facultés de lettres et sciences. Un titulaire du baccalauréat avait, de plein droit, accès à l’établissement universitaire de son choix. Des restrictions furent apportées avec, par exemple, les quotas en médecine et le respect plus ou moins contraignant de la carte scolaire.

Le banquier éborgneur et sa bande ont contribué à bouleverser ce système. De grade national permettant l’accès à l’enseignement supérieur, le bac est devenu un certificat de fin d’études avec, comme pour le Covid, des variants d’une académie à l’autre, d’un lycée à l’autre. La philosophie du banquier étant d’empêcher les élèves, leurs parents, les équipes pédagogiques d’avoir la main sur le passage dans l’enseignement supérieur.

Vous me direz : mais qui a donc cette main ? Des algorithmes dont les secrets de fabrication ne sortent pas des officines du ministère de l’Éducation nationale.

Dans cette opacité, l’injustice est banalisée. La plupart des élèves de l’excellente classe dont je suivais le conseil n’ont obtenu que des “ résultats décevants et déstabilisants ”, selon l’expression du professeur principal, désemparé. En particulier, la meilleure élève de la classe (18,5/20 de moyenne au troisième trimestre, plus de 18/20 les deux premiers trimestres, mieux que le banquier en classe de terminale) n’a reçu à ce jour aucune proposition d’admission correspondant à ses préférences. Il faut dire que cette brillante élève avait postulé pour des classes préparatoires dans deux lycées prestigieux de la région. Elle est pour l’instant sur liste d’attente, dans une position peu favorable. Ce que font les parents qui en ont les moyens – financiers et autres –, c’est inscrire comme internes leurs enfants dans des lycées de renom à partir de la classe de terminale, voire de seconde. Ces enfants font alors partie du vivier de ces établissements qui ne souhaitent pas recruter de manière exogamique.

Á l’instant T où se déroulait ce conseil, des centaines d’élèves de l’Académie n’avaient pas reçu d’affectation. Certains devront attendre septembre après des vacances inquiètes.

Bref, ce système est anxiogène et déstabilisant, pour les élèves comme pour les enseignants qui ne savent pas dans quelle perspective travailler. L’une des rubriques de la page d’accueil de Parcoursup est “ Á chacun sa solution ”, sous-titrée “ 1jeune1solution ”. Dans la jungle du banquier éborgneur, chaque jeune se retrouve seul avec l’illusion qu’une solution personnalisée l’attend.

Dans les années qui viennent, si ce système perdure (on a vu que, lorsque la “ gauche ” revient au pouvoir, elle ne remet pas vraiment en cause les “ réformes ” de la droite), des établissements de plus en plus nombreux sortiront de Parcoursup pour échapper aux algorithmes.

Le banquier éborgneur peut mieux faire. Je ne serais pas étonné qu’il ait en tête le 11-Plus, cet examen passé encore de nos jours dans de nombreux comtés d’Angleterre à la fin de l’enseignement primaire, qui met en transe des centaines de milliers de familles tous les ans car il permet l’accès aux lycées (grammar schools).

Parcoursup, apprentissage de la vie, c’est-à-dire de l’arbitraire, dans notre monde néo-libéral.

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À propos de l'auteur Le Grand Soir

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