Dernièrement, j’ai été particulièrement touchée par deux entrevues, fort différentes de prime abord, mais en réalité tout à fait convergentes : la dernière chronique de Simon Lessard à On n’est pas du monde à propos du psychologue Conrad W. Baars et le témoignage de Clémentine à Tout le monde en parle.
Simon Lessard a expliqué que, selon Conrad W. Baars, l’un des plus grands problèmes psychologiques de notre temps consiste en une « privation émotionnelle », c’est-à-dire un manque d’amour gratuit et inconditionnel.
Le témoignage de Clémentine illustre cette thèse parfaitement, elle qui, par manque d’amour, s’est faite sugar baby, jusqu’à se voir entrainée malgré elle dans le réseau de la prostitution. L’entendre expliquer que c’est sa relation avec son chien qui l’a empêchée de commettre l’irréparable est particulièrement bouleversant. Elle raconte :
« C’est fou, parce que je me souviens quand je vivais des trucs “pas cools”, je revenais et il y avait mon chien tout content. Je me disais “crime lui, il ne sait pas ce qui s’est passé et lui il m’aime…” Je vivais cet amour-là de mon chien et je me disais que ça me faisait de la peine que quelqu’un ne m’aime pas comme mon chien m’aime. »
Se prostituer pour être aimé
Le cas de Clémentine met en lumière cette idée de Conrad W. Baars : pour être aimé, on est prêt à tout, même à se prostituer.
Chaque masque que l’on revêt pour être aimé se révèle comme une forme de « prostitution ». Il s’agit à chaque fois de « se vendre », de laisser tomber son moi véritable pour un salaire : l’affection des autres.
Clémentine l’a fait au sens littéral du terme. Mais, en réalité, on le fait tous un peu d’une manière ou d’une autre. Chaque masque que l’on revêt pour être aimé se révèle comme une forme de « prostitution ». Il s’agit à chaque fois de « se vendre », de laisser tomber son moi véritable pour un salaire : l’affection des autres.
Ces deux entrevues m’ont ensuite renvoyée à d’autres de mes réflexions, portant sur la confession. La paroisse Saint-Thomas-d’Aquin m’a demandé en effet de préparer un petit enseignement sur ce sacrement.
« Qu’est-ce que je pourrais dire ? C’est quoi le principal de ce sacrement ? » me suis-je demandé.
Tout s’est éclairé en entendant les deux entrevues mentionnées : en fait, on confesse ses péchés pour se sentir aimé. Pour guérir de la privation émotionnelle que décrit Conrad W. Baars et qu’illustre le témoignage de Clémentine.
L’amour de Dieu suffit ? Oui et non…
Une des principales objections contre la confession, c’est le fait de poser un prêtre entre soi et Dieu. « À quoi ça sert de raconter ses péchés à quelqu’un d’autre ? Pourquoi ne pas se confesser à Dieu directement ? »
Là encore, la pensée de Conrad W. Baars vise juste : bien sûr, Dieu peut montrer son amour directement, mais l’ordinaire, pour la plupart des gens, c’est d’expérimenter l’amour de Dieu en étant d’abord aimé par quelqu’un d’autre. Après tout, on est des êtres sensibles. Et sociaux.
Saint Jean a écrit : « En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. » (1 Jn 4, 20)
Il me semble qu’on pourrait, sans faire mentir les Écritures, retourner également le verset ainsi : « En effet, celui qui ne se sent pas aimé de son frère, qu’il voit, est incapable de se sentir aimé de Dieu, qu’il ne voit pas. »
Sauf exception, parce qu’en général, Dieu dévoile son amour à travers les autres. C’est l’ordre habituel qu’il a choisi pour le salut des hommes. Mais, parfois, il peut agir autrement. Son pouvoir est en effet absolu1.
Et, bien que Dieu puisse, dans les circonstances de son choix, accorder son pardon autrement, il a voulu les sacrements, mais ceux-ci ne contraignent pas sa puissance.
Les fruits de l’amour gratuit
Peut-être que vous demeurez sceptiques. Je comprends. Mais je n’écris pas tout ça pour faire la bonne « catho ». Je le fais parce que, en entendant l’histoire de Clémentine et l’entrevue de Simon sur Conrad W. Baars, j’ai compris à quel point j’étais bénie et aimée. Et je voudrais que tout le monde goute à cette bénédiction. Surtout ceux qui vivent des tragédies comme celle de Clémentine.
En 2018, je passais un an à Florence pour mes études doctorales. Je me suis confessée à un prêtre dont le confessionnal est devenu pour moi LE plus bel endroit de Florence. J’y ai réellement expérimenté l’amour gratuit.
Un jour que j’allais mal et que je répétais ad nauseam combien je me sentais faible, ce prêtre (qui est devenu mon directeur spirituel) m’a dit : « Tu sei forte, perché ti voglio bene fortemente/Tu es forte, parce que je t’aime fortement. »
Pas « je t’aime parce que tu es forte », mais « tu es forte parce que je t’aime ». Des mots que tous ont besoin d’entendre. Des mots qui, me semble-t-il aujourd’hui, reflètent parfaitement le sens du sacrement de la réconciliation.
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- J’ajoute « sauf exception », parce qu’évidemment Dieu n’est pas contraint par ce chemin habituel. C’est la distinction entre la potentia Dei ordinaire (la puissance de Dieu ordonnée) et la potentia Dei absoluta (la puissance de Dieu absolue). Cette distinction entre deux façons de concevoir la puissance de Dieu a d’ailleurs servi de base aux théologiens du Moyen Âge pour comprendre les sacrements. Normalement, Dieu donne son pardon et montre sa miséricorde à travers le sacrement de la réconciliation. Parmi toutes les activités de ce monde, en effet, la confession est LE moment privilégié pour : 1) se montrer en vérité et 2) recevoir l’amour gratuit de Dieu.
Source : Lire l'article complet par Le Verbe
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