L’auteur est professeur retraité
Dans Le Devoir du 4 juin, l’anthropologue Marie-Pierre Bousquet, experte sur les questions liées à la mémoire des enjeux historiques liés à la condition des Premières Nations, rappelle l’importance de mieux connaître toutes les dimensions de l’histoire : « Il faut regarder clairement les relations entre Autochtones et allochtones pour avancer. Il faut enseigner autrement cette histoire. Il faut aussi sortir du champ émotionnel. » Je partage son point de vue. Pour rappeler les grands trous noirs dans l’histoire des drames qui ont affecté les Premières Nations, elle suggère la création et l’implantation de monuments dans les grandes villes comme le recommandait la Commission de Vérité et réconciliation. Il s’agit là d’un pas significatif certes, mais insuffisant.
Je ne fais pas partie du cercle des experts, mais je m’interroge sur la pertinence de limiter la stratégie de reconnaissance de la mémoire à des monuments. On le sait, nombre de monuments perdent vite leur signification dans l’oubli général, car la plupart des gens ne font pas de liens avec l’ensemble des situations à la vue d’un monument. Un monolithe, une stèle ou un menhir, peu importe, ne touchent trop souvent qu’une dimension d’un phénomène historique. En outre, le bloc de béton, de pierre ou la sculpture qui fait œuvre de monument reste une signification figée dans l’espace et le temps. Pourquoi ne pas développer des musées? Un musée dynamique évolue et permet une grande variété d’expériences pédagogiques.
Les situations auxquelles réfèrent madame Bousquet et de nombreuses autres sont documentées et elles méritent d’être mises en lumière; thèses, rapports et autres documents dorment trop souvent dans des lieux réservés à des initiés. Le grand public pourrait avoir accès à ces trésors de la connaissance. Dans plusieurs cas, notamment la Shoah, des musées commémoratifs répartis à travers le monde permettent à monsieur et madame Tout-le-Monde de comprendre la dynamique de l’histoire de ce drame grâce à l’accès adapté à des documents.
Dans le monde, plusieurs musées de la mémoire existent. À Santiago du Chili, le Musée de la mémoire est devenu une institution-phare pour rappeler les horreurs commises par la dictature militaire du général Pinochet (1973 – 1989). Au-delà de la présentation de documents sous diverses formes, le musée organise des événements à caractère social, artistique, historique, scolaire et, bien sûr, politique. Sa renommée internationale n’est plus à démontrer.
Pourquoi le gouvernement canadien et les gouvernements provinciaux ne mettraient-ils pas l’épaule à la roue pour créer des institutions muséales autres que folkloriques? Nos sœurs et nos frères des Premières Nations méritent des formes de reconnaissance dignes des situations vécues au fil de l’histoire du pays et des formes de discriminations systémiques qui survivent toujours aux drames passés.
Mais, dira-t-on, ça coûterait trop cher? Mais alors, le coût social de l’ignorance des drames passés vécus par les Premières Nations n’a pas de prix. Le moment de la reconnaissance est arrivé, il faut agir.
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