Par Khider Mesloub.
Projet à plusieurs reprises reporté en raison des controverses soulevées à propos de l’utilité pédagogique et politique de sa réédition, la maison d’édition Fayard vient d’annoncer la publication le 2 juin prochain de Mein Kampf (« Mon Combat »), le livre politique et autobiographique d’Adolf Hitler.
Depuis l’annonce de sa reparution en 2016, date de son entrée dans le domaine public, Mein Kampf ne cesse de défrayer la chronique, de faire l’objet de nombreux débats.
Rédigé par Adolf Hitler entre 1924 et 1925 pendant son incarcération à la suite de l’échec du putsch de la Brasserie de Munich du 8 novembre 1923, Mein Kampf constitua initialement un mémoire d’une soixante de pages pour sa défense lors de son procès. Mais, rapidement, le manifeste se transforma en livre de plus 700 pages, dans lequel sont consignés des éléments biographiques, le programme politique de son organisation, le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP). L’ouvrage fut destiné initialement à ses militants. Certes, Mein Kampf est un livre animé par la haine et le racisme, mais pas uniquement à l’encontre des Juifs, comme le véhicule l’idéologie dominante occidentale. L’antisémitisme de Hitler le dispute à son aversion des Chinois, des Noirs et surtout des Slaves qu’il vouait aux gémonies, à son exécration des communistes qu’ils assimilaient aux juifs rendus responsables de tous les maux de l’Allemagne, notamment de sa défaite lors de la Première Guerre mondiale.
Hitler ne fut ni un écrivain, ni véritablement un penseur. Ce fut un simple tribun bavarois. Dans son livre, Hitler prêcha un violent darwinisme social, entendit substituer la lutte des races à la lutte des classes, promouvoir un antisémitisme virulent et un anticommunisme scélérat.
Mein Kampf est un livre ultranationaliste. Dans cet ouvrage, Hitler prônait certes l’exclusion des Juifs de la vie politique et publique, mais jamais il ne fit référence à quelque projet d’extermination des juifs. Cela pose ainsi la question de la Shoah. L’extermination fut-elle prévue dès l’intronisation démocratique de Hitler à la chancellerie du Reich, voire dès la rédaction de son manifeste politique ? Ou fut-elle « improvisée » en fonction des circonstances de la guerre ?
Comme le reconnaissent les historiens fonctionnalistes, le nazisme, notamment sa version génocidaire, ne fut pas la concrétisation d’un programme politique rédigé dans le soporifique opuscule Mein Kampf, mais l’aboutissement de mesures incohérentes prescrites dans le contexte de guerre totale lancée par Hitler. Ni les camps de la mort ni les escadrons meurtriers nazis ne figurent dans Mein Kampf.
Pour autant, la réédition du pamphlet d’Hitler, Mein Kampf, donne de nouveau lieu à des empoignades entre les tenants de sa publication et les partisans du maintien de son interdiction. La polémique enfle au point de déborder les frontières. Toujours est-il que la controverse fait rage entre les deux tendances aux orientations politiques divergentes mais aux conceptions historiques confluentes. Dans les deux camps, les arguments convoqués pour analyser et décrire l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et de l’hitlérisme sont fallacieux.
Sur le premier chapitre de l’histoire, l’appréhension de la question est très réductrice. Autant sur la genèse que sur les finalités de la Seconde Guerre mondiale. En effet, depuis la fin de la guerre, le camp des vainqueurs, incarné par l’Occident, réussit le tour de force de procéder à une double falsification. Une chose est sûre : il imposa sa vision de l’Histoire.
Premièrement, les vainqueurs dépeignent, depuis la fin de la guerre, la Seconde Boucherie Mondiale sous les couleurs d’une épopée moderne dans laquelle l’héroïsme du monde libre le disputa au patriotisme sacrificiel pour sauver l’humanité de la bête immonde nazie. À accréditer le récit historique d’une guerre glorieuse et légitime entreprise par le camp du Bien contre le camp du Mal, dans un combat prométhéen de la démocratie contre le fascisme. Bien évidemment, les alliés (les USA, l’Angleterre, L’URSS, etc.) représentaient le camp du Bien. Tandis que le camp de l’axe constituait le Mal. Selon cette grille d’écriture de l’histoire bourgeoise, les Alliés symbolise la civilisation, l’Axe incarne la barbarie (comme aujourd’hui, dans l’optique occidentale Israël incarne le Bien, les Palestiniens, le Mal ; Israël fait figure de victime, les Palestiniens présumés coupables, condamnés sans autre forme de procès par le tribunal médiatique présidé par le lobby pro-israélien). Du point de vue de ce paradigme historique idéologique dicté par le camp des vainqueurs, les Alliés se battirent pour la démocratie, les droits de l’homme, la défense de la civilisation, des valeurs humaines, de la liberté. Une imposture éhontée. Car nul n’ignore qu’à la même époque tous ces pays piétinaient allègrement, factuellement, ces droits, ces principes, ces valeurs, ces libertés. La France et l’Angleterre par leur colonialisme asservissaient des centaines de millions d’« indigènes » réduits en esclavage.
Les USA, pays de l’esclavage et du racisme institutionnalisé, déniaient tout droit civique aux Noirs américains. L’URSS, pays stalinien, avec ses goulags, n’avait rien à envier à l’Allemagne hitlérienne en matière de répression politique, de déportation des opposants et d’oppression des minorités ethniques. Enfin, tous ces pays étaient fondés sur le mode de production capitaliste (d’État pour l’URSS) dans lequel l’exploitation, l’oppression, l’aliénation sont érigés en mode de fonctionnement « naturel », l’asservissement du prolétariat institutionnalisé par le salariat sur fond d’une répression « démocratique » assurée par le bras armé et le droit coercitif des classes possédantes : la police et la justice.
D’autre part, seconde falsification : l’historiographie dominante confine toujours cette Deuxième Guerre mondiale, par une focalisation psychologisante ou démonologique de l’histoire, à la seule personne d’Hitler, censé être l’unique responsable de la guerre, du fait sa personnalité pathologique, de son esprit démoniaque.
En réalité, la Seconde Guerre mondiale constitua une véritable guerre impérialiste préparée de longue date par l’ensemble des pays belligérants en lice pour le repartage du monde. Hitler ne fut que le pantin du grand capital allemand. Hitler n’était ni un Génie ni un Malade mental, comme le propagent de nombreux historiens, adeptes de la personnalisation de l’histoire. En réalité, n’était l’accélération de la crise économique mondiale à partir 1929, son ascension et son accession démocratiquement au pouvoir en 1933 n’aurait jamais pu se réaliser. Force est de relever que, avec ou sans Hitler, la Seconde Guerre mondiale aurait éclaté : elle était inscrite dans l’agenda impérialiste depuis 1918, date de la fin de la première mi-temps interrompue par le surgissement inattendu du prolétariat sur le théâtre des opérations belliqueuses mais actionnés sur son territoire de classe, notamment en Russie avec la révolution soviétique. Car la guerre constitue l’ADN du capitalisme. Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage. Il est né dans la boue et le sang et se perpétue dans la fange et par le dégorgement des hémoglobines.
Quoi qu’il en soit, il ne faut jamais perdre de vue que cette Seconde Guerre mondiale, tout comme la Première, se produisit au sein du mode de production capitaliste, au cœur du monde impérialiste, dans le giron européen, au sein de l’univers « civilisé », berceau de la « démocratie », pour résoudre militairement les contradictions inhérentes à ce système confronté en permanence aux crises économiques. Cette Boucherie mondiale ne se déroula pas dans un man’s land socio-économique, politique et idéologique. Les deux guerres mondiales ne surgirent pas ex nihilo. Elles furent enfantées par un système de production déterminé, baptisé et nommé capitalisme. Encore une fois : ce ne fut pas Hitler qui provoqua la Seconde Guerre mondiale, mais la Première Guerre mondiale qui enfanta la Seconde Guerre mondiale, avec les frustrations politiques suscitées par la redistribution des cartes géostratégiques sur fond d’une crise économique exacerbée. Hitler, en bon soldat du capital allemand, ne fut qu’un dirigeant propagandiste, catalyseur des foules, puis meneur de troupes de choc.
Au demeurant, force est de constater que tous les pays belligérants étaient impérialistes, colonialistes (France et Angleterre) totalitaires (URSS), ségrégationnistes (États-Unis). Contrairement aux pays Alliés, l’Allemagne n’occupait aucun pays. N’opprimait aucun peuple.
Par conséquent, il n’y avait à défendre aucun des deux camps en guerre. S’il fallait prendre position, comme le proclama Lénine lors de la Première Guerre mondiale, c’eût été d’appeler, comme dans le Projet de résolution de la gauche de Zimmerwald du 2 septembre 1915, à « transformer la guerre impérialiste entre les peuples en une guerre civile des classes opprimées contre leurs oppresseurs, en une guerre pour l’expropriation de la classe des capitalistes, pour la conquête du pouvoir politique par le prolétariat ».
D’aucuns rétorqueront qu’il fallait lutter contre le fascisme pour sauver la démocratie, « système politique plus humain » (on vient de démontrer l’inanité de cet argument : les fameux pays dits démocratiques, la France, l’Angleterre et les États-Unis, exploitaient, opprimaient, asservissaient des centaines de millions « d’indigènes », notamment la France avec son système colonial instauré en Algérie, avec son lot de massacres de masse, d’expropriation territoriale, de spoliation des richesses nationales, de ségrégation sociale et spatiale appliquée contre le peuple algérien réduit à vivre sous le code de l’indigénat. Le peuple algérien subissait le nazisme tricolore depuis 1830, tout comme les peuples de l’Inde, de l’Afrique sous domination britannique, des Afro-américains aux États-Unis).
Pour justifier et légitimer ses guerres, la classe dominante recourt constamment à tous les subterfuges. Comme il sied aux plumitifs de service, les intellectuels organiques contemporains lui emboîtent le pas pour cautionner cette boucherie par des arguties selon lesquelles la démocratie bourgeoise représenterait le modèle et l’idéal de gouvernance le plus « accompli », popularisé au sein d’un système capitaliste le plus performant, au-delà duquel aucun autre mode production ni de gouvernance inédite ne pourrait triompher. Le capitalisme serait ainsi l’horizon indépassable de l’humanité parvenue enfin à la fin de son histoire. Et la démocratie de marché, le modèle de gouvernance le plus parfait.
À la vérité, la démocratie est la feuille de vigne derrière laquelle se dissimule la dictature du Capital. Dans l’histoire, Démocratie et Dictature, deux modes de régulation politique au sein du même mode production capitaliste, se succèdent alternativement, au sein du même État, au gré des conjonctures économiques et sociales, autrement dit de l’âpreté de la lutte des classes.
Certes, depuis 1945 les pays occidentaux vivent, pour la première fois de leur histoire jalonnée de perpétuelles guerres séculaires sanglantes, dans une « période de paix ». Mais à quel prix ? Au prix de l’exportation de Leurs Guerres dans les pays périphériques (au Moyen-Orient, en Afrique), au plus grand profit de l’industrie de l’armement occidental (mais aussi russe et chinois, ces deux pays féodaux devenus, par une transition violemment accélérée, capitalistes). En effet, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il n’y a jamais eu autant de guerres aux quatre coins de la planète. Autant de massacres. De morts, majoritairement civils (c’est une caractéristique du capitalisme : les principales victimes des guerres sont toujours des civils – la preuve par Israël qui massacre la population civile palestinienne avec des moyens militaires hautement sophistiquées, notamment par le largage des bombes, le lancement des missiles). D’exodes. De génocides quotidiens provoqués par les malnutritions et les maladies. D’Holocaustes perpétrés à petit feu, autrement désignés sous l’euphémistique terme « famine ». Quelle est la différence entre les massacres massifs perpétrés par le nazisme et les famines occasionnées par le capitalisme mondialisé contemporain ? Aucune. S’il y a une différence, elle est de degré et non de nature. Dans le cas des famines contemporaines, le capitalisme massacre à petit feu, dans l’indifférence générale. Et non à l’échelle industrielle et massive comme l’exécuta le système hitlérien dans ses camps de concentration et de travail, sur les champs de guerre.
Aux yeux du « monde libre », avec sa morale à géométrie variable, seule l’horreur nazie est apparemment condamnable. L’horreur démocratique capitaliste est humainement tolérable. Les massacres perpétrés au nom de la démocratie sont bénis, auréolés de vertus politiques et de caution morale (comme il le prouve actuellement avec son soutien indéfectible accordé à Israël dans sa guerre d’extermination du peuple palestinien, hier avec les guerres menées contre l’Irak, l’Afghanistan, la Syrie, la Libye, etc.).
Quant à la question sur la responsabilité de l’opuscule Mein Kampf dans l’avènement de l’hitlérisme et le massacre des Juifs, la réponse coule de source, mais pas de la source historique occidentale falsifiée. Tous les historiens sincères l’affirment : l’ouvrage Mein Kampf n’a nullement contribué à l’avènement de l’hitlérisme, ni ne renferme quelque passage annonçant la Solution Finale.
En vérité, la politique d’extermination fut dictée par les circonstances tragiques de la guerre totale, impulsée officieusement dans le feu de l’engrenage du conflit mondial pour régler le problème de l’immigration générée à la suite de l’occupation des territoires par les troupes nazies.
Il est important de révéler que les Juifs furent utilisés comme moyen de chantage et de monnaie d’échange auprès de l’Angleterre et des États-Unis afin d’obtenir des faveurs notamment matérielles et énergétiques. Mais en vain. Pour preuve, un exemple historique véridique : l’Angleterre déclina les propositions réitérées allemandes de libération de plusieurs milliers de Juifs en échange de l’obtention de quelques camions.
Loin de nous la pensée de minorer le rôle du nazisme dans l’extermination des Juifs, à la vérité cette Solution Finale fut l’œuvre du capitalisme moderne hautement technologique et non le produit d’une folie humaine surgie dans la petite cervelle de Hitler. Tous les pays belligérants, notamment les États-Unis, étaient informés de l’existence des camps d’extermination, mais ils n’entreprirent aucune action militaire pour arrêter les massacres. Ils laissèrent Hitler régler à sa manière génocidaire la question de l’immigration, autrement dit les surnuméraires générés par la guerre. Car ils ne voulaient absolument pas accueillir les réfugiés juifs sur leur territoire. C’est dans cette perspective qu’il faut expliquer leur soutien apporté au projet sioniste de création d’un foyer juif en Palestine au lendemain de la guerre : pour se débarrasser des Juifs de leur pays.
En tout état de cause, l’humanité n’est pas comptable de ce génocide, à plus forte raison les populations du reste du monde situées hors des zones des conflits lors de la Seconde Guerre mondiale. Et si ces populations devaient compatir, verser des larmes pour les victimes de ce conflit, elles le feraient pour les 60 millions de morts, victimes d’une guerre totale génocidaire. Non pour une partie de ces morts, autrement dit les 6 millions de Juifs désignés comme uniques victimes. L’humble Humanité pleure toutes les victimes de la Seconde Guerre mondiale, s’incline devant tous ces morts massacrés par la barbarie capitaliste.
C’est le système capitaliste comme un tout, incarné par tous les dirigeants à la tête de l’État de tous les pays belligérants, qui est responsable, et de la Seconde Guerre Mondiale et du massacre des Juifs. L’humble Humanité opprimée a sa conscience tranquille. Ses mains sont maculées d’innocence. Pour la majorité de l’humanité, en particulier sa frange longtemps opprimée (les peuples du continent africain, du Moyen-Orient) sa mémoire porte encore les stigmates de l’esclavage et du colonialisme infligés à ses aïeux par l’Occident civilisé et démocratique jusqu’à l’orée des années 1960, notamment pour l’Algérie meurtrie par 132 ans d’asservissement colonial opéré par la France démocratique, pays des droits de l’Homme (Blanc).
De fait, l’opuscule Mein Kampf n’est ni comptable de l’embrigadement idéologique des Allemands fourvoyés dans le nazisme, ni responsable du déclenchement de la guerre mondiale. L’adhésion massive des Allemands au nazisme tout comme le déclenchement de la guerre mondiale s’expliquent par des facteurs contextuels d’ordre économique et politique. Nullement par la publication et la diffusion de l’ouvrage Mein Kampf.
Une chose est sûre : ce n’est pas l’Esprit qui guide le monde. Ce n’est pas la conscience qui détermine l’être, mais c’est l’être social qui détermine la conscience. La diffusion du livre Mein Kampf ne fut nullement le vecteur du conditionnement idéologique de la population allemande dans l’entreprise hitlérienne. À cet égard, il est important de souligner qu’entre la date de sa première publication en 1925 et le jour de l’accession de Hitler au pouvoir, Mein Kampf fut vendu seulement à quelques milliers d’exemplaires.
Ce ne fut pas la littérature nazie et fasciste qui engendra le nazisme et le fascisme, mais le contraire. Autrement dit, les contextes historiques particuliers des deux pays concernés : l’Italie et l’Allemagne.
Preuve s’il en est, la littérature fasciste naît en France où elle était très prolifique depuis la fin du XIXème siècle (Édouard Drumont, Maurice Barrès, Charles Maurras, etc.). Pareillement pour les partis d’extrême-droite, très florissants en France au cours de cette période (le Boulangisme, Action française, etc.). Or, le fascisme ne bénéficia jamais d’une audience favorable parmi la population française, ni, à plus forte raison, n’accéda au pouvoir en France, sinon à la faveur de l’occupation de la France par les troupes nazie en 1940, imposant un pouvoir vichyssois à sa solde. En revanche, on peut même affirmer, sans contredit, que les mécanismes politiques et idéologiques du nazisme dominaient depuis plusieurs siècles la France au travers son colonialisme génocidaire et son esclavagisme ethnocidaire, son racisme institutionnel et son esprit de prédation et d’expropriation. La France comme l’Angleterre, sans oublier les États-Unis, trois pays colonialistes et esclavagistes, symbolisent le nazisme. Le nazisme constitue la phase industrielle et technologique des politiques coloniales et esclavagistes occidentales. L’Allemagne ne fit qu’appliquer en accéléré le programme d’accumulation primitive du capitalisme fondé sur le pillage, l’esclavage, le colonialisme, le racisme, le massacre de masse des populations autochtones.
Autre preuve s’il en est, plus actuelle. Quand bien même l’opuscule Mein Kampf d’Hitler serait-il diffusé gratuitement dans le monde entier, il n’engendrerait jamais d’adeptes purs et durs du nazisme. Croire que Mein Kampf a la puissance de nazifier les éventuels lecteurs est une vue de l’esprit. C’est un livre susceptible d’intéresser et de convaincre uniquement les convertis.
Au contraire, Mein Kampf s’exposerait sinon à un rejet viscéral par l’ensemble de la population mondiale, au mieux à l’indifférence générale.
L’époque a changé. Le fascisme comme l’hitlérisme sont le produit d’une époque spécifique révolue, la singularité de pays (l’Italie et l’Allemagne) tardivement créés, déchirés par des contradictions internes criantes de révoltes politiques et sociales. En effet, leurs États respectifs embryonnaires étaient très vulnérables face aux classes en conflit. À cette époque ravagée par la première guerre et la crise économique, trois classes s’affrontaient : l’ancienne classe seigneuriale en voie de dissolution mais toujours déterminée à lutter pour sa survie et surtout pour freiner la consolidation de cette nouvelle société capitaliste en mutation portée par la bourgeoisie moderne; la bourgeoisie naissante résolue à imposer et à consolider son pouvoir politique et son système économique arrimé désormais au capital international; enfin, la nouvelle classe ouvrière en gestation résolue à unir ses forces pour se constituer en parti politique et en syndicat afin d’affronter la bourgeoisie. Parmi ces trois classes, à cette époque d’effervescence révolutionnaire, la plus menaçante, amplement illustrée lors des révolutions avortées, écrasées dans le sang entre 1917-1923, c’était la Classe Ouvrière. Qui plus est, le mouvement ouvrier allemand était le plus important à cette époque. En particulier, le mieux organisé, le plus avancé, le mieux éduqué. Le plus menaçant.
Aussi, pour parer au danger de la révolution prolétarienne, les réponses apportées par les bourgeoisies respectives des deux pays eurent-elles pour objectif d’affermir leurs États, de blinder leurs pouvoirs, militariser leurs économies, verrouiller la politique par l’instauration d’un État policier, d’écraser les partis ouvriers, d’éradiquer les syndicats, museler les médias, muscler le patronat, en résumé asservir dictatorialement leurs populations (n’assistons-nous pas actuellement, dans la majorité des pays, à la réitération du même plan de despotisme étatique et de la militarisation de la société, impulsé à la faveur de la pandémie stratégiquement instrumentalisée par le grand capital ?).
De fait, en ce qui concerne l’Allemagne, pour dompter la menace de la classe ouvrière dans cette période d’agitations révolutionnaires inaugurées en Russie par la Révolution bolchevique et dans le reste de l’Europe, notamment en Italie et en Hongrie, la nécessité d’instaurer un État fort s’imposa à la bourgeoisie. D’autant plus que, après sa défaite et la signature de l’humiliant traité de Versailles, la bourgeoisie allemande se préparait déjà à reprendre sa revanche. Aussi s’imposa à la bourgeoisie la nécessité de créer les conditions historiques pour réaliser son projet par un réarmement aussi bien militaire qu’idéologique de l’Allemagne. C’est dans ce contexte de défaite militaire, d’effervescences révolutionnaires prolétariennes, d’exacerbation d’esprit vindicatif répandue par les classes possédantes exsangues allemandes, de crise économique profonde, de misère généralisée, de frayeurs éprouvées par les classes dominantes à la suite des révolutions spartakistes pourtant écrasées dans le sang, que la figure hideuse d’Hitler vérolée de haines émergea, au milieu d’autres figures nazifiées anonymes, pour s’imposer comme l’icône providentielle sur laquelle s’appuya le capital allemand aux fins de redessiner le tableau politique et la carte géographique de l’Allemagne.
Force est de constater qu’Hitler, peintre raté mais brillant orateur, parvint à se hisser sur le devant de la scène politique grâce au soutien du capital allemand, notamment par le financement de son parti et de ses milices créées pour mater les ouvriers et les communistes. Toute sa rhétorique fut axée sur la dénonciation du marxisme et accessoirement de la finance juive. Mais son ennemi principal fut toujours le Communisme. Rien d’étonnant pour un représentant du capital en proie à cette époque à une grave crise économique et à des agitations sociales ouvrières. Ainsi, l’hitlérisme fut un pur produit du capital allemand.
En outre, à cette époque, le principal ennemi fut le Communisme, incarné par les Bolcheviks associés aux Juifs, majoritaires au sein du Parti bolchevique, selon les nazis. De même pour le parti Spartacus, accusé d’être dirigé par des juifs, il fut tenu responsable de la défaite de la guerre 1914/1918, comme de l’insurrection révolutionnaire spartakiste. Dès lors le Communisme, dans l’optique réductrice de la bourgeoisie réactionnaire allemande, devint synonyme de Juifs. La principale préoccupation obsessionnelle fut donc de s’attaquer au communisme personnifié par le juif (le Judéo-bolchévisme), de soumettre la classe ouvrière allemande pour la préparer à la guerre de revanche.
En effet, frustré par la défaite de sa guerre impérialiste 1914/1918, l’absence d’espace vital (à savoir l’absence de colonies pour disposer de matières premières gratuitement comme les autres puissances impérialistes anglaise et française, et d’un marché pour écouler ses produits), la fermeture des marchés extérieurs, le Capital allemand fourbissait ses armes pour régler militairement ces deux problèmes (de marchés et de territoires). À cet égard, il est important de souligner qu’à la veille du déclenchement de la seconde Guerre mondiale, Hitler avait proclamé : « l’Allemagne doit exporter ou périr ». Aussitôt, il lança ses troupes sur toute l’Europe dans une guerre de conquêtes, pour accaparer ses richesses, favoriser l’industrie allemande, conquérir des territoires indispensables à son « espace vital ».
Pour conclure, le plus cynique dans cette histoire de la Seconde Guerre mondiale, du moins en Europe comme dans le reste des pays « occidentaux », favorisée par une outrancière manipulation idéologique et falsification historique opérée par la propagande pédagogique et médiatique, c’est la perception de l’opinion publique de cette tragédie capitaliste (ou plutôt prolétarienne car c’est, encore une fois, le prolétariat qui fut sacrifié sur l’autel du capital). Pour exonérer la responsabilité du capitalisme dans cette guerre exterminatrice, la bourgeoisie se livre, depuis 1945, à une véritable falsification de l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. En effet, une proportion importante de la population réduit cette effroyable Deuxième Boucherie impérialiste à une simple guerre menée contre les Juifs, à la Shoah, c’est-à-dire à la seule mort des 6 millions de Juifs (qui, soit dit au passage, ont réellement été massacrés ; aussi il n’entre pas dans notre pensée de nier ce génocide mais de déplorer l’instrumentalisation de la Shoah à des fins politiques et sionistes).
Dans la conception historique mystifiée de la majorité de la population occidentale, la Seconde Guerre mondiale demeure synonyme de la Shoah. De fait, est occulté totalement le massacre des 60 millions de morts majoritairement civils (prolétaires) sacrifiés au cours de cette guerre, et au-delà est dissimulée le caractère impérialiste de la Seconde Guerre mondiale. Il faut rappeler que l’URSS paya un lourd tribut avec ses 27 millions de morts, sans oublier les millions de victimes des autres pays, à savoir 27 millions de morts.
Alors, publier ou interdire Mein Kampf, c’est un faux débat, et certainement pas un digne combat pour le prolétariat et les peuples opprimés en voie de paupérisation, toujours dominés par un système capitaliste mondialisé en plein renazification, autrement dit militarisation de la société et préparation guerrière. Mais l’occasion d’impulser un débat politique sur un projet d’émancipation en rupture avec le capitalisme.
Khider Mesloub
Source: Lire l'article complet de Les 7 du Québec