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par Hassan Hamadé.
Sorties victorieuses de la guerre de 1967, les autorités d’occupation ont annoncé : « Jérusalem unifiée est la capitale éternelle d’Israël ».
Puis, des Pays arabes suivis par l’Organisation de Libération de la Palestine [OLP] et l’Autorité autonome impliquée dans la liquidation de la question palestinienne par les effets des Accords d’Oslo, se sont précipités vers l’option des deux États assortie de la déclaration unilatérale selon laquelle « Jérusalem-Est est la capitale de l’État de la Palestine » ; une option devenue la risée des sionistes israéliens convaincus de la loyauté du sionisme arabe à leur égard et de son hostilité à l’égard de la Palestine.
En réalité, les deux propositions suscitent l’ironie. Le sort de la seconde étant connu d’avance, elle ne mérite pas que nous nous y attardions davantage.
Quant à l’annonce consistant à faire de Jérusalem unifiée la capitale éternelle d’Israël, elle repose sur l’idée que l’histoire s’est arrêtée devant la suprématie israélienne fortifiée par le sionisme arabe, grâce à quoi il n’y aurait aucun espoir de salut ni pour la Palestine ni pour aucun Arabe qui la soutiendrait. Naturellement, cette hypothèse a échoué et, aujourd’hui, pour la première fois depuis la guerre de 1973, se pose sérieusement celle de la disparition de l’entité sioniste elle-même. Une hypothèse qui fut la hantise du père fondateur d’Israël, David Ben-Gourion, si l’on se réfère à ce qu’il a confié sur ce sujet.
Pour rappel, il est notoirement connu que l’entité sioniste a trois pères : Haim Weizman, David Ben-Gourion et Nahum Goldmann. Le premier a arraché la Déclaration Balfour, le second a mené l’action militaire sur le terrain et ordonné des expulsions et des massacres de Palestiniens, le troisième a organisé des campagnes de soutien aux colons, collecté des fonds et tissé des relations internationales. Or, Weizman détestait Ben-Gourion et le toisait avec arrogance, tandis que Goldmann et Ben-Gourion se vouaient une grande amitié, au point que Nahum pouvait se permettre de poser à David des questions qu’aucun dirigeant sioniste n’aurait osé aborder.
Dans son livre intitulé « Le paradoxe juif » [Editions Stock, 1976], Goldmann rapporte les détails d’une conversation ayant eu lieu au domicile de Ben Gourion, en 1956, et dont les propos ne devaient même pas être entendus par son épouse, Paula Munweis. Des propos chargés d’un aveu dangereux confié à l’ami digne de confiance. En effet, Goldmann écrit :
« Cette nuit-là, une belle nuit d’été, nous eûmes une conversation à cœur ouvert sur le problème arabe. Je ne comprends pas ton optimisme, me déclare Ben Gourion. Pourquoi les Arabes feraient-ils la paix ? Si j’étais, moi, un leader arabe, jamais je ne signerais avec Israël. C’est normal : nous avons pris leur pays. Certes, Dieu nous l’a promis, mais en quoi cela peut-il les intéresser ? Notre Dieu n’est pas le leur. Nous sommes originaires d’Israël, c’est vrai, mais il y a de cela deux mille ans : en quoi cela les concerne-t-il ? Il y a eu l’antisémitisme, les nazis, Hitler, Auschwitz, mais était-ce leur faute ? Ils ne voient qu’une chose : nous sommes venus et nous avons volé leur pays. Pourquoi l’accepteraient-ils ? ».
Un aveu du niveau d’un « secret d’État », pour la bonne raison qu’il démolit les fondements de la croyance sur laquelle repose le projet du « refuge national » pour les juifs, conformément à la promesse déclarée par Lord Balfour en 1917. Et comme pour Paula, les hauts responsables israéliens ne devaient pas l’entendre, vu qu’il justifie le rejet absolu de l’entité sioniste par les Palestiniens, accorde une légitimité à quiconque lui résisterait et nuit à sa propagande en la vidant de son contenu.
Un aveu qui signifie aussi que Ben-Gourion était sceptique quant à la capacité du sionisme arabe de transmettre durablement sa traitrise aux générations futures, d’autant plus qu’il se délectait de son soutien à travers la Grande-Bretagne et la France ; un soutien inimaginable aussi bien pour toute personne raisonnable que pour les rêveurs sionistes.
En effet, nul ne peut prévoir ce que cache l’avenir. Qui sait ? Viendra peut-être le jour où les nouvelles générations se révolteront contre les traîtres et rétabliront la considération due aux patriotes persécutés par ledit sionisme arabe. Le monde se retrouvera sens dessus dessous et le rêve sioniste deviendra un cauchemar pour ses concepteurs et leurs suiveurs.
De plus, Ben-Gourion était intimement convaincu que l’ère de la prospérité exceptionnelle ne durerait pas vu qu’elle repose sur la complicité de la plupart des proches de la victime avec ses bourreaux. Par conséquent, il était tout aussi convaincu que l’entité israélienne risquait de disparaître. C’était dans la logique des choses et Goldmann décrit avec précision la psychologie de son ami et rapporte ces propos :
«- J’aurai bientôt soixante-dix ans. Eh bien, Nahum, me demanderais-tu si je mourrais et si je serais enterré dans un État juif que je te répondrai oui : dans dix ans, dans quinze ans, je crois qu’il y aura encore un État juif. Mais si tu me demandes si mon fils Amos, qui aura cinquante ans à la fin de l’année a des chances de mourir et d’être enterré dans un État juif, je te répondrai : cinquante pour cent.
– Mais enfin, l’interrompis-je, comment peux-tu dormir avec l’idée d’une telle perspective tout en étant Premier ministre d’Israël ?
– Qui te dit que je dors ? répondit-il simplement ».
Goldmann dit avoir été « consterné par ce pessimisme ». D’ailleurs, il s’est attaché à expliquer la raison de la contradiction flagrante entre la logique de Ben-Gourion et son comportement basé sur la force militaire et rien que la force militaire. Son analyse mérite l’attention car elle ouvre la possibilité de nombreuses comparaisons :
« Son caractère entêté agressif incapable de faire des concessions, l’empêchait de suivre les conseils de son intelligence. La meilleure preuve en est que, une fois éloigné du pouvoir, l’intelligence reprit ses droits ; il devint même « goldmanniste », déclarant qu’il fallait rendre tous les territoires occupés (depuis 1967, Ndt) sauf Jérusalem ».
Sauf Jérusalem !? Quelle approche prouvée stérile par les faits ! Il n’empêche que Ben Gourion s’attendait au pire pour l’entité qu’il a contribué à créer et a reconnu, en son for intérieur, le droit des Palestiniens sur leur pays tout entier. Mais il était le fils et le captif de l’instinct raciste de l’individu israélien. À ce propos, Goldmann apporte un éclairage intéressant :
« Je lui ai dit un jour : Tu as réussi à faire une chose que seul le Bon Dieu avait faite avant toi. Non seulement tu as créé l’֤État d’Israël, mais tu as modelé à ton image le nouveau juif israélien.
– Eh bien, ce n’est pas mal, non ? s’écria-t-il.
– Attends un peu, repris-je. Je ne suis pas sûr que le Bon Dieu ait tellement réussi à créer l’homme ; je ne suis donc pas sûr que tu aies réussi en créant l’Israélien ».
Telle est l’opinion de Goldmann et de son partenaire sur cette paternité de malheur. Maintenant, si nous comparions les enfants et petits-enfants avec celui qui les a modelés à son image, nous constaterions qu’ils sont loin d’avoir hérité de son intelligence, même s’il n’a pas toujours suivi ce qu’elle lui dictait. En revanche, ils ont retenu ses leçons en perpétrant un massacre après l’autre sur le peuple palestinien torturé et opprimé, qu’il soit musulman ou fidèle au Christ syro-palestinien.
C’est donc une tragédie des plus terribles pendant que des États mentent, tergiversent et soutiennent implicitement le racisme israélien, à commencer par les États-Unis et les gouvernements du maudit sionisme arabe.
Mais le résultat de la confrontation est certain, comme l’a prédit Ben Gourion : cinquante pour cent, voir moins, beaucoup moins…
Dans les derniers jours de sa vie, Nahum Goldmann a cherché à ouvrir une nouvelle page en agissant de telle sorte que l’entité sioniste se désintègre avec le moindre coût humain possible. Pour cela, il a tenté de sauver l’idée d’un règlement pacifique et a ouvert les portes de l’Europe à l’OLP via ses disciples, tels l’Autrichien Bruno Kreisky, l’Allemand Willy Brandt, le Français Pierre Mendès France, etc. Et le 3 juillet 1982, alors que Beyrouth était assiégée, il a publié avec Mendès France et Philip Klutznick une déclaration appelant Israël à lever le siège pour faciliter les négociations avec l’OLP. En réalité, il n’avait pas de respect pour les diplomates israéliens et voyait en eux une source de danger pour les Juifs du monde.
Aujourd’hui, le peuple palestinien se bat avec un courage indescriptible et une détermination sans faille et, en effet, ses générations successives n’ont pas cédé et comptent sur elles-mêmes. Il lui suffit d’être soutenu par ses alliés fidèles pour aller vers la victoire à Jérusalem et le reste de la Palestine de la rivière à la mer.
Hassan Hamadé, écrivain et chercheur libanais
source : https://al-akhbar.com
traduit par Mouna Alno-Nakhal
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