Gaza : la violence structurelle comme carburant du conflit

L’auteur est artiste pour la paix

Le 16 mai, lors d’une rencontre au sommet à l’ONU, un appel du Secrétaire général, Antonio Guterres, est resté sans suite, même s’il a réaffirmé que seule une solution politique durable mènera à une paix durable. Il a également renouvelé son engagement, notamment par le biais du Quatuor pour le Moyen-Orient, à aider les Palestiniens et les Israéliens à résoudre le conflit sur la base des résolutions pertinentes des Nations Unies, du droit international et des accords bilatéraux[i]. Lettre morte. Les États-Unis refusent de remettre en question Israël, leur « grand ami », répétait Donald Trump. Le gouvernement de Benjamin Nétanyahou, avec le Likoud, parti de la droite israélienne, poursuit donc une politique basée sur sa culture de la guerre. La violence structurelle est devenue le levier de la justification de tous les abus sans égards aux droits palestiniens : conquête de nouveaux territoires, évictions et colonisation forcée, violences sociales et économiques (particulièrement en ce qui a trait au droit du travail, éducation, etc.).

Les belligérants, tant en Israël que du côté du Hamas, justifient les interventions armées par leur logique défensive et érigent la violence comme une idée directrice selon une sorte de morale tordue du droit à la défense absolue. Refrain connu. D’une manière simpliste, l’ennemi réel ou inventé devient toujours celui qui a provoqué et initié les hostilités; la stratégie sous-jacente consiste à faire croire qu’il est impossible de faire autrement, comme s’il s’agissait d’une chicane de gamins.

La logique guerrière permet de justifier la loi du plus fort

Un tel raisonnement glorifie l’armée. En effet, être soldat procure une certaine reconnaissance et un statut social. Les héros violents ont toujours raison… comme dans les films hollywoodiens. Dans les pays où le militarisme est fortement implanté, il symbolise le patriotisme et l’esprit de domination violente basée sur la force de frappe des armes monstrueuses. Les États-Unis et Israël en fournissent des exemples éloquents chaque jour; d’une certaine façon, cet être-violence permet de banaliser et d’accepter implicitement les conséquences funestes des luttes armées.

Il s’agit d’une perversion des rapports entre les protagonistes du grand jeu d’un conflit. On demande souvent pourquoi la majorité d’une population en arrive à s’identifier aux porteurs de violence et à l’accepter d’une façon béate, pensons au nazisme, par exemple. Comme dans les sports, les supporters s’identifient à leur équipe imaginée la plus puissante; par procuration, ils se perçoivent comme faisant partie du clan des dominants et des gagnants. Le langage même trahit ce phénomène d’identification : on a gagné… On leur a donné une bonne leçon… En politique, on observe des réactions similaires; par mimétisme et grégarisme, les gens acceptent les règles imposées par les plus forts, ceux qui donnent l’impression d’être du côté des gagnants. Le patriotisme exacerbé des Américains et leur culte des armes illustrent bien ce type de mouvement de masse. Ces considérations permettent d’expliquer en partie le soutien à l’utilisation de la violence et de la guerre par une bonne partie des Israéliens.

Du côté palestinien, le Hamas ne fait pas dans la dentelle non plus. D’une certaine façon, ce mouvement islamiste impose aussi sa vision militariste et place constamment la population sous le risque des réactions israéliennes outrancières. Les véritables enjeux qui sous-tendent les combats armés en cours se fondent sur l’occupation violente du territoire et la colonisation systématique par Israël; aucune solution ne deviendra possible sans revenir à des accords de paix par des négociations diplomatiques et pacifiques de bonne foi. Le feu des canons ne fait qu’exacerber les tensions et empêcher de telles négociations.

La culture de la paix doit s’imposer

En opposition à ce vent d’acceptation de la violence et du silence des pays qui se situent du bon côté de l’histoire, celle des dominants et des tenants de la justification de la violence, la voix de la paix doit se faire entendre. La résignation aux diktats de la violence qui se limitent à considérer les rapports de force sur le plan politique comme la seule forme de normalité peut et doit changer. Il est temps de s’ouvrir les yeux, de dénoncer, de s’engager et de faire pression sur nos gouvernements pour construire des alternatives pacifiques et nécessaires basées sur les principes d’une culture de la paix.

Être pacifiste ne signifie pas se boucher les oreilles pour ne pas entendre les cris au cœur des drames causés par les séquelles de la violence, mais se tenir debout, le regard tourné vers l’avenir, pour chercher des solutions visant à déconstruire les mécanismes de la violence, comme l’a fait Gandhi en Afrique du Sud et bien sûr en Inde. Ce n’est ni passivité ni naïveté, mais une conception sensée des rapports entre les peuples et entre voisins, voire entre frères sémites. Le regretté Dominique Boisvert, dans son livre Nonviolence (ÉcoSociété, 2017), parlait de la nonviolence en un mot pour désigner « cette attitude globale de bienveillance tant à l’égard des autres humains que de la création tout entière. Une attitude faite de respect profond, d’ouverture et de gratitude, qui cherche à construire ensemble sans dominer ni exploiter. »

Est-il possible de soulever le drapeau blanc des deux côtés du mur et de négocier pour la paix?

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