Par Maurine Mercier (revue de presse : Newsletter RTBF Info – Afrique – 13/5/21)*
L’ONU se félicite des avancées politiques de ces dernières semaines en Libye avec notamment la création d’un nouveau gouvernement unifié pour l’ensemble du pays. Mais la réalité du terrain est un territoire toujours fragmenté, contrôlé par des groupes armés.
Depuis la chute du Colonel Kadhafi, les milices règnent. Elles se sont réparti chaque parcelle du pays qui ne compte ni armée, ni véritable police. Elles se nourrissent des trafics d’armes, d’essence, de drogue, de migrants tout en terrorisant la population.
Des fosses communes dans les champs
Tarhuna est emblématique de cette violence. Située à 80 kilomètres au sud-est de la capitale Tripoli, cette ville agricole a vécu pendant 6 ans sous le joug de la milice des frères Kani avant qu’une partie de sa population ne parvienne enfin à chasser cette fratrie et ses hommes.
Issa, la quarantaine, compte parmi ces habitants qui ont pris les armes pour chasser la milice de sa ville. Une fois libérée, il a découvert l’ampleur des violences exercées. Les frères Kani se sont servis de ses terres pour y jeter leurs victimes. Dans des fosses communes. Des tracteurs étaient utilisés pour les enterrer. 170 corps ont pour l’heure été retrouvés, dont des femmes et des enfants.
Un centre agricole comme lieu de torture
“Ils enfermaient tous ceux qui s’opposaient à eux. Ils les tuaient puis en ramenaient d’autres, par groupe de 4 ou 5“, explique Issa.
Il décrit cette mécanique macabre dans un centre agricole utilisé comme centre de torture par la milice, devant des cellules d’un mètre cube dans lesquels croupissaient les prisonniers. “Elles se transformaient en four lorsque des feux étaient allumés sur ces cubes de fer“, explique Issa.
C’était l’une des méthodes de torture des frères Kani. Durant 6 ans, ils ont pillé, massacré tous ceux qui refusaient de se soumettre à eux. “Ils ont tué 8 membres de ma famille, dont deux femmes et des enfants“, raconte l’agriculteur.
Justice ou loi du Talion ?
Depuis la libération de Tarhuna, des hommes s’activent pour retrouver les corps des disparus. Comme tant d’autres habitants, Ahmed n’a toujours pas retrouvé son fils.
Il avait 18 ans lorsqu’il a été kidnappé par la milice. “Je ne parviens plus à dormir plus de deux ou trois heures par nuit”. Ahmed passe de la tristesse à la colère. Il en veut à l’Union européenne, à l’ONU. “Si seulement les Européens nous fichaient la paix. Si on arrête de se battre, à qui l’Europe vendra ses armes ? C’est ça le problème. Et l’ONU, quand tu les vois à la télévision, ils disent vouloir une Libye démocratique. Mais sous la table, ils nous envoient de l’argent et des armes“.
Ahmed ne croit pas à la justice internationale. “De la politique et du business tout ça ! Les gens qui ont tué mon fils, je les retrouverai et les capturerai un à un. Je les tuerai. Parce qu’il n’y a pas de Justice !”. Sans Justice, Ahmed en est persuadé, la milice se reconstituera pour commettre de nouveaux massacres.
Appel à la justice internationale
Issa lui veut encore croire en la justice. Il a dressé la liste des victimes dont on recherche encore les corps aujourd’hui. Il s’est donné pour mission de témoigner. Même s’il doit en mourir.
Aujourd’hui, les frères Kani ont fui à l’est du pays, mais ils ont encore des alliés à l’Ouest, dans la région de Tahruna. Toujours menaçants. Issa a échappé à quatre tentatives d’assassinat dont l’une en plein Tripoli alors qu’il se rendait au bureau des Nations Unis pour essayer de leur parler du dossier des fosses communes.
“Ils veulent me faire taire à n’importe quel prix“, résume Issa. “Ils ne veulent pas que je parle des fosses communes et de leurs crimes“. A chaque fois qu’il sort de chez lui, il s’attend à se faire tuer.
La petite ville de Tarhuna aux apparences si tranquilles est aujourd’hui contrôlée par une autre milice. La majorité de ses habitants implorent – sans y croire – la Justice internationale d’enquêter. Pour briser ce cercle de violence qui depuis 10 ans s’est emparé de leur ville et de tout le pays.
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