Nos médias face au rapport de l’OMS

Nos médias face au rapport de l’OMS

Le siège de l’OMS à Genève.

Une OMS, deux Radio-Canada

Il y a une Organisation Mondiale de la Santé, mais deux Radio-Canada, une que Pierre Falardeau surnommait Radio-Cadenas et l’autre qui permet à des émissions, comme Tout le monde en parle, de poser les bonnes questions et de choisir ses invités très pertinents et qui laisse une liberté relative aux émissions À la semaine prochaine, Enquête, Décrypteurs, De remarquables oubliéEs du regretté Serge Bouchard, Désautels le dimanche, la Facture, Infoman et aux excellentes réalisations de Georges Amar (Grands reportages).

Elles courent le risque, néanmoins, de se voir tirer la plogue, comme toutes les émissions culturelles, la dernière en date Esprit critique de Rebecca Makonnen et Marc Cassivi (Culture club à potins parisiens de René Homier-Roy ne risque rien) et Second regard que son mandat spirituel et son animateur favorable au pape François révolutionnaire (lire pacifiste!) rendaient trop indépendant aux yeux d’une direction à un seul regard.

Radio-Cadenas épouse une ligne gouvernementale qui censure tous reportages objectifs sur les bombes nucléaires et sur l’armée, qui dérape pourtant dans des agressions sexuelles multiples par ses officiers de haut rang et dans des dépenses incontrôlées pour des armes offensives discréditées à l’échelle mondiale. Il va sans dire que Radio-Canada manque totalement d’objectivité face à la loi 121, à la loi 101, au projet de loi 96 aux insuffisances dénoncées par Ruba Ghazal de Québec Solidaire et par le chef du Parti Québécois.  

La raison de ce préambule est de mettre la table à notre indignation devant le parti pris démontré le 12 mai par deux intervieweuses d’expérience qui ont posé des questions insistantes et agressives à Joanne Liu, ex-présidente des Médecins sans frontières, professeure à l’Université McGill en études cliniques et épidémiologistes et surtout une des enquêteuses ayant participé à l’excellent rapport sur l’Organisation Mondiale de la Santé présenté ci-après.

Un rapport sur l’OMS accueilli favorablement par son directeur

Le rapport commence, selon madame Liu, par « une comparaison qui démontre un courage d’appeler un chat un chat » : « Tchernobyl du XXIe siècle. » C’est par cette comparaison évocatrice que ses experts indépendants ont désigné la pandémie de Covid-19. Pour eux, des réformes des systèmes d’alerte et de prévention doivent être entreprises pour éviter qu’une nouvelle pandémie survienne. « La situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui aurait pu être évitée », a déclaré l’une des coprésidentes de ce panel, Ellen Johnson Sirleaf, ancienne présidente du Liberia : « Nous comprenons que les gens soient en colère et bouleversés (…) mais il n’y a pas un seul individu ou nation responsable. »

Ancien directeur du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, Michel Kazatchkine vante ce rapport atypique des Nations Unies, comme très concret et audacieux dans ses propositions, par exemple celles d’accorder davantage de fonds à l’OMS et de lui donner le pouvoir de publier immédiatement toutes informations sur des épidémies susceptibles de donner lieu à une pandémie, même sans demander l’approbation des pays enquêtés (la Chine, pour le COVID19).

Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus a immédiatement réagi au rapport en l’accueillant de façon favorable. Or, comme si elles étaient encore sous l’influence de Donald Trump qui avait coupé les vivres à l’OMS et méprisait l’Africain Ghebreyesus, voté à son poste de façon universelle, une première par l’Assemblée générale de l’ONU, et ce contre un candidat britannique favorisé par les pays élitistes anglophones y compris le Canada, ces employées de Radio-Canada ont tenté en vain de faire dire à madame Liu que l’OMS était responsable des erreurs à l’origine de la pandémie.

« Cette situation est due à une myriade d’échecs, de lacunes et de retards dans la préparation et la réponse à la pandémie », a plutôt souligné Mme Sirleaf. Le rapport met en avant que « la combinaison de mauvais choix stratégiques [négligence d’émettre dès le départ la consigne du masque et la fermeture de frontières?], d’un manque de volonté de s’attaquer aux inégalités et d’un système manquant de coordination, a créé un cocktail toxique qui a permis à la pandémie de se transformer en une crise humaine catastrophique. »

Même si Dr Ghebreyesus a déclaré le 30 janvier le plus haut niveau d’alarme, c’est-à-dire une urgence de santé publique de portée internationale, février 2020 a été un mois perdu durant lequel bon nombre de pays auraient dû agir. Retards, hésitations et dénis ont permis à l’épidémie, puis à la pandémie d’éclore, conclut le rapport, car ce n’est que le 11 mars lorsqu’il a parlé de pandémie, que certains pays ont réellement pris au sérieux la crise.

Alerte lancée chez nous par L’aut’journal et les Artistes pour la Paix

À la mi-mars 2020, par un article[i] au titre imagé Onu soit qui mal y pense, je relayais ainsi le mot d’ordre vital de Ghebreyesus peu pris au sérieux par Trudeau :

« TESTEZ, testez, testez, insiste le directeur de l’OMS (ONU) créée en 1948, M. Ghebreyesus, qui n’hésite pas à répéter ce mot d’ordre crucial pour sauver des vies. Car plus de 200 000 cas d’infection ont été dénombrés dans 145 pays et territoires depuis le début de l’épidémie. « Ce nombre de cas diagnostiqués ne reflète toutefois qu’imparfaitement la réalité, un grand nombre de pays n’ayant pas mis en place une politique de dépistage des cas suspects », comme l’a demandé pourtant l’OMS à de très nombreuses reprises. Nos lecteurs ne se surprendront pas de ce laisser-aller consécutif à des années de dégradation des pouvoirs de l’ONU que nous documentons semaine après semaine, en luttant contre les gouvernements à tendance populiste qui, selon l’expression de M. Romuald Sciora, veulent la mort de l’ONU[ii]. Félicitons-nous que le Premier ministre du Québec François Legault prenne les mots d’ordre de l’ONU au sérieux et ait multiplié, avec la ministre Danielle McCann et le directeur de la Santé publique Horacio Arruda, les dépistages auxquels se soumet un nombre de plus en plus élevé de Québécois soucieux de leur santé et de celle de leurs proches. Selon les experts médicaux, c’est ainsi – et aussi par des confinements volontaires disciplinés à la maison – que la courbe d’augmentation des cas pourra être moins abrupte, donc moins susceptible d’entraîner des morts par milliers, vu l’engorgement prévisible (mais encore évitable?) de notre système de santé. (…) Et le Québec entier n’a pas le choix de ne pas arriver en tête des tests! Car comme un article[iii] de Pierre Dubuc l’a bien révélé, nos misérables 2,5 lits par mille habitants, héritage de la BBC (Barrette, Bolduc, Bouchard, Charest, Couillard et son défunt compagnon de pêche du CUSM) risquent de nous voir submergés bientôt par les débordements de la maladie. »

Rien n’a été modifié dans ce texte. Une semaine plus tard, nous avons écrit ce pourquoi nous considérions la lutte contre le COVID-19 comme un combat pour la paix : http://lautjournal.info/20200324/egalite-fraternite-liberte-restreinte-solidarite

Puis http://lautjournal.info/20200417/nos-vieux-jetables

Et notre article du 30 mars « Ça va bien aller … si le gouvernement du Canada écoute la science, l’ONU et l’Organisation Mondiale de la Santé » et s’il change ses priorités militaristes! Tandis qu’en mai 2020 on s’indignait : « pourquoi cette complaisance face à Trump de la part des médias [y compris Radio-Canada], qui reproduisent des reproches constants contre l’OMS ? L’OMS doit être appuyée, surtout en ce moment où elle livre un bras de fer avec les riches compagnies pharmaceutiques énoncé ainsi : « Notre mission est non seulement d’accélérer le développement et la fourniture de nouveaux outils contre COVID-19, mais aussi d’accélérer l’accès équitable dans le monde entier à un diagnostic, un traitement et des vaccins sûrs, de qualité, efficaces et abordables contre COVID-19. Et ainsi s’assurer que personne n’est laissé pour compte dans la lutte contre Covid-19 ».

Riccardo Petrella a vu juste depuis 18 mois

Une partie importante du rapport sorti le 12 mai de cette année porte sur l’accès aux vaccins. « Les pays riches ont pour le moment préacheté pour 4,3 milliards de doses alors qu’ils représentent 1,16 milliard en termes de population (…) Nous demandons à ce que, dès lors qu’ils auront atteint une couverture raisonnable de leur population, ils s’organisent pour céder aux pays à ressources limitées un milliard de doses vaccinales d’ici septembre 2021 et un autre milliard de doses d’ici la mi-2022. Enfin, nous demandons à l’OMC et à l’OMS de réunir tous les pays producteurs de vaccins et les producteurs de vaccins pour convenir ensemble d’un mécanisme global de licence volontaire et de transfert de technologie. Licence volontaire, cela veut dire qu’une firme qui détient des brevets les cède volontairement. Et s’il y avait résistance à ces licences volontaires, à ce moment-là, on demande à l’OMC d’imposer la levée des brevets ».

Une série d’articles de notre part a relayé les alertes lancées par Riccardo Petrella et l’Agora des Habitants de la Terre, qui n’ont pas attendu cette conclusion du rapport pour demander haut et fort une telle mesure, rendue exceptionnelle par l’ignoble pratique capitaliste de monnayer la guérison en laissant la mort en héritage aux 2/3 de l’humanité.

Et enfin, on a constamment appuyé l’ONU contre Trudeau[iv] et encore en décembre dernier, l’OMS contre le racisme vaccinal de Trump et du Canada[v], article relayé par DU, le Regroupement des Universitaires à la vocation principalement écologique.

Et pour conclure avec le retour de la thématique radio-canadienne, remarquons que le dernier article cité défend les infos objectives fournies par RDI, plus fiable que son réseau frère. Permettez une dernière observation : quand la Russie émet un veto au Conseil de Sécurité de l’ONU parce qu’elle doute de la véracité des rapports fournis par l’OPCW sur la Syrie ou que la Chine émet le sien pour contrer le prétendu génocide ouïghour, les médias et Radio-Canada (François Brousseau) blâment vertement ces pays. Quand les États-Unis de Joe Biden usent de trois vétos pour empêcher un communiqué qui blâmerait Israël pour ses bombardements qui ont tué jusqu’à présent une douzaine d’enfants dans Gaza, les journaux et Radio-Canada (voir Joëlle Girard : Le silence de l’ONU fait grand bruit) blâment l’ONU pour son incapacité à faire la paix. Deux poids, deux mesures…

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Source: Lire l'article complet de L'aut'journal

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