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par Mohamed El Bachir.
« Aujourd’hui, je suis venu porteur d’un rameau d’olivier et d’un fusil de combattant de la liberté. Ne laissez pas le rameau d’olivier tomber de ma main. Je le répète : ne le laissez pas tomber de ma main ». (ONU : 13 novembre 1974. Yasser Arafat)
*
En cette nuit printanière, le hameau de Dar Om Saad s’était endormi sous une pluie fine, fouetté par un vent violent et le sommeil de Abou Kassem fut bercé par les sanglots agités des branches d’oliviers. Sans l’oliveraie qui veille sur le hameau, Abou Kassem perdrait son âme.
Ce matin là, il ne s’éveilla pas à l’appel du muezzin, il n’entendit pas non plus le chant du coq. Il se dit d’ailleurs qu’aussi bien le muezzin que le coq étaient devenus muets !
Dans l’aurore naissante, trois coups frappés à la porte, suivis d’une voix stridente qui semblait donner des ordres, le tirèrent de ses réflexions.
« Au nom de Sa Majesté, veuillez ouvrir la porte ! »
S’habillant à la hâte, et tout en maugréant Abou Kassem ouvrit la porte et se retrouva face à deux étrangers, l’un en civil, l’autre en uniforme de policier.
À une heure aussi matinale, Abou Kassem comprit très vite que la présence des deux hommes n’augurait rien de bon et qu’ils venaient lui annoncer une mauvaise nouvelle.
L’homme en civil lui remit un document et lui expliqua que la maison qu’il occupait ne lui appartenait plus.
« Vous devez quitter les lieux dans la journée ».
Abou Kassem ne s’expliquait pas ce qui se passait. Il voyait cet homme s’agiter devant lui et les mots qu’il prononçait lui étaient incompréhensibles.
Pensant à une erreur administrative – la région étant gérée depuis peu par de nouvelles autorités – il protesta vivement, triturant dans ses mains tremblantes son titre de propriété.
Il sentit sa colère grandir quand l’homme réitéra ses demandes d’un ton menaçant :
« À ce jour, vous étiez locataire ! Dans 24h, le propriétaire prendra possession des lieux y compris de l’oliveraie ».
Abou Kassem comprit que l’affaire le dépassait, la rage l’envahit …
L’oliveraie ? Lieu de l’enracinement de ses ancêtres à Dar Om Saad depuis la nuit des temps ? Témoin de son histoire ?
Face à l’impassibilité des deux hommes, il tira vivement la porte de sa maison, bouscula les étrangers et se rua vers l’écurie. Il scella son cheval, l’enfourcha et disparut dans l’oliveraie, comme englouti par elle.
En fin de matinée, épuisé, il arriva au siège de la nouvelle autorité. Il attendit encore deux longues heures avant d’être introduit dans le bureau du maire.
Sans s’embarrasser d’usages de politesse, Abou Kassem posa les titres de propriété sur le bureau et apostropha le représentant de la nouvelle loi assis devant lui :
« Monsieur le Maire, votre promesse ! »
Devant l’étonnement de ce dernier, il ajouta :
« Vous aviez promis l’intégrité morale et juridique de tous les hameaux en échange du concours des habitants pour destituer l’ancienne autorité ».
« Certains cheiks d’autres hameaux ont accepté de ne pas tenir compte de cette promesse en échange d’une… »
À cet instant, un homme entra dans le bureau et s’assit à la droite du maire.
Le nouveau venu finit par interrompre le maire en déclarant solennellement :
« Cette demeure m’a été léguée par la volonté divine et ce depuis la nuit des temps. Je reviens prendre possession de mon Bien ».
Abou Kassem répliqua aussitôt :
« Votre Dieu n’est pas le mien ! »
« Que ma demeure soit votre refuge, je veux bien mais Dar Om Saad est la demeure de mon passé. Elle restera la demeure de mon devenir ! »
L’intrusion d’un employé dans le bureau coupa net les discussions.
Il amenait des nouvelles de Dar Om Saad.
Face à la résistance de la famille de Abou Kassem d’évacuer les lieux, la police était intervenue et le bilan des affrontements était lourd.
Après un moment d’hésitation, le maire prit la parole et conclut l’entrevue par une décision qui devait par la suite faire couler beaucoup d’encre… Et de sang.
« Au nom de Sa Majesté : Dar Om Saad et l’oliveraie qui l’entoure changeront de nom et de propriétaire. Comme compensation, le nouveau propriétaire s’engage à permettre à Abou Kassem de construire une cabane en bordure de l’oliveraie… Au nom de la Démocratie et de la justice, ce nouveau partage me semble équitable… »
Ivre de colère, Abou Kassem s’écria :
« Votre équité n’est qu’une injustice et votre parole d’aujourd’hui ne vaut pas plus cher que celle d’hier ! »
Les descendants de Abou Kassem en font encore aujourd’hui l’amère expérience.
… Écoutez sangloter les oliviers dans l’oliveraie. Chaque nuit, ils pleurent ce qui se trame à Dar Om Saad…
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