Les réactions nucléaires couvent à nouveau à Tchernobyl. C’est ce qu’indique dans le plus grand mutisme de la communauté internationale scientifique et nucléariste et des médias institutionnels de tous les pays, la revue scientifique en langue anglaise « Science » du 5 mai 2021 (1) se faisant écho des propos de Maxim Saveliev de l’ISPNPP (Institut pour les problèmes de sûreté des centrales nucléaires, à Kiev en Ukraine). Les réactions de fission couvent à nouveau dans des masses de combustible d’uranium enfouies au fond d’une salle de réacteur mutilée. Les scientifiques ukrainiens s’efforcent de déterminer si les réactions pourraient se dissiper d’elles-mêmes (c’est le retour des croyances en l’intervention divine) ou si il faudrait intervenir avec des moyens fabuleux pour tenter d’éviter le pire sur le déjà effroyable.
Un nombre croissant de neutrons représentatif d’un signal de fission en provenance d’un endroit inaccessible
Trente-cinq ans après le pire accident nucléaire au monde – l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl – le spectre de la fission auto-entretenue ( la criticité) dans les ruines nucléaires de Tchernobyl hante les esprits. Comment étouffer la menace ? Alerté, Neil Hyatt, chimiste des matières nucléaires à l’Université de Sheffield indique que «c’est comme la braise dans un barbecue». La menace ne peut être ignorée, celle que « la réaction de fission s’accélère de façon exponentielle » conduisant à «une libération incontrôlée d’énergie nucléaire».
Anatolii Doroshenko du même ISPNPP précise que « des capteurs indiquent un nombre croissant de neutrons représentatif d’un signal de fission en provenance d’un endroit inaccessible – la salle 305/2 – qui a doublé en un peu moins de 4 ans« . Un amalgame de graphite des ex-barres de contrôle, des barres de combustible en uranium, leur revêtement en zirconium, des tonnes de sable et de plomb et d’argile déversées à partir du 26 avril 1986 pour tenter d’éteindre l’incendie sur le coeur du réacteur se sont transformés en lave. Environ 170 tonnes d’uranium irradié (95% du combustible d’origine) s’y trouve piégées. Le magma a coulé dans les sous-sols du hall du réacteur et s’est durci.
Maxim Saveliev de l’ISPNPP complète le propos : «Il existe de nombreuses incertitudes car le nombre de neutrons augmente lentement. Mais nous ne pouvons pas exclure la possibilité [d’un] accident. »
Quelques gouttes de pluie et les certitudes des experts sont lessivées
Depuis l’averse de juin 1990 l’eau de pluie s’est infiltrée sous le sarcophage en béton et en acier (Shelter) érigé sur le réacteur nucléaire en ruine un an après l’accident. Les experts se disaient que c’était bon signe car en théorie l’eau modère les neutrons. Mais elle augmente aussi leurs chances de percuter et de diviser les noyaux d’uranium : le nombre de neutrons monte alors en flèche lors de grosses pluies. Un scientifique («harceleur») s’était alors risqué dans le hall du réacteur endommagé et, en se précipitant car les radiations mortelles le frappaient, a pulvérisé une solution de nitrate de gadolinium propice à l’absorption des neutrons. On était pas passé loin, déjà, de l’emballement critique. Depuis des gicleurs au nitrate de gadolinium ont été installés dans le toit de l’abri mais le spray pulvérisé ne peut pas pénétrer dans certaines pièces du sous-sol.
Lorsque l’énorme deuxième sarcophage (New Safe Confinement/NSC) a été glissé au-dessus des ruines radioactives en novembre 2016 (3) toute la nucléocratie internationale s’est ravie car ainsi, juré craché foi d’experts, tout risque de criticité disparaissait. Pour la bagatelle de 1,5 milliard d’euros l’isolation permettrait de passer à la stabilisation de cette ignominie atomique et au démantèlement où il y aurait beaucoup de fric à se faire. L’atomiste français Areva (devenu Orano) avait même signé quelques contrats juteux. Manque de pot il s’était planté dans la conception et la réalisation des tunnels en béton de réception des colis radioactifs. Le diamètre était plus petit que celui des fûts. Exit les français.
Si jusqu’à présent ce sarcophage avait empêché la pluie d’entrer stabilisant alors le nombre de neutrons dans la plupart des zones sous l’abri, ceux-ci remontent à présent. Les scientifiques et ingénieurs nucléaires se grattent le crâne. Leur connaissances pointues et prévisions modélisées avaient exclu un tel possible. Pourtant cela a bien lieu. Selon les analyses de l’ISPNPP c’est le séchage du combustible qui conduit les neutrons à « ricocher » à travers le magma (2) augmentant la division des noyaux d’uranium et le risque de réaction en chaîne incontrôlée. Mr Hyatt, le chimiste de l’Université de Sheffield, estime que «ce sont des données crédibles et plausibles» d’autant que « on ne sait tout simplement pas quel pourrait être le mécanisme. » Et de poursuivre qu’au Japon qui tente de contenir les conséquences de la catastrophe nucléaire de Fukushima-DaIch: « c »est une ampleur similaire de danger.«
Maxim Saveliev de l’ISPNPP précise qu’après la catastrophe nucléaire d’avril 1986, le magma FCM fut nommé « Elephant’s Foot » (pied d’éléphant) . Il était si dur que les scientifiques avaient dû utiliser une mitraillette Kalachnikov pour en arracher un morceau afin de pouvoir l’analyser; «Maintenant, il a plus ou moins la consistance du sable». Nous voilà bien rassuré, les enfants tous et toutes au bac à sable!
On n’en finit jamais avec l’horreur nucléaire concoctée par les apprentis-sorciers
Notes :
(1) rédacteur : Richard StoneMay) du 5 mai 2021 à 11h20 . https://www.sciencemag.org/news/2021/05/nuclear-reactions-reawaken-chernobyl-reactor
(2) nommé aussi « corium » (hautement radioactif)
(3) une structure nommée « l’arche »
Source : Lire l'article complet par Mondialisation.ca
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