Recherche menée par Robert Gil
Concept déjà énoncé par Marx dans « Le Capital » : reproduction des classes sociales : le fils d’acteur a beaucoup plus de chances de faire l’acteur, que d’aller à la chaîne monter des bagnoles chez Renault (d’autant plus que les usines ne sont plus en France, mais c’est un autre débat) ! Le constat de Marx a cela d’inquiétant qu’il a gardé son caractère intemporel, même si l’on a pu croire un temps (notamment dans les années 70) que la société pourrait s’affranchir de ces schémas sociaux. Rien n’y fait, ou presque, tant les corporatismes et les comportements de classe ont la peau dure. C’est évidemment navrant.
Ainsi, pour parler de « consanguinité de classe », et c’est bien de cela qu’il s’agit de plus en plus, le pire étant que tous ces gens-là parviennent à faire des audiences en jouant sur la naïveté d’un public passif qui reçoit images et sons sans le moindre esprit critique. C’est à la fois fascinant et pathétique ! Les émissions de Drucker sont un exemple type de ce que notre pays produit de pire en matière d’abrutissement des populations, appelées à admirer béatement des élites autoproclamées, qui leur assurent notoriété et fortune en circuit verrouillé. Les parcours de vie des stars du cinéma sont devenus de purs produits de communication, très largement bâtis par des experts du story-telling.
Le plus « marrant » est que dans les interviews on entend systématiquement raconter qu’ils (ou elles) se sont lancés presque par hasard, qu’en fait ils (elles) rêvaient d’être aide-soignante et qu’ils ont eu la chance d’être remarqués lors d’une audition anonyme…véritable injure à ceux qui galèrent et triment pour émerger. Je n’ai jamais entendu la vérité : mon père a décroché son téléphone et m’a obtenu un rôle en trente secondes, et un passage télé en deux minutes chrono ! Cela n’enlève rien aux mérites bien réels de certains « fils et filles de », même s’ils ont bénéficié d’un évident coup de pouce.
Chaque fois que j’entends l’interview d’une célébrité ou d’un riche, ils étaient tous presque clochard avec 2 sous en poche et ont réussi grâce « à un talent formidable pour les célébrités » ou « un travail acharné pour les devenus riches ». Je suis désolée mais je connais beaucoup de gens qui travaillent dur tous les jours et ils ne deviennent pas riches, tout au plus de petits artisans qui ont du mal à boucler les fins de mois. Faut arrêter de prendre les gens pour des cons. Ce qui me gêne, c’est qu’il y ait des acteurs formidables qui ne feront jamais la carrière qu’ils méritent parce que les castings sont en partie phagocytés par les dynasties cinématographiques.
C’est la même chose, en effet, dans tous les milieux appartenant à ces élites autoproclamées et encensées dans des médias appartenant au même microcosme. Ce qui me semble préoccupant, mais peut-être suis-je dans l’erreur, vient du fait que ce phénomène prenne de l’ampleur. Une tendance forcément négative pour tous les jeunes acteurs talentueux qui essaient de percer dans le cinéma et voient ainsi leurs chances diminuer d’autant.
Ça ne me gêne pas qu’ils soient fils ou fille de, mais ce qui m’agace au plus haut point, c’est qu’ils font comme s’ils n’étaient la que grâce à un formidable coup de chance du destin et qu’avant de réussir ils galéraient et survivaient difficilement dans des cabarets avant d’être remarqués par un réalisateur ou un producteur. Ils n’ont qu’à dire tout simplement : oui, j’ai de la chance, mon père faisait du cinéma et j’ai baigné dans ce milieu depuis petit, grâce à ses relations j’ai pu obtenir un rôle, etc…Mais bon, on aime faire croire au péquin moyen que lui aussi aurait pu être une star ou un milliardaire s’il avait eu du talent ou l’envie de travailler dur, en même temps ça leur permet de te remettre à ta place, toi le petit qui n’a pas « réussi ». Le plus énervant chez les « fils et filles de » est cette manière de se payer notre tête sur leurs conditions d’accès au métier.
Le patronyme chez ces gens là est devenu une marque. C’est un film, un livre, une chanson, etc… « de » ou « avec ». Certains se distraient comme ils s’habillent. Le principal est que ce soit de la marque ! Un point évidemment essentiel : un patronyme connu dans le milieu est en effet, dans notre monde entièrement régi par le marketing, une « marque ». D’où sans doute l’augmentation du nombre des « fils et filles de », censés être plus « bankable » que des quasi-inconnus. Cette famille des peoples commence à ressembler à la famille « tuyaux de poêle » ; de cooptation en réseautage, on se retrouve avec une monarchie qui ne dit pas son nom ou qui n’a pas à le dire, la République commence à ressembler à un lointain souvenir……….
Marie PHILOMÈNE
Source: Lire l'article complet de Les 7 du Québec