La bhuttocratie aux oubliettes…

La bhuttocratie aux oubliettes…

YSENGRIMUS — On oublie déjà graduellement Madame Bhutto. Elle était la marionnette myope de l’Occident. Elle incarnait la tentative compradore de manipuler, depuis l’intérieur du fourneau, le Pakistan, cet allié tourmenté de 162 millions d’habitants au bord de la révolution islamique. Il s’agit donc de l’incurie ricaine en matière pakistanaise. Résumons. Le Pakistan, pays artificiellement créé en 1947 pour séparer les musulmans du sous-continent des Hindous, pays doté jadis d’une portion orientale distante de 1,000 km qu’il a perdu en 1971 dans une guerre sanglante et humiliante impliquant l’Inde, pays pompé, frustré, exacerbé. L’islamisme y monte tranquillement sans encombre depuis deux bonnes générations, dans une définition nationale qui repose de toute façon sur l’Islam au départ. Les élites occidentalisées (famille Bhutto en tête) n’y ont apporté que magouilles et combines, self-service pour leur propre clan. Les ricains y ont surtout appuyé de longue date ses dictateurs galonnés en cascades, s’intéressant moins à sa démocratisation effective qu’à la clique à poigne qui servira ses intérêts. Or ces gens ne sont pas des amnésiques politiques, il s’en faut de beaucoup.

Et subitement tu lâches là dedans une ancienne combinarde jadis déposée pour magouilles, qui porte son voile à moitié, en rêvant qu’elle ira bouter le général que tu n’appuies plus parce qu’il pointe les ressources que tu lui fournis contre l’Inde plutôt que contre ton petit problème terroriste qu’il protège à demi et dont il se fiche pour l’autre demi. Eh bien ta figure politique «démocratique» de la onzième heure, prépare toi à en retrouver du hachis. C’est ce qui est arrivé. Madame Bhutto incarnait l’occidentalisation et tous ses mythes creux: démocratie, élitocratie, ploutocratie, magouillocratie, etc. Sa mort aura peu d’impact de masse à terme au Pakistan parce que cette figure était téléguidée de l’extérieur mais comptait peu à l’intérieur en fait, malgré le show à courte vue qu’on a voulu nous servir ici la concernant. Il faudrait envelopper son cercueil dans un drapeau ricain. Elle est morte pour ses maitres d’outre-Atlantique et ces derniers, toujours aussi mauvais joueurs sur l’échiquier mondial, sont maintenant bien emmerdés avec ce général qui n’arrive plus à contenir son hinterland qui gronde et ses maquis rebelles qui pullulent. Même des journaux de suppôts comme Le Monde etc admettent cette réalité patente du statut parfaitement compradore de la manoeuvre avortée Bhutto. Ce qu’il faut voir clairement ici, c’est la mesure de l’incompétence américaine sur cette question délicate de politique étrangère. Si Madame Bhutto et ses muses US étaient si adroites, eh bien la dame serait tout simplement encore en vie. Le pragmatisme de la survie physique en politique n’est pas un pragmatisme abusif, loin s’en faut. Morte, elle prouve combien le coup était hasardeux et mal informé.

L’impact politique de Madame Bhutto (plus inconsciente que véritablement «courageuse» à mon sens. Il n’y a aucun courage dans le suicide) sera minime et sans suites sérieuses. Six mois après sa mort, on n’y pensait plus. Observons cet impact sur le coup du moment d’alors. Moins d’une cinquantaine de morts dans les manifs (Il faut placer les choses dans leurs justes proportions. Ce sont des pays hautement émotifs en matière d’assassinat politique. Rien de comparable ici cependant avec les centaines et centaines de morts ayant suivi les assassinats de Mohenda, Indira et Rajiv Gandhi), des pillages et du brigandage (Ça c’est intéressant parce que c’est l’action de gens qui se couvrent avec l’événement plus qu’ils ne couvrent l’événement), un report électoral mollasson, des partis d’opposition pas tellement plus forts ou plus faible qu’avant, un général toujours aussi collant, et la lente marmite islamiste qui continue de chauffer dans le fond de l’hinterland (et non, comme on cherche tant à nous le faire croire ici, du fait de groupuscules marginaux).

Rien de nouveau, donc. Les tendances lourdes, comme en Égypte, comme en Arabie Saoudite, comme dans la vie. L’idée de foutre la paix à ces gens devrait peut-être faire son chemin un petit peu (si peu), mais le mal de l’intervention occidentale est de toute façon déjà bien avancé… Dans ce contexte foutu, la question QUE FAIRE? a été soulevée. Posons la en termes pakistanais (et saoudiens et égyptiens et palestiniens). Mais que manque-t-il donc à l’islamisme politique pour qu’il se défrustre, se décrispe, se calme les nerfs, s’assoye dedans et nous foute un peu la paix? Réponse: il lui manque l’usure du pouvoir, le bon vieux ronron des chancelleries, le raplapla de la realpolitik, la couchette du pacha. L’ineptie compradore ricaine étant ce qu’elle est, de l’Algérie au Pakistan en passant par la Palestine, quand un parti islamique gagne ses élections en bonne et due forme (démocratie, vous avez dit?), il se fait casser les deux jambes par l’Occident, flagosser, taponner, couillonner, et ces gens n’ont tout simplement pas l’opportunité d’aller un peu dormir au ministère et voir si j’y suis, dans leurs propres pays. Pas fort ça, pour les soi-disant champions US de l’électoralisme. Alors ces gens, tu comprends, ils s’exacerbent, constatent qu’il y a un truc avec les urnes là, et cinq ans plus tard au lieu d’avoir un régime islamique mou élu, tu finis avec un régime islamique dur, placé par coup d’état, martyr sanguinolent et braqué à la planche contre les ricains et leurs semblables (dont vous et moi, au fait).

Le summum pour ça c’est l’Arabie Saoudite. Le grand frère compradore US lui bloque sa révolution républicaine depuis des lustres et, exactement comme l’Irlande jadis, l’Arabie Saoudite exporte ses terroristes (Ben Laden est un grand bourgeois saoudien, frustré de sa révolution anti-monarchique locale) autour du pourtour du couvercle tenu par un Oncle Sam aveugle. Et cela éclabousse partout. Et quand, bien exacerbés, ils pogneront le manche (comme en Iran en 1979), il n’y aura plus de Vietnam communiste pour aller les calmer comme ce dernier le fit si bien pour le Cambodge.

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Tiré de mon ouvrage: Paul Laurendeau (2015), L’islam, et nous les athées, ÉLP Éditeur, Montréal, format ePub ou Mobi.

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