Chroniques d’une Française dans le Donbass – Comment je suis devenue Russe

Chroniques d’une Française dans le Donbass – Comment je suis devenue Russe

par Christelle Néant

Quatre mois après avoir déposé les documents nécessaires au service de migration de la RPD (République Populaire de Donetsk), me voilà enfin devenue citoyenne russe, via la procédure simplifiée prévue par le décret de Vladimir Poutine d’avril 2019. Chroniques de l’obtention du passeport russe par une Française du Donbass.

Après la signature par Vladimir Poutine le 24 avril 2019 du décret permettant aux habitants des républiques populaires du Donbass d’obtenir la nationalité russe via une procédure simplifiée, de nombreux étrangers vivant en RPD et en RPL (République Populaire de Lougansk), dont moi-même, attendaient de pouvoir en bénéficier.

Pas seulement les volontaires, journalistes et humanitaires, venus aider chacun à sa manière les habitants du Donbass en guerre, mais aussi les nombreux étrangers qui vivaient déjà dans les régions de Donetsk et de Lougansk avant que n’éclate le conflit, et qui n’avaient pas de passeport ukrainien : Arméniens, Azerbaïdjanais, Tunisiens, Palestiniens, Grecs, Géorgiens, Moldaves, Bulgares, Turcs, Ouzbèkes, etc.

Mais le premier décret signé en 2019 par Vladimir Poutine ne concernait que les personnes possédant la nationalité ukrainienne, car il s’appuyait sur le décret du 18 février 2017 qui reconnaissait les passeports et autres documents officiels de la RPD et de la RPL, mais seulement pour les personnes apatrides ou ayant la nationalité ukrainienne. Les étrangers vivant en RPD et en RPL ne pouvaient donc pas bénéficier de la procédure simplifiée.

Mais le 4 novembre 2020, Vladimir Poutine a modifié son décret de 2017 afin de reconnaître les passeports de la RPD et de la RPL peu importe leur nationalité d’origine du porteur. Cette modification du premier décret changeait la portée du deuxième et permettait ainsi aux étrangers vivant en RPD et en RPL, et possédant le passeport de l’une ou l’autre république de bénéficier de la procédure simplifiée.

Si pour les habitants locaux, même simplifiée, la procédure ressemble quand même à une quête, pour les étrangers ça l’est encore plus. Car non seulement ils doivent fournir les mêmes papiers, mais il faut aussi des traductions certifiées par notaire pour chaque document étranger.

Je commence donc par m’occuper de faire faire la traduction de mon certificat de naissance et de mon passeport français en russe, dans un bureau de traduction agréé. La traduction est relativement rapide et fournit accessoirement aussi les copies des documents requises par la procédure, mais cela rajoute un coût à l’ensemble de la procédure (1 500 roubles).

Ensuite je fais les copies de mon passeport de la RPD, que je possède déjà depuis septembre 2016, et de mes accréditations qui prouvent que je travaille comme journaliste. Et enfin je fais les photos qui iront dans les passeports (interne et externe) que je vais demander. Demandant deux passeports, je dois fournir huit photos, ce qui me revient à 160 roubles. Cette étape fut dans les débuts la plus difficile car les photographes de la RPD et de la RPL ont dû s’adapter aux spécifications bien précises demandées par la Russie (entre autre la qualité du papier photo et la taille de cette dernière).

Pourquoi est-ce que je parle de passeport interne et externe ? Eh bien en Russie il n’y a pas de carte d’identité comme en France, c’est le passeport interne qui fait office de carte d’identité. Le passeport externe est l’équivalent quant à lui du passeport français.

Une fois que j’ai tous mes documents en main (originaux, traductions et copies), je me rends à la poste pour prendre rendez-vous au service de migration de mon district, afin de déposer mon dossier.

J’arrive à obtenir un rendez-vous la semaine suivante, ce qui m’étonne positivement. Malheureusement c’est pour découvrir une fois sur place qu’en tant qu’étrangère c’est au service central de migration que je dois aller déposer mes documents, et non à celui de mon district.

Soit. Rendez-vous est pris avec le service central de migration le 9 décembre et j’y retrouve un autre Français, François Mauld d’Aymée, venu lui aussi déposer ses papiers. Étant parmi les premiers étrangers à faire la démarche, la télévision d’état russe Rossia 24 fait un reportage sur nos démarches administratives, avant de nous interviewer séparément. Mon ancien collègue italien Vittorio Nicola Rangeloni déposera ses documents quelques jours après nous, et donnera lui aussi une interview à Rossia 24.

Demandant deux passeports, je dois payer deux frais de dossier : 300 roubles pour le passeport interne et 2 000 roubles pour le passeport externe. Soit 2 300 roubles au total. Pour cela je dois me rendre à la Banque Centrale de la RPD (BCR). Le service central de migration est heureusement doté d’un bureau de la BCR au sein même du bâtiment, ce qui facilite grandement les choses. En quelques minutes le paiement des frais est fait, pendant que la fonctionnaire du service de migration à qui j’ai remis mes documents finit de préparer mon dossier.

Je lui donne les quittances de la banque prouvant que j’ai payé les frais de dossier, et je signe plusieurs documents dont la déclaration de demande de passeport. Ne reste plus maintenant qu’à attendre la réponse.

Deux mois plus tard, mi-février, le service central de migration me rappelle, un des formulaires ayant changé au mois de janvier je dois revenir signer la nouvelle version pour que le service de migration russe puisse traiter mon dossier. Je passe immédiatement, sans devoir faire la queue, et je signe le nouveau document, en espérant que désormais il ne restera plus longtemps à attendre.

Mi-avril, mes passeports sont prêts. Le service de migration m’indique par téléphone qu’il y a de la place pour le 15 avril dans un autobus qui se rendra dans l’un des quatre points de délivrance de passeports. L’autobus partira à 5 h 50 de Donetsk, et s’arrêtera en plusieurs endroits sur la route menant à la frontière (Makeyevka, Khartsyzsk, Zougres, etc) pour prendre d’autres personnes. Coût de l’aller-retour : 550 roubles.

Un tarif très avantageux comparé au fait de prendre sa propre voiture. Et le passage de la frontière est plus rapide, car ces bus passent par une procédure accélérée. Je reçois un SMS de confirmation avec la date, l’heure de départ et la destination de mon bus.

Ces bus partant très tôt, je dois sortir de chez moi à peine le couvre-feu terminé pour arriver à temps. Une fois sur place il y a pléthore de bus et je dois trouver lequel est le mien. Car il y a plusieurs bus pour chaque point de délivrance. Rien que pour le mien, il y a deux énormes bus de presque 50 places. Nous sommes plusieurs centaines à nous rendre ce jour-là en Russie pour chercher nos passeports.

Nous discutons entre nous pendant que nous montons dans les bus, le masque sur le nez, et je sympathise avec Elena, une ancienne professeur d’anglais à la retraite, qui est ravie de pouvoir pratiquer à nouveau la langue qu’elle enseignait avec moi. Nous nous asseyons côte à côte et passerons une bonne partie du trajet à discuter ensemble en anglais de la vie ici, de la guerre, de ce que fait une Française comme moi dans le Donbass, et de l’importance de pouvoir obtenir le passeport russe. Nous entendant parler anglais les autres passagers sont intrigués, et pour finir tout le bus finit par savoir qu’il y a une Française parmi eux, pourquoi j’ai décidé de venir travailler comme journaliste dans le Donbass, et pourquoi j’ai demandé à obtenir la citoyenneté russe.

Les autobus démarrent et après deux heures de route ponctuées d’arrêts, ils arrivent pleins à craquer à la frontière. Le passage est assez rapide des deux côtés (RPD et Russie), et nous arrivons rapidement à Matveyev Kourgane, notre destination. Notre autobus est le premier à arriver au point de délivrance des passeports.

Nous descendons du bus et nous sommes séparés en deux groupes : les femmes et les hommes. Galanterie russe oblige ce sont les femmes qui entrent d’abord dans le bâtiment. Nous remettons notre passeport de la RPD et attentons groupées dans l’entrée qu’on nous appelle individuellement.

Je suis une des dernières à être appelées. On me rend mon passeport de la RPD, et les photos excédentaires. Puis je suis prise en photo, on prend mes empreintes digitales, et je signe les derniers documents, dont le serment d’allégeance. Une fois que nous avons toutes fait les dernières démarches on nous sépare en deux groupes d’une douzaine de personnes pour la prestation de serment orale.

Nous sommes disposées en U dans une grande pièce. Je suis au bout du U, le drapeau russe est sur ma droite et j’ai le portrait de Vladimir Poutine juste en face de moi. On nous remet à chacune une copie du serment et on nous donne le signal pour que nous le lisions toutes ensemble en chœur devant un agent du service de migration russe.

« Je, (nom, prénom, patronyme), acceptant volontairement et en toute connaissance de cause la citoyenneté de la fédération de Russie, jure :
– d’observer la Constitution et les lois de la fédération de Russie, les droits et libertés de ses citoyens ;
– d’accomplir mes devoirs de citoyen de la fédération de Russie pour le bien de l’État et de la société ;
– de protéger la liberté et l’indépendance de la fédération de Russie ;
– d’être fidèle à la Russie, de respecter sa culture, son histoire et ses traditions. 
»

Une fois cela fait, l’agent nous applaudit et nous annonce que nous sommes désormais officiellement citoyennes de la fédération de Russie, et nous remet nos passeports en nous félicitant.

Une fois que toutes les femmes ont reçu leur passeport nous sortons, et c’est au tour de hommes d’entrer. Entre temps le deuxième autobus est arrivé, et ses passagers passeront par le même processus.

Nous attendons à peine une heure, et tout le monde embarque de nouveau dans l’autobus, pour rentrer en RPD. Cette fois, à la frontière russe, nous présentons nos passeports russes tous neufs en plus de nos passeports de la RPD. La prochaine fois nous ne présenterons plus que le passeport russe de ce côté là de la frontière. Sur la route du retour le bus s’arrête aux mêmes endroits qu’à l’aller, se vidant petit à petit de ses passagers. Nous arrivons au terminus vers 17 h, épuisés par une journée de voyage, mais tellement heureux d’avoir enfin en main nos précieux passeports russes.

Cinq ans après mon arrivée dans le Donbass, me voilà donc devenue Russe, comme plus de 500 000 personnes vivant en RPD et RPL. Et si tout se passe selon les prévisions de la Russie, nous serons près d’un million de citoyens russes en RPD et en RPL d’ici la fin de l’année.

Christelle Néant

source:https://www.donbass-insider.com/fr/

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À propos de l'auteur Réseau International

Site de réflexion et de ré-information.Aujourd’hui nous assistons, à travers le monde, à une émancipation des masses vis à vis de l’information produite par les médias dits “mainstream”, et surtout vis à vis de la communication officielle, l’une et l’autre se confondant le plus souvent. Bien sûr, c’est Internet qui a permis cette émancipation. Mais pas seulement. S’il n’y avait pas eu un certain 11 Septembre, s’il n’y avait pas eu toutes ces guerres qui ont découlé de cet évènement, les choses auraient pu être bien différentes. Quelques jours après le 11 Septembre 2001, Marc-Edouard Nabe avait écrit un livre intitulé : “Une lueur d’espoir”. J’avais aimé ce titre. Il s’agissait bien d’une lueur, comme l’aube d’un jour nouveau. La lumière, progressivement, inexorablement se répandait sur la terre. Peu à peu, l’humanité sort des ténèbres. Nous n’en sommes encore qu’au début, mais cette dynamique semble irréversible. Le monde ne remerciera jamais assez Monsieur Thierry Meyssan pour avoir été à l’origine de la prise de conscience mondiale de la manipulation de l’information sur cet évènement que fut le 11 Septembre. Bien sûr, si ce n’était lui, quelqu’un d’autre l’aurait fait tôt ou tard. Mais l’Histoire est ainsi faite : la rencontre d’un homme et d’un évènement.Cette aube qui point, c’est la naissance de la vérité, en lutte contre le mensonge. Lumière contre ténèbres. J’ai espoir que la vérité triomphera car il n’existe d’ombre que par absence de lumière. L’échange d’informations à travers les blogs et forums permettra d’y parvenir. C’est la raison d’être de ce blog. Je souhaitais apporter ma modeste contribution à cette grande aventure, à travers mes réflexions, mon vécu et les divers échanges personnels que j’ai eu ici ou là. Il se veut sans prétentions, et n’a comme orientation que la recherche de la vérité, si elle existe.Chercher la vérité c’est, bien sûr, lutter contre le mensonge où qu’il se niche, mais c’est surtout une recherche éperdue de Justice.

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