La guerre en Syrie, entamée dès le 15 mars 2011, fut caractérisée par le retranchement de milliers de combattants dans de véritables jungles urbaines en béton qu’une législation laxiste à laissé proliférer avant la guerre. La défiguration des zones péri-urbaines par la prolifération de cités en béton armé sans aucun respect pour les règles les plus élémentaires de l’urbanisme a créé des zones grises qui n’ont jamais été cartographiées et qui ne figurent pas sur les cartes GPS. Dans certains endroits, d’anciens bidonvilles se sont transformés, grâce à l’amélioration des conditions de vie des populations, en véritables villes en béton où les habitants construisaient eux-mêmes leurs habitations individuelles en béton armé sur fond de rivalités individuelles et d’un esprit d’émulation. Ces “villes nouvelles” créées par les populations furent le plus souvent dépourvues d’infrastructures de base et l’État syrien a eu les plus grandes difficultés au monde à suivre un développement urbain qui lui avait échappé depuis des années. Cette dynamique naturelle s’arrêta aprés le début de la radicalisation du conflit vers le mois de juillet 2012 et l’attaque inédite contre les sièges du Ministère de la Défense et le QG de l’état-major de l’Armée Arabe Syrienne (AAS) à l’issue de laquelle le ministre de la défense et un nombre important d’officiers généraux perdirent la vie.
La radicalisation et l’extension du domaine de la lutte amenèrent le commandement militaire syrien à opter pour l’usage des unités blindées en milieu urbain. Un choix fort risquée et hasardeux vu les précédents en la matière dans l’histoire militaire mondiale. Les tactiques employées comme à Daraya étaient spectaculaire et évoquaient la stratégie du coup de marteau. La vivacité des équipages de chars et leur inventivité ne leur permit pas d’éviter les roquettes antichars tirées à bout portant par des rebelles qui surgissaient devant le mastodonte d’acier au milieu du fracas des armes. Les militaires syriens utilisèrent alors la combinaison infanterie mécanisée et chars de combat en milieu urbain dense où les gravats générés par les destructions interdisaient à partir d’un certain moment la progression des blindés et forçaient le contact d’infanterie en favorisant surtout le positionnement idéal de snipers. Les snipers rebelles (et le plus souvent étrangers) firent beaucoup de dégâts au milieu de villes en ruines. Ils étaient toujours la cible d’un feu nourri, au canon de char ou à la mitrailleusesm lourde.
Si certaines unités blindées firent des miracles dans cette guerre urbaine extrême, beaucoup éprouvèrent des pertes incommensurables, notamment dans les zones où les rebelles reçurent vers le milieu de l’année 2015 des missiles antichar TOW, Konkurs, Kornet et Milan. Cette nouvelle donne poussa les militaires syrien à tirer dans le tas avec toutes les armes disponibles et à effectuer les bombardements à l’aide de barils thermobariques. Une fois la zone cible bombardée, des colonnes blindées partaient en avant pour nettoyer les axes et neutraliser les positions de francs-tireurs. Cette opération prenait beaucoup de temps et même après nettoyage de zone, les troupes qui suivaient les blindés étaient durement accrochées par des résidus de groupes rebelles ayant suvécu à l’enfer des bombardements et du pilonnage à bout portant.
Ce n’est que vers l’année 2016 que ces tactiques connurent une modification importante avec l’usage combiné de l’aviation tactique et des forces spéciales au sol, suivant l’intervention militaire russe. La recapture de la grande ville d’Alep, deuxième plus grande ville du pays, par les forces gouvernementales fut un coup de force majeur qui a vu une combinaison inédite des forces spéciales, notamment les Spetsnaz mais également les forces spéciales tchétchènes, l’aviation tactique et de chars pour forcer l’immense réseau de galeries souterraines rebelles aux côtés desquels se trouvaient des agents et des officiers des services spéciaux de plusieurs pays de l’OTAN et de pays arabes. L’assaut d’Alep restera un cas d’école dans les annales de l’histoire militaire et est devenu un thème majeur de l’histoire militaire russe.
Les pertes enregistrées par les unités blindées syriennes sont considérables et s’élèvent au niveau d’une confrontation classique avec un ennemi disposant d’importants moyens antichar et anti-véhicules. Les rebelles avaient tenté à plusieurs reprises à former des unités blindées et à les utiliser sans grand succès. Cette incapacité des rebelles à former des unités blindées disposant d’une capacité de survie de plus d’une semaine obligea les israéliens à intervenir directement sur le théâtre des opérations en Syrie. Ceci n’a jamais été un secret et fait l’objet d’une documentation assez précise. À plusieurs reprises, des offensives rebelles coïncidaient avec des raids aériens et balistiques israéliens visant la suppression des défenses antiaériennes syriennes ou encore la neutralisation d’un verrou stratégique. Ces interventions ne se limitèrent pas à des raids aériens mais aussi à des infiltrations au sol, par des éléments druzes et arabes israéliens “embedded” ou incrustés au milieu des groupes rebelles. Au début de la guerre, des chars T-72 syriens fonçant au milieu d’une grande avenue de Daraya furent ciblés par des tirs de groupes inflltrés conjoints. La vidéo de ces combats fait l’objet d’une censure incompréhensible jusqu’à ce jour.
L’usage des blindés dans la guerre urbaine extrême en Syrie est une leçon pour tous les pays Arabes où l’urbanisation sauvage et rapide a causé la création de nouvelles villes échappant partiellement au contrôle du pouvoir central ou, du moins, une éventuelle intervention gouvernementale est toujours compliquée et risquée. Cette leçon nous confirme surtout quelques maximes anciennes sur la nécessité d’une bonne gouvernance du territoire et le respect du paysage urbain sous peine d’une catastrophe en cas de contingences de guerre ou de péril naturel. Les syriens semblent avoir bien assimilé cette très dure leçon.
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