Massacre de Belle-Épine.
Le jour même où, du côté de Neuilly, un armistice de quelques heures avait été arraché enfin à Thiers1 pour permettre aux pauvres gens de Sablonville et de Neuilly, bloqués depuis trois semaines entre nos feux et ceux de Versailles, de rentrer dans Paris et de s’y mettre à l’abri, messieurs les assassins galonnés se livraient à de nouveaux exploits vers le Sud.
Quatre fédérés2, faisant une ronde vers Belle-Épine, près Villejuif, furent surpris par un détachement de chasseurs à cheval qui les sommèrent de se rendre.
Toute résistance sérieuse étant impossible, les malheureux déposent leurs armes.
Les chasseurs les entourent, mais sans leur faire aucun mal.
Soudain survient le capitaine. Il se précipite sur les prisonniers et, de son revolver, en tue trois et blesse grièvement le quatrième, le citoyen Schaffer. Puis ce brave ordonne à ses hommes de continuer leur route, laissant les quatre cadavres sur le sol.
Le citoyen Schaffer eut encore la force de rejoindre ses camarades, campés sur la route de Bicêtre d’où on le transporta à l’ambulance.
C’est de sa bouche que, chargés de faire l’enquête sur cet abominable drame, les citoyens Gambon, Vésinier et Langevin3 recueillent ces détails.
Plus que jamais, cela va sans dire, les Thiers, les Jules Favre4, les Dufaure5 et les Jules Simon6 signalent à la province les fédérés comme étant « d’exécrables bandits ».
Gustave Lefrançais, Souvenirs d’un révolutionnaire, De juin 1848 à la Commune
1 Adolphe Thiers (1797-1877): après avoir joué un rôle dans la mise en place de tous les régimes du XIXe siècle à partir de la Monarchie de Juillet, il est, depuis le 17 février 1871, Chef du pouvoir exécutif de la République française (c’est-à-dire à la fois chef de l’État et du gouvernement).
2 Combattants des bataillons fédérés de la Garde nationale de la Commune de Paris (sous l’autorité d’un Comité central dont les délégués étaient élus par eux et révocables), et par extension tout communard armé.
3 Camille Langevin (1843-1913): tourneur sur métaux, syndicaliste, coopérateur, membre de l’Internationale et de la Commune; après la Semaine sanglante, il se réfugiera d’abord en Alsace, puis à Londres après son expulsion par le gouvernement allemand.
4 Jules Favre (1809-1880): il a, lui aussi, joué un rôle dans presque tous les régimes depuis la Monarchie de Juillet; ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de la “Défense” nationale, il signa l’armistice avec Bismarck le 26 janvier 1871; il demeure ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Thiers. Il déclara, après le 18 mars: “Il n’y a pas à pactiser avec l’émeute. Il faut la dompter, il faut châtier Paris !”.
5 Jules Dufaure (1798-1881): ministre sous la Monarchie de Juillet et la Seconde République, il est vice-président du Conseil et ministre de la Justice sous l’autorité de Thiers.
6 Jules Simon (1814-1896): philosophe, ministre de l’Instruction publique du gouvernement de la “Défense” nationale puis de Thiers.
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