Quand deux intellectuels étasuniens mondialement réputés contestent l’existence d’un génocide ouïghour.
par Gaston Monatte.
Dans un article publié dans un média qui est une référence internationale en matière de politique étrangère, deux intellectuels étasuniens notoires demandent à leur gouvernement de ne pas poursuivre la campagne « contre productive » sur le prétendu génocide des Ouïghours.
Après un article allant dans le même sens, publié par le Washington Post et après les avis d’avocats du Département d’État pour qui le mot « génocide » n’est pas « prouvable », il se pourrait bien que le point fort de la campagne mondiale antichinoise, relayée en France par des médias quasi unanimes, soit sur le point d’être supplantée par d’autres bobards.
« PS » c’est-à-dire « Project syndicate », est un réseau de 459 médias dans 150 pays. Dans son édition du 20 avril , il présente un article signé Jeffrey Sachs et Willian Schabas intitulé « The Xinjiang genocide allegations are unjustified », en d’autres termes « Les accusations de génocide au Xinjiang sont injustifiées ».
Les auteurs autant que la publication jettent un sérieux pavé dans la mare de la campagne internationale hystérique des médias et de quelques politiciens de droite comme de gauche qui « sans opportunisme » aucun, font le choix de soutenir les activistes de groupuscules séparatistes Ouïghours qui en appellent au « Jihad » et à « anéantir la Chine ».
Ces derniers sont en réalité ceux qui terrorisent les Ouïghours du Xinjiang. De Clémentine Autain à l’atlantiste Raphaël Glucksmann de Nabilla à l’évangéliste de la secte « Born again » Adrian Zenz qui pense que sa dénonciation de la Chine est guidée par Dieu, il est devenu dorénavant « fashion » de participer au boycott du coton en provenance du Xinjiang initié par des compagnies connues pour leur respect scrupuleux des droits de l’homme en Asie du Sud-est comme H&M, Adidas, Burberry, Nike. Ce qui en retour a provoqué une chute brutale des ventes de ces entreprises en Chine et sensiblement augmenté celles des produits chinois correspondants. Dans ce secteur concerné, les ventes ont contribué à faire un bond en avant de 7% à la bourse de Shangaï.
L’article présenté par Project Syndicate est intéressant à plus d’un titre. En premier lieu par le support lui-même. La réputation de PS est d’être une référence internationale en matière de politique étrangère, et d’être très largement relayée dans le monde. PS n’est pas ce que l’on peut qualifier de néoconservateur. Bien sûr, il est critique de la Chine de Xi Jinping et de la Russie de Poutine, toutefois dans un style plus « soft » que bien des commentateurs officiels. PS reflète et suggère souvent par anticipation, parfois de manière critique ce qu’est ou ce qu’annonce la politique étrangère nord-américaine.
Avec cet article PS a rejoint en cela le Washington Post qui s’est exprimé récemment dans le même sens et qui sur les Ouïghours a pris ses distances avec le terme de « génocide » en soulignant que l’utilisation du mot génocide est « juridiquement inappropriée », « intentionnellement incendiaire », dans un but de « diabolisation » de la Chine.
En second lieu, quelques mots sur les auteurs
Jeffrey Sachs est un économiste libéral(libéral au sens américain et non celui que nous lui donnons) très écouté, proche de nombreuses administrations démocrates US, il est considéré internationalement comme l’un des cent intellectuels les plus influents au monde. Après la chute de l’URSS, il a été la cheville ouvrière de ce que l’on a appelé « la thérapie de choc » en Russie, Pologne avec les résultats tragiques que l’on sait, idem d’ailleurs en Amérique Latine.
Il s’est depuis racheté une conduite en critiquant les politiques qu’il avait inspirées et en prenant des positions lucides sur différents sujets dont les causes de la crise systémique, une critique souvent radicale de la politique américaine. Sachs est très actif sur les enjeux du développement durable, des inégalités, du réchauffement climatique, il a été le conseiller de plusieurs secretaires généraux des Nations unies dont Antonio Gutteres.
Quant à William Schabas il est un professeur de droit international de réputation mondiale. Un spécialiste pour les Nations unies du droit international sur la torture, la peine de mort, les droits de la personne et le génocide sur lequel il a rapporté comme expert des Nations unies à partir de l’exemple rwandais. Il a occupé d’importantes charges universitaires et auprès d’institutions comme US Aid que l’on ne peut accuser de radicalisme.
Par conséquent si PS , Jeffrey Sachs et William Schabas recommandent d’arrêter les frais sur « le génocide » des Ouïghours, c’est probablement un indicateur intéressant de ce que cela peut annoncer comme évolution possible de la politique américaine à l’égard de la Chine. Faut-il rappeler ici que le terme de « génocide » a été utilisé par Biden lui-même ainsi que par son administration sans parler des médias mainstream en particulier en France comme le Monde et Libération, CNews ou France 24 ?
Sachant que cette mise en cause critique de l’utilisation du concept grave de génocide est sans précédent et qu’il ne peut être le produit de la génération spontanée, cet article peut signifier deux choses possibles.
1- Une prise de conscience est en train de s’opérer quant à l’entreprise internationale de falsifications au sujet des Ouïghours, y compris parmi les décideurs américains. Du point de vue de son impact, preuve en est à travers cet article, cette campagne marque le pas. Ses excès et ses caricatures de la réalité au Xinjiang deviennent contre productifs. On en fait trop. Cela donne raison à ceux qui assument courageusement cette dénonciation à contre courant. C’est-à-dire plusieurs lanceurs d’alerte qui en toute honnêteté ont rapporté ce qu’ils ont vu et vécu au Xinjiang, comme l’a fait dans un livre Maxime Vivas.
Une réalité, qui est à des années lumières des descriptions fantasmagoriques d’experts qui n’ont jamais mis les pieds sur place et qui de surcroît pour un grand nombre d’entre eux ignoraient jusqu’ à l’existence des Ouïghours. Malgré les calomnies, cette résistance pro-vérité a tenu bon. D’une certaine manière et à leur manière Jeffrey Sachs et William Schabas vont dans le même sens. Il faut se féliciter de ces réactions critiques qui refusent le prêt à porter idéologique que les médias veulent imposer. Cet état d’esprit nouveau a été aussi favorisé par la fermeté « nouvelle » de la Chine qui a répondu du tac au tac et avec des arguments précis et irréfutables. Cette attitude offensive a contribué à déstabiliser et placer sur la défensive les dirigeants américains comme on l’a vu au sommet d’Anchorage.
À cette occasion la leçon de politique internationale donnée par les responsables chinois aux deux représentants de Joe Biden est implacable. Comme on le voit dans la vidéo de ces entretiens au sommet, la prestation chinoise est tout à fait remarquable. Elle fait grandement la différence avec le contenu affligeant des propos d’Anthony Blinken et Jake Sullivan.
2- L’article de Jeffrey Sachs et William Schabas est donc révélateur à partir d’arguments autant politiques que de droit international. Comme les deux auteurs le démontrent, on ne peut galvauder impunément les principes et valeurs défendues par le système des Nations unies et dont la Charte doit demeurer la référence des États et des peuples. Jeffrey Sachs et William Schabas y font référence de manière forte, solennelle et argumentée. Ce qui leur permet d’attirer l’attention sur ce qu’a été la politique des États Unis dans son action proclamée contre le terrorisme, et ce à quoi elle a conduit comme exactions en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Lybie. En fait cet article, en forme d’interpellation de la nouvelle administration US, suggère d’amorcer un virage pragmatique en renonçant aux approximations, aux suppositions, aux interprétations et à la fantaisie. Comme le montre l’article en deux chapitres publié dans LGS par Jean-Pierre Page et Bruno Drweski sur la nouvelle politique étrangère US face à la Chine, les États-Unis sont pris dans une contradiction difficile à gérer : rivalité et besoin de coopérer pour assurer leur survie immédiate. Il est bien beau de parler de changement de régime et même de changement de système à Pékin quand les Etats-Unis n’ont jamais été aussi divisés, polarisés, affaiblis économiquement et socialement. L’article de Jeffrey Sachs et de William Schabas dans Project Syndicate vient utilement rappeler qu’à jouer avec les allumettes, on finit par se brûler.
(Les illustrations sont du Grand Soir).
source : https://www.legrandsoir.info
Source : Lire l'article complet par Réseau International
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